Bâtir c’est s’inscrire dans l’Histoire

De Guédelon en Bourgogne à Hauterives dans la Drôme, deux démarches que tout oppose — de prime abord — mais si proches dans le fond car elles par­tagent toutes deux la volon­té de s’ins­crire dans l’Histoire.

le fac­teur Cheval qui a réa­li­sé son Palais Idéal. Il le com­mence en 1879 à 43 ans, pour le ter­mi­ner 33 ans plus tard en 1912.

Facteur Cheval

… d’une qua­ran­taine de com­pa­gnons.
Commencé en 1998, le chan­tier d’un châ­teau médié­val du XIIIe devrait être ache­vé vers 2025.

Château-fort Guédelon

… hors toutes les règles de l’art, défiant les lois de la gra­vi­té. Une brouette et une truelle pour tout outil. Le fac­teur Cheval, tout corps de métiers à lui tout seul. Avec pour seul plan d’ar­chi­tecte, les cartes pos­tales exo­tiques qu’il dis­tri­buait dans sa tour­née de poste.

Facteur Cheval exotisme

… de métiers d’œuvres. Carriers, tailleurs de pierres, for­ge­rons, char­pen­tiers, cor­diers, maçons, tui­liers, chaul­liers, meu­nier, van­niers, char­re­tiers… tous compagnons.

Guédelon

… d’une civi­li­sa­tion en pleine trans­for­ma­tion. En pleine révo­lu­tion indus­trielle, en pleine époque des colo­ni­sa­tions, cet homme illu­mi­né s’est per­du dans un glou­bi boul­ga civi­li­sa­tion­nel, pré­mices du mon­dia­lisme à venir dans ce siècle nais­sant. Un ensemble cultu­rel dont les intel­lec­tuels essaient vai­ne­ment de trou­ver une cohé­rence. La France, déjà au XIX, est fas­ci­née par ces terres loin­taines d’o­rient. Le fac­teur Cheval rêve de sable chaud. Des images qui se téles­copent, entre valeurs enra­ci­nées et diver­si­té hors sol.

Facteur Cheval Dieu Patrie Travail

Facteur Cheval mosquée

… les valeurs du com­pa­gnon­nage : la trans­mis­sion, l’apprentissage, les confré­ries, mais aus­si la rec­ti­tude de l’é­querre, du com­pas et du fil à plomb.

Guédelon compas équerre

Guédelon métiers

… qui a pu faire encore hier sans être tra­cas­sé par toutes sortes de normes et contraintes, sur des écha­fau­dages impro­bables. Une liber­té d’en­tre­prendre dis­pa­rue aujourd’hui.

Facteur Cheval échafaudages

… qui s’est vu refu­ser les écha­fau­dages en tenons et mor­taises. Il aura donc fal­lu céder quelques conces­sions à la moder­ni­té. Chausses de lin, mais chaus­sures de sécu­ri­té obli­ga­toires sur le chan­tier. Les contrô­leurs du Travail sévissent doré­na­vant par­tout dans notre monde moderne.

Guédelon vis modernité

Les grandes civi­li­sa­tions sont celles qui ont lais­sé des œuvres d’ar­chi­tec­ture. Les Pyramides, le Pont du Gard, le Mont-Saint-Michel. À Guédelon on s’y emploie. Chaque géné­ra­tion ajoute ici sa pierre à l’é­di­fice, laisse son emprunte dans l’Histoire, comme ce simple fac­teur des postes. Je ne suis pas sûr qu’il res­te­ra grand chose du Centre Beaubourg de Pompidou ou du musée des Arts pre­miers de Chirac.
Grand sage et phi­lo­sophe popu­laire, Ferdinand Cheval décla­rait : « Ce n’est pas le temps qui passe, mais nous ». Les paroles des vivants s’en­volent, les pierres leur sur­vivent et res­tent les témoins de leurs pas­sages.
Nos élites sui­ci­daires et per­verses s’é­ver­tuent à faire du pas­sé fait table rase. Elles ne connaissent pas notre Histoire, ignorent notre culture, bafouent notre iden­ti­té et bradent les bijoux de familles.

Michel Lebon

N.B. Un char­pen­tier bûche­ron de Guédelon s’a­dresse à un groupe de visi­teurs sur « la forêt » de Notre-Dame qui a brû­lé. Il explique qu’à Guédelon, ils ont tout le bois néces­saire pour recons­truire la char­pente réduite en cendres. Deux hec­tares de bois ser­rés suf­fisent. Nul besoin de grosses grumes, anciennes, l’au­bier de troncs suf­fit à la qua­li­té de l’ou­vrage, comme au Moyen-Âge. Ils savent faire, à l’i­den­tique. Mais ils ne seront pas même consultés.