Covid-19 : le satisfecit de Macron
Après l’auto-satisfecit que s’est accordé le chef de l’État dimanche lors de son intervention télévisée, il est intéressant d’en étudier le bien-fondé, en se basant, non plus sur des opinions partisanes comme il a été fait jusqu’à présent, mais sur des faits et des chiffres avérés et non discutables.
L’épidémie de Covid-19 paraissant terminée après avoir connu son « pic » à la mi-avril, un premier bilan a été dressé par Dominique Andolfatto (professeur de science politique, Centre de Recherche et d’Etude en Droit et Science Politique (CREDESPO), Université de Bourgogne Franche-Comté) et Dominique Labbé (chercheur associé en science politique, Pacte-CNRS, Université de Grenoble-Alpes) et parue chez nos confrères de Médiapart, qui précisent bien que les auteurs n’ont reçu aucun financement public ou privé.
Tous les faits et chiffres que je cite dans cet article sont disponibles sur l’étude réalisée, que vous pouvez lire en intégralité ici.
1) Sur l’ampleur du nombre de décès dus à l’épidémie
Le Président Macron a souvent parlé d’une « crise sans précédent », d’une « guerre qu’il fallait gagner », et tous les médias se sont accordés pour relayer cette dramatisation et nous dire que cet épisode épidémique était une des plus importants jamais vécus en France.
Et pourtant, si on regarde, non pas le nombre brut des décès (qui avoisine les 30 000), mais la surmortalité générée par rapport aux années « normales », on s’aperçoit que depuis la dernière guerre, 13 épisodes peuvent être recensés comme ayant engendré une surmortalité supérieure à 10 000 par rapport à l’année précédente. Or sur tous ceux-là, 10 sont supérieurs ou égaux à l’épidémie Covid-19 ! Ce qui n’est pas du tout ce que l’on nous raconte.
À noter que ces épisodes concernent très souvent la grippe saisonnière, alors qu’en 2020, Santé Publique a noté d’abord une augmentation des cas de grippe, suivie d’une diminution, « augmentation probablement liée à l’épidémie de COVID-19 en France sans qu’il ne soit possible de déterminer la part de l’augmentation liée à un recours aux soins plus fréquent, en cas de symptôme grippal, par crainte de l’infection par le SARS-CoV‑2, et celle liée à des cas réels de COVID-19. » Autrement dit, les cas de grippe saisonnière ont été noyés parmi les cas de Covid, les symptômes étant rigoureusement les mêmes. Seules les conséquences sont différentes : le Covid entraînant en général des complications beaucoup plus sévères. Il serait intéressant de pouvoir tester toutes les personnes déclarées Covid, n’ayant pas eu de complications, pour savoir effectivement dans quelle catégorie elles doivent être recensées.
2) Sur l’efficacité du système d’hospitalisation
Les auteurs pointent du doigt qu’en 2015, durant les 9 semaines de l’épidémie de grippe, et pour une mortalité finale équivalente à celle du Covid-19, il y avait eu environ 3 millions de consultations médicales pour syndromes grippaux, 30 911 passages aux urgences débouchant sur 1 597 mises en réanimation.
En 2020, plus de 100 000 hospitalisations et plus de 15 000 en réanimation.
La médecine de ville aurait semble-t-il été placée sur la touche alors que c’est elle qui assurait précédemment le plus gros des prises en charge. Ce qui expliquerait l’énorme pression qu’ont subie les hôpitaux, ceux-ci étant incapables d’assurer le surcroît d’entrées, avec comme conséquences l’obligation de transporter des malades dans d’autres régions, voire à l’étranger.
3) Sur la diffusion du virus sur le territoire français
L’étude montre (cartes à l’appui) que la diffusion du Covid-19 sur le territoire français s’est faite selon le schéma et un rythme qui semble propre à ce type d’infection. Le confinement général de la population ne semble pas avoir entravé cette diffusion. Un dépistage plus systématique et la mise à l’écart des personnes à risque auraient sans doute produit de meilleurs résultats comme l’illustre l’exemple allemand (avec un taux de mortalité quatre à cinq fois inférieur à celui de la France).
4) Sur la mortalité dans les hôpitaux français par rapport au nombre d’hospitalisations
Le rapport indique que le nombre de morts n’est pas en rapport avec le nombre de malades dans les départements. Certains département s’en sont bien mieux « tirés » que d’autres.
Par exemple, les Bouches du Rhône accusent une mortalité inférieure de 38 % à celle de Paris. Certes l’intensité du pic y a été nettement inférieure à celle enregistrée dans la plupart des principaux départements touchés par cette épidémie. Mais, même en tenant compte de cet effet possible, la mortalité dans les Bouches-du-Rhône est inférieure de 30 % à la valeur attendue (équivalente à la Seine-et-Marne) et pratiquement deux fois moindre que celle de l’Oise. Avec un pic épidémique à peine supérieur, le Rhône (Lyon) a une mortalité 20 % supérieure à celle des Bouches-du-Rhône.
Est-ce un effet Raoult ? On peut légitimement y penser.
5) Sur la mortalité en France par rapport aux autres pays
Par convention, le nombre de décès (dans lesquels le Covid-19 a été impliqué) est rapporté à la population totale et exprimé par millions d’habitants.
Dans tous les grands pays, les statistiques démographiques sont réalisées par des organismes indépendants de qualité qui suivent les mêmes conventions en la matière. Ce qui n’est pas le cas en France, où règne pas mal de flou autour de la mortalité hors structures hospitalières, et de fait, le chiffre de 441 morts par million (diffusé dans la presse) ne porte que sur le nombre de décès enregistrés dans les hôpitaux et les EHPAD. Si on intègre tous les décès, on arrive au nombre de 580 morts par million d’habitants.
La mortalité française est donc comparable à celle enregistrée en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne et n’est dépassée que par celle de la Belgique.
En revanche, la mortalité française a été 4 à 5 fois plus élevée qu’au Portugal ou en Allemagne ; deux fois et demie plus élevée qu’en Suisse ou au Canada. Or le confinement en Allemagne ou au Portugal a été moins strict et moins long qu’en France.
Dès lors, un constat est inévitable. La population française s’est vu imposer des contraintes beaucoup plus fortes que dans les autres grands pays ; manifestement ces contraintes n’ont pas eu l’effet attendu sur l’épidémie et sur le bilan final. L’on peut même se demander si elles n’ont pas plutôt été contre-productives.
La conclusion de l’étude mérite d’être citée dans son intégralité, en réponse au dernier discours du chef de l’État dimanche, fier de lui comme à son habitude, alors que le pays présente un des plus mauvais résultats dans le monde :
Le questionnement de l’action gouvernementale ne pourra pas être esquivé.
En effet, en mars 2020, les autorités françaises se sont posées en « chefs de guerre » face à l’épidémie. Elles ont eu recours à un « confinement » général extrêmement dur pour tenter de ralentir la diffusion du virus dans le pays. De plus, les autorités ont mis sur la touche la médecine de ville, interdit aux médecins de prescrire certains médicaments et aux pharmaciens de les délivrer ; elles ont levé le secret médical et obligé les médecins à transmettre à l’administration le nom des patients atteints de Covid-19. Elles ont édicté une réglementation « sanitaire » tatillonne. Elles ont mis l’économie quasiment à l’arrêt et obéré pour longtemps l’équilibre de l’assurance maladie et de l’assurance chômage sans parler des coups très durs portés au système scolaire.
Or, comme nous l’avons montré, toutes les données empiriques disponibles suggèrent que cette politique n’a pas eu d’effet sur la dynamique de l’épidémie ni sur la mortalité finale, mortalité très lourde par rapport à la plupart des autres grands pays comparables.
Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats face à l’épidémie, ont adopté une attitude exactement opposée : prévention (spécialement protection spécifique pour les personnes à risques), dépistage systématique (particulièrement du personnel soignant), mise à l’écart des malades et soins précoces (souvent avec des traitements comparables à ceux interdits en France). Ces pays ont fait confiance au corps médical et aux citoyens. Ils se sont bien gardés de mettre entre parenthèse les libertés publiques et ils n’ont pas plongé leur économie et leurs assurances sociales dans une crise sans précédent.
Si notre Président se montre si satisfait de lui-même, c’est qu’il pense à bien autre chose que la santé des Français.
Patrice LEMAÎTRE
Un chiffre manque : le pourcentage de morts par rapport au nombre de malades, même s’il y a évidemment un léger pourcentage d’erreurs et d’omissions.
En clair : lorsqu’il y a cent malades du Covid-19 détectés, combien vont mourir ?
Voici le classement mondial :
Source : European strategic intelligence and security center.
1- France : 18,7 % de taux de mortalité (29 436 morts sur 157 372 contaminés)
2- Belgique : 16 % (9 661⁄60 100)
3- Italie : 14,4 % (34 371⁄237 290)
4- Angleterre : 14 % (41 736⁄296 857)
5- Pays-Bas : 12,3 % : (6 065⁄48 948)
6- Espagne : 9,3 % (27 136⁄291 189)
6 bis – Suède :9,3 % (4 891⁄52 283)
8- Irlande : 6,7 % (1 706⁄25 321)
9- Roumanie : 6,4 % (1 427⁄22 165)
10- Suisse : 6,2 % (1 939⁄31 131)
11- USA : 5,4 % (118 283 morts sur 2 182 950 positifs)
12- Brésil : 4,9 % (44 118⁄891 556)
13- Allemagne : 4,7 % (8 885⁄18 8044)
Un grand merci Macron !