Les saints du calendrier et le symbolisme zodiacal
Ce sujet mériterait une étude très détaillée. Nous nous contenterons de quelques exemples accompagnant l’image du tétramorphe(1) en rapport avec le zodiaque, puisque chacun des animaux symbolisant les quatre Évangiles marquent le mois central d’une saison :
• le Taureau de saint Luc pour le Printemps,
• le Lion de saint Marc pour l’Été,
• l’Aigle de saint Jean est en fait l’équivalent du signe astrologique du Scorpion (nous y reviendrons)
• tandis que l’Ange de saint Matthieu remplace le Verseau.
La naissance du Christ – l’enfant au corps de lumière – le 24 décembre, au début du Capricorne, annonce le renouveau du soleil qui aura pour effet l’allongement des jours. En outre, ce que représente le Christ manifeste l’immortalité et, ainsi, la victoire sur l’astre gouvernant le Capricorne, à savoir Saturne appelé aussi Chronos qui, par ses attributs, le sablier et la faux, symbolise l’inexorabilité du vieillissement et de la mort. Dans une autre étude, il sera question de la signification de l’Épiphanie(2) ou « fête des rois », célébrée début janvier approximativement au milieu du signe du Capricorne. Pour cet événement, Saturne ne doit plus être considéré comme le « vieillard Temps », image de la fatalité humaine, mais le roi régnant en Âge d’Or et qui, alors, se confond avec Apollon hyperboréen(3).
Le 22 janvier, au début du signe du Verseau, on trouve saint Vincent, patron des vignerons. Il est donc aisé d’établir un rapprochement entre Ganymède – devenu l’échanson des Olympiens et, ainsi désigné comme le « verseur » – et le Vincent qui veille sur les vignobles.
À la condition de préciser, toutefois, que Ganymède ne verse pas d’eau aux dieux mais de l’ambroisie, autrement dit l’immortalité. Avec l’institution de l’Eucharistie, le vin est l’équivalent de l’ambroisie pour un chrétien.
La célébration de la « Chaire de saint Pierre », le 22 février, n’apparaît plus sur nos calendriers. Cette fête rappelait l’épiscopat de Pierre à Antioche puis à Rome. Pierre étant le « pêcheur d’hommes », le souvenir de l’épiscopat comparé à une pêche prend donc place au début du signe des Poissons.
Le 3 mars, au milieu de ce même secteur du zodiaque, on honore un saint breton, Guénolé. Son nom est associé à la légendaire ville d’Ys, engloutie par la faute d’une princesse agissant sous une influence démoniaque. On retrouve le thème de l’Atlantide mais sur des rivages celtiques. Avec saint Guénolé, cette tragédie de légende est évoquée dans le signe consacré au domaine marin.
Le printemps
Saint Victorien que l’on fête le 23 mars, au début du Bélier, était proconsul et l’iconographie le représente en officier de légion. Par son nom et son équipement il se fait emblématique de l’entrée dans ce secteur zodiacal sous l’influence du dieu – Mars, précisément – qui confère la victoire(4). On nous fera remarquer que Victor, prénom bien proche sinon identique de Victorien, est honoré tout à la fin du signe du Cancer et même, selon les calendriers, au passage dans le Lion. Nous en reparlerons lorsque sera abordé ce signe d’eau occupant le premier tiers de l’été.
Si la célébration de Pâques varie d’une année sur l’autre, elle se déroule dans le signe du Bélier(5). Appartenant à la même espèce que cet animal, l’agneau – en l’occurrence l’Agnus Dei qui doit être sacrifié – le remplace. Le chef‑d’œuvre de la peinture flamande signé de Jan Van Eyck en résume toute la symbolique.
L’un des saints pourfendeurs de dragons, Georges est honoré le 23 avril, dans les premiers jours du signe du Taureau. Dérivé du grec geôrgos (« laboureur »), le nom de ce saint est en adéquation avec le Taureau zodiacal symbolisant la terre. De plus la légende affirme que saint Georges a ressuscité le bœuf (équivalent du taureau) d’un pauvre laboureur.
Au tout début du signe des Gémeaux, le 22 mai, on fête Émile, martyr vers 250, qui mourut avec un certain saint Castus. Ce dernier nom est fort proche de celui de Castor, l’infortuné – car mortel ! – frère de Pollux qui, lui, était immortel et l’on peut se demander si ce ne sont pas les Gémeaux que remplacent Émile et Castus. Ajoutons que la fête de la Pentecôte se déroule généralement(6) durant le mois des Gémeaux et l’image des apôtres recevant, sur leurs têtes, les langues de feu du Saint-Esprit est à mettre en parallèle avec le phénomène appelé « feu Saint-Elme » descendu sur Castor et Pollux durant l’expédition des Argonautes.
L’été
Le 22 juin, au lendemain du solstice d’été, donc à l’entrée du signe du Cancer, on trouve la fête de saint Alban, martyr en Angleterre et qui aurait vécu à la rencontre des IIIe et IVe siècle. Alban signifie « blanc » et cette couleur est associée à la lune qui, astrologiquement, gouverne le Cancer. Le moment où se termine ce signe d’eau, le 21 juillet, est placé sous les auspices de saint Victor, déjà évoqué. Nous sommes donc au seuil du Lion. Cela s’explique par le fait que, selon la légende, saint Victor, officier légionnaire, aurait tué un dragon qui occupait une calanque. Ce monstre est donc en rapport avec l’élément aquatique gouverné par le Cancer – le crabe – qui, dit le mythe grec, attaqua Héraclès alors que celui-ci affrontait une effroyable créature précisément surgie de l’élément liquide, l’Hydre de Lerne. Victor met fin à la malfaisance infestant le domaine marin et, après cet assainissement, on devrait pouvoir passer au signe suivant.
La mort du dragon intervient donc au moment où se termine le temps imparti au Cancer. Ce n’est certainement pas par hasard si, la veille, le 20 juillet est consacré à sainte Marine qui est en fait sainte Marguerite, elle-même victorieuse d’un dragon sur l’une des îles de Lérins portant désormais son nom.
Toutefois, l’exploit consistant à triompher d’un monstre qui hante les eaux est réitéré huit jours plus tard avec sainte Marthe. Cette dernière, on le sait, dompta la Tarasque. Mais, direz-vous, pourquoi cette prouesse n’est-elle pas célébrée, comme celle de Victor, à la fin du Cancer ? C’est là qu’on peut admirer la subtilité de ceux qui eurent en charge la répartition des saints sur le cycle annuel. Sœur de Marie-Madeleine qui représente l’entrée dans le signe du Lion, Marthe prolonge, le 29 juin (soit sept jours plus tard(7)), ce passage en accomplissant au bord du Rhône, l’acte de bravoure de Victor. La raison de ce glissement, sur une semaine, du Cancer au Lion se trouve dans le Pseudo-Marcelle, texte hagiographique comportant la première description de la Tarasque. On lit en effet que cette créature de cauchemar « avait la face et la tête d’un lion »(8). Sorte de dragon par son corps, la Tarasque montre une figure léonine. Une façon de dire que le Lion présente aussi un aspect redoutable et les pulsions – dévoratrices – de possession qu’incarne l’animal.
Une telle particularité du monstre révèle que, sous son aspect dangereux, en l’occurrence la prolifération, le « toujours plus », l’influence du Cancer se communique au signe du Lion et, chez un individu, suscite une puissante appétence pour le paraître et tous les artifices qui vont avec. On ne s’étonnera donc pas de constater que le jour qui précède la sainte Marthe est voué à un certain Sanson, originaire de Glamorgan (Pays de Galles) et l’un des principaux saints bretons. L’homonymie de son nom avec celui du héros biblique qui terrasse un lion le place parmi les jours voués au plus solaire des signes astrologiques. Le Samson hébreu, présent dans l’iconographie romane, figure la capacité à maîtriser les influences négatives – principalement l’orgueil et les pulsions « dévoratrices » de possession – qu’incarne l’animal rugissant.
Thème que le monde grec illustre par le combat d’Héraclès contre le lion de Némée. Cette maîtrise du seigneur des fauves est représentée sur l’arcane majeur XI (11)
Pour la tradition viking, un loup (devenu gigantesque) remplace le lion et c’est à Vidar, le dieu rédempteur de la fin du cycle, que revient la tâche de le neutraliser.
Croix datant de la première moitié du Xe siècle, érigée par les Vikings, à Gosforth, Comté de Cumbrie, Angleterre.
Durant tout le Moyen Âge et une grande partie de la Renaissance, Marie-Madeleine était représentée par les peintres et les enlumineurs avec une superbe chevelure blonde évocatrice du signe éminemment solaire que, par sa crinière, constitue le Lion. Signe dont elle marque l’entrée dès lors que son souvenir est fêté le 22 juillet. L’exact milieu du Lion, le 6 août, voit la célébration de la Transfiguration, autrement dit la révélation du corps glorieux du Galiléen. On ne peut mieux faire puisque, d’une part, ce corps lumière est en adéquation avec le symbolisme solaire du Lion et que, d’autre part, cet animal royal est associé au Christ(9).
La Vierge zodiacale n’est, a priori, guère apparente parmi les saints placés à l’entrée de ce signe. Il faut attendre le premier septembre pour découvrir en la personne saint Gilles, ayant vécu en Provence au VIIe siècle, un personnage qui pourrait l’évoquer indirectement. En effet, sur le plan du mythe, la figure archétypale de la Vierge est Pallas Athéna, patronne d’Athènes et reconnaissable à l’égide qui la cuirasse. Or, saint Gilles est originaire de cette cité et son nom dérive de egidius, l’égide. Ajoutons que l’on voyait en Pallas Athéna la déesse de la tekhnê puisqu’elle prend une part active à la construction du navire de Jason. Dans ces conditions, saint Fabrice, fêté le 22 août (le premier jour du signe de la Vierge) et dont le nom vient de faber, « artisan », lui fait écho. Selon La Légende Dorée, saint Gilles avait le pouvoir de faire cesser la stérilité de la terre et rappelons que le signe de la Vierge correspond au moment des moissons.
Revêtu de la peau du lion qu’il a jadis vaincu, Héraclès rencontre, au seuil de l’Olympe, la déesse vierge Athéna : on est au moment de jonction entre deux signes astrologiques de l’été. Peinture de vase grec à figures noires.
L’automne
Le 23 septembre voit la fête de saint Constant et l’on vient d’entrer dans le signe de la Balance. Le nom du saint évoque l’équilibre – souhaité permanent, « constant » donc – que symbolise l’instrument de pesée. Une pesée qui, post mortem ou le jour du jugement dernier, attend les âmes sous le regard de saint Michel archange… célébré précisément le 29 septembre !
Du 22 octobre au 22 novembre règne le Scorpion que l’astrologie associe au dieu des combats, Arès pour les Grecs et Mars pour les Romains. Une unité d’élite de la cavalerie romaine portait l’image du scorpion sur le bouclier. Comme le montrent des vases grecs, certains hoplites arboraient un même symbole. Ce signe symbolise la possibilité d’aller au plus profond – et à l’extrême – de soi-même pour tenter d’atteindre l’immortalité. On comprend, dans ces conditions, que la Toussaint et le souvenir des défunts aient leur place sous de tels auspices. Mentionnons, le 9 novembre, la saint Théodore, autre affronteur de dragon, comme Georges, mais qui, ici, représente le tempérament martien et l’héroïsme. Phonétiquement, Mars est proche du nom (et prénom) Martin. Or, il faut rappeler que saint Martin, l’une des figures protectrices de la France, était à l’origine un officier de légion, fonction relevant de Mars ; et c’est avec son glaive, objet gouverné par ce même olympien, qu’il partage en deux son manteau pour secourir un miséreux.
Signe singulier du Destin, la saint Martin, le 11 novembre, est maintenant occultée par les cérémonies de l’Armistice et le souvenir de la Grande Guerre, moment éminemment martial – même s’il consacre la paix retrouvée – avec recueillement devant la tombe du Soldat Inconnu, étendards des anciens combattants et détachements militaires.
Le premier dimanche après l’entrée dans le Sagittaire voit la célébration du Christ Roi. Pour comprendre le rapport qui s’établit avec ce signe zodiacal, il faut se rapporter aux Évangiles. Jésus serait-il roi de la nation hébraïque ? Dénomination refusée avec véhémence par les Pharisiens et les prêtres que devait violemment irriter l’écriteau placé par Pilate au-dessus de la tête du crucifié et portant, en trois langues (hébreu, grec, latin), ces mots : « Jésus de Nazareth roi des Juifs ». La couronne d’épine fut une façon de tourner en dérision cette supposée royauté. Mais, attention, si le Christ est probablement salué comme roi par celui des trois mages qui, à sa naissance, lui offre l’or(10), il affirmera que son royaume n’est pas de ce monde. En fait, c’est dans l’Apocalypse que nous trouvons la réponse. Le Christ qui ressurgit tout à la fin de notre époque – l’Âge de Fer auraient dit les Grecs – est symbolisé par un personnage apparaissant sur « un cheval blanc » et désigné comme « Rois des rois et Seigneur des seigneurs »(11). Image à mettre en parallèle avec celle du premier des fameux quatre cavaliers apocalyptiques : « je vis paraître un cheval blanc », dit Jean. « Celui qui le montait tenait un arc. On lui donna une couronne »(12). Par l’arme qu’il tient, ce personnage équestre évoque le signe du sagittaire et le fait qu’il soit couronné laisse supposer qu’il mérite le titre de roi. Jean ajoute qu’« Il partit en vainqueur et pour vaincre »(13) ; formule qui résume l’action triomphale du « Rois des rois » se montrant lui aussi sur un cheval blanc(14).
Comme nous venons de le voir, la thématique zodiacale est présente dans le calendrier à la condition d’analyser le symbolisme attaché à des saints ou à certaines fêtes majeures réparties durant l’année.
Il ressort de cette recherche que le signe astrologique n’est généralement pas situé le premier jour de la période qu’il va couvrir mais plutôt un ou deux jours après (le 22, le 23 ou le 24) lorsqu’il n’en occupe pas exactement le centre (exemple la Transfiguration). Ou bien alors, le signe est exprimé par une célébration majeure (avec Noël ou Pâques). L’importance accordée au zodiaque qui rythme l’année explique sa présence au portail de nos basiliques et cathédrales (Vézelay, Chartres, Amiens parmi d’autres). Mais, pour certains clercs, cette importance venait aussi du fait que les douze signes formaient une roue céleste dont le moyeu était la Polaire, astre directement référentiel à la Tradition primordiale.
P.G.-S.
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(1) Voir notre article consacré à J. R. R. Tolkien dans cette même rubrique intitulée Perspectives.
(2) Nous consacrerons une étude à ce moment de l’année.
(3) Cf., dans cette même rubrique Perspectives, l’article de Paul Catsaras
(4) Cf., dans cette même rubrique Perspectives, l’article intitulé « Nous sommes tous des béliers ».
(5) Même si c’est parfois tout à la fin de ce signe comme en 2014.
(6) Selon les années, si Pâques est célébrée plus tôt, en mars (ce fut le cas pour 2008), la Pentecôte se retrouve dans le signe du Taureau.
(7) L’importance du chiffre sept vient du fait qu’il échelonne le passage de la condition terrestre à l’état inconditionné du supra-humain.
(8) Cf, le Guide de la Provence mystérieuse, Éditions Tchou, Paris, 1979, p. 512.
(9) Cf. Louis Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ, Éditions Albin Michel, Paris, 2006, p. 43–48.
(10) Cf. René Guénon, Le Roi du Monde, Éditions Gallimard, Paris, 1958, p. 36.
(11) Apocalypse, 19, 16.
(12) Ibid., 6, 2.
(13) Ibid.
(14) Dans la tradition de l’Inde, le rédempteur attendu pour la fin des quatre Âges est également associé au cheval. De même pour le monde nordique puisque selon l’un des textes fondamentaux de la période viking, Le dit de Grimnir, strophe 17, le rédempteur qui se nomme Vidar arrive à cheval ; cf. Régis Boyer, Les Religions de l’Europe du Nord, Éditions Fayard-Denoël, Paris, 1974, p. 571.<https://www.nice-provence.info/var/wp-content/uploads/sites/6/2017/01p>
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