Depuis plus de 50 ans main­te­nant, la France a déci­dé de mettre fin à l’Algérie Française, clô­tu­rant ain­si de manière bru­tale et désor­don­née, 130 ans d’une coha­bi­ta­tion qui avait com­men­cé par une conquête mili­taire. Et depuis bien­tôt 35 ans, la France à son tour enva­hie, tente désor­mais de créer une socié­té mul­ti­cul­tu­relle et multiconfessionnelle.

« Flux et reflux » nous dit-on, pour décrire ces migra­tions circum-méditérannée.

Mais voi­là, la com­pa­rai­son s’arrête là, car entre les deux « Vivrensemble »(1), entre celui qui n’existe tou­jours pas et celui qui n’existe déjà plus, il y a toute l’épaisseur du dogme, s’opposant au fin constat de la nécessité.

Quand des peuples ou des eth­nies dif­fé­rentes coha­bitent néces­sai­re­ment sur un même ter­ri­toire, quand cette néces­si­té est impo­sée à tous par les mêmes lois, les mêmes objec­tifs, les mêmes adver­si­tés natu­relles mais aus­si les mêmes avan­tages médi­caux, édu­ca­tifs et sociaux, quand ces peuples par­tagent la même natio­na­li­té et par voie de consé­quence, la même sou­ve­rai­ne­té, alors on peut par­ler de vivre ensemble. Même s’ils ne par­ta­geaient pas la même iden­ti­té, et même si leurs repré­sen­tants res­pec­tifs ne se voyaient pas attri­buer la même citoyen­ne­té(2)…on ne peut certes pas par­ler d’un seul peuple, mais de com­mu­nau­té natio­nale, oui.

Mais quand il s’agit de for­cer le mélange, quand la citoyen­ne­té unique est fan­tas­mée plus que réa­li­sée, quand la quête de mixi­té sociale dis­si­mule en réa­li­té le dik­tat du métis­sage eth­nique, bref quand l’idéologie cherche à s’imposer sur le réel, alors on peut dire que le « Vivrensemble » est convo­qué mais jamais effectif.

Quand la frange la plus radi­cale d’une de ces com­mu­nau­tés orga­nise le res­sen­ti­ment envers les juifs, les apos­tats et les mécréants, alors on peut dire qu’il n’existe pas de com­mu­nau­té natio­nale unique mais des com­mu­nau­tés, qui hélas, s’affrontent.

Au sou­hait d’une socié­té mul­ti­cul­tu­relle suc­cède sou­vent la réa­li­té d’une socié­té multi-conflictuelle.

Dans le cas de l’Algérie Française, l’affaire fût réglée de fac­to par la supré­ma­tie mili­taire d’une de ces com­mu­nau­tés : les Chrétiens qui furent les colons mais aus­si les bâtis­seurs de l’Algérie.

Dans le cas de la France algé­rienne, le refus d’exercice de tout lea­der­ship (la fameuse repen­tance post­co­lo­niale) ne per­met plus d’échapper aux conflits deve­nus meur­triers en 2014, 2015, 2016, ….Dès lors, le « Vivrensemble » socia­liste a échoué.

Et pour­tant…
Il aurait suf­fi d’écouter les Pieds Noirs au lieu de leur inti­mer de se taire ou d’aller se réadap­ter ailleurs, selon l’ex­pres­sion de Gaston Defferre. Il aurait suf­fi aux hommes d’État fran­çais de conce­voir un peu d’humilité envers ceux qui, aupa­ra­vant, étaient venus les aider à repous­ser l’envahisseur nazi, après avoir par­ti­ci­pé pen­dant cinq à six géné­ra­tions à pro­té­ger leurs côtes méditerranéennes !

Au contraire de cela, les poli­ti­ciens fran­çais, renouant avec le paci­fisme d’opérette qui avait été le leur à chaque fin d’entre-deux guerres (c’est-à-dire juste avant que d’appeler à l’aide la moi­tié de la Terre), deve­nus amné­siques et gaul­lo-com­mu­nistes, crurent bon de tra­hir le man­dat de la France et ses res­sor­tis­sants d’Algérie.

Mais au-delà de l’idéologie, com­ment expli­quer l’hystérie anti-Algérie fran­çaise, com­ment expli­quer la fusillade de la rue d’Isly ou même les por­teurs de valise autre­ment que par un énorme sen­ti­ment de … jalou­sie, savam­ment dis­si­mu­lé der­rière un ral­lie­ment pseu­do-huma­niste à la décolonisation ?

Jalousie oui, le mot n’est pas exa­gé­ré même s’il est tabou, jalou­sie bien sûr puisque eux, ils avaient réussi…

À assai­nir la Méditerranée de ses pirates, ils avaient réussi,
À régen­ter les bar­bares d’Afrique du Nord, ils avaient réussi.
Mandatés par deux royau­tés, un empire et trois républiques,
Pour colo­ni­ser les ter­ri­toires bar­ba­resques du Nord de l’Afrique,
De Dunkerque à Tamanrasset, ils avaient réussi,
De Tlemcen jusqu’à Annaba, ils avaient réussi.
Ils avaient même réus­si à sau­ve­gar­der les popu­la­tions indigènes,
À l’inverse des colons euro­péens envers les Indiens d’Amérique,
Et Ils n’eurent même pas l’idée, ni ne se don­nèrent la peine
D’affamer et réduire les pay­sans comme le firent les soviétiques !

Les indi­gènes les appe­laient les Pieds Noirs mais eux s’appelleront les « Européens »,

Des sou­liers des sol­dats de Charles X aux natio­na­li­tés les plus diverses par­mi ces ‘migrants’ qui vinrent ensuite, il n’y avait pour­tant pas beau­coup de liens.

Les autoch­tones retinrent les attri­buts mili­taires de leurs enva­his­seurs tan­dis que ces der­niers se défi­ni­raient eux-mêmes par leur … diversité !

Et mal­gré cette diver­si­té euro­péenne, aug­men­tée des Juifs et des Musulmans, mal­gré ce constat émaillé de réus­sites, la colo­ni­sa­tion de l’Algérie fut média­ti­que­ment trans­for­mée en une acca­blante « occu­pa­tion », vous savez, celle qui nous rap­pelle les heures les plus sombres… mais vous connais­sez pro­ba­ble­ment la suite de cette chanson.

Quand à cet inique concert, se mêlèrent ensuite les voix des diri­geants amé­ri­cains et sovié­tiques, on aurait dû com­prendre qu’ils chan­taient là le Requiem de leurs propres uto­pies d’harmonie universelle.

Il fal­lait donc faire taire et répri­man­der ces Français d’Algérie, tout d’abord en leur fai­sant croire qu’on les avaient com­pris mais aus­si en encou­ra­geant toutes les fac­tions et tous les coups bas, fomen­tés depuis l’étranger. Il fal­lait donc ensuite mettre à la mer ces Français, car ils avaient réussi.

Ils avaient réus­si le vivre-ensemble jusqu’à en être capables de mou­rir ensemble – les plaques de marbre ou de gra­nit qui fleu­rissent sur la route du Monte-Cassino jusqu’à Berlin sont là pour le prouver.

Car « L’œuvre civi­li­sa­trice de la France en Algérie », chère à Ferry, à Hugo, à Blum, à Jouhaux et à Lyautey pas­se­ra aus­si par l’éducation à la sou­ve­rai­ne­té natio­nale, qui fût gagnée au coude à coude, fusil en mains, et cela mal­gré les différences.

Au lieu de tout cela, la civi­li­sa­tion euro­péenne se montre actuel­le­ment tota­le­ment inca­pable d’organiser un véri­table vivre-ensemble, non-dic­ta­to­rial s’entend(3).

Au contraire, elle paraît main­te­nant se rési­gner à se lais­ser enva­hir et fina­le­ment, à se lais­ser mou­rir.

Pierre FORTIN

(1) Définitions du « Vivrensemble » :
Définition #1 : Cohabitation har­mo­nieuse sur un même ter­ri­toire de peuples et d’ethnies dif­fé­rentes [wiktionary.org] 
Définition #2 : L’identité heu­reuse, comme pro­mo­tion du « Vivrensemble » est une reprise des ‘très cana­diens’ « accom­mo­de­ments rai­son­nables », revi­si­tés par [Alain Juppé](4)
Définition #3 : fan­tasme de la gauche rem­pla­ciste et pseu­do-huma­niste, lui per­met­tant en réa­li­té d’induire chez l’indigène la culpa­bi­li­té de l’échec de ce « Vivrensemble », et aus­si afin d’assurer la pro­mo­tion du Grand Remplacement (sans jamais nom­mer celui-ci bien sûr !) [Renaud Camus](5)

(2) « Les voies incer­taines de la Repentance » de J.P. BRUN, page 54
« 14 juillet 1865 : par Senatus consulte, pos­si­bi­li­té est offerte à tout indi­gène d’Algérie d’accéder à la pleine citoyen­ne­té à la condi­tion d’accepter que lui soit appli­qué, comme à tout citoyen fran­çais, l’ensemble des dis­po­si­tions de la légis­la­tion natio­nale
[…] Les res­pon­sables reli­gieux musul­mans inter­di­ront cette démarche en l’assimilant à une apos­ta­sie »

(3) Le « vivre-ensemble » : un remède de bisou­nours contre le ter­ro­risme, mais une inten­tion tota­li­taire, par Michel Geoffroy
http://www.polemia.com/le-vivre-ensemble-un-remede-de-bisounours-contre-le-terrorisme-mais-une-intention-totalitaire/

(4) Juppé, le bien­heu­reux qui vou­lait faire entre le loup dans la ber­ge­rie, par Véronique Bouzou
http://www.bvoltaire.fr/veroniquebouzou/juppe-bienheureux-voulait-faire-entrer-loup-bergerie,179979

(5) Le Journal de Renaud Camus
http://www.bvoltaire.fr/renaudcamus/le-journal-de-renaud-camus-mercredi-24-juillet-2013,31658

Constantine Algérie pont El Kantara 1860

Algérie – le pont El Kantara à Constantine construit en 1860, pho­to­chrome datant de 1899