« L’identité malheureuse » d’Alain Finkielkraut
C’est le titre du dernier livre d’Alain Finkielkraut, que l’académicien venait présenter au Centre universitaire Méditerranéen (CUM) ce mercredi 20 novembre 2014, devant une salle comble où l’on refusa des entrées.
À Patrice Zehr, le journaliste qui l’interrogeait, il déclara d’abord avoir écrit ce livre pour permettre aux lecteurs de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui, qu’il résuma en répétant que la France ne vit pas son époque.
Le monde d’aujourd’hui, et le journaliste commença par cette actualité, ce sont les massacres et les actes de barbarie perpétrés par les islamistes entre la Syrie et l’Irak, et promus par leur propagande, ce qui est inédit. Le philosophe récusa tout de suite tout parallèle avec l’engagement des volontaires pour la guerre d’Espagne en 1936 que proposent certaines plumes, montrant que les engagés d’alors ne se battaient pas pour commettre des crimes, mais pour se mettre au service d’une cause, en l’occurrence la lutte contre le régime de Franco. Aujourd’hui, c’est le crime, le crime le plus barbare, qui sert d’argument de propagande, et cela est nouveau dans l’histoire. L’écrivain avoua ne pas comprendre ce phénomène.
Contrairement à certains commentaires de journalistes Alain Finkielkraut ne croit pas à une « auto-radicalistion » de ces jeunes qui quittent la France pour aller faire le jihad. Il démontrera facilement, citant longuement un rapport remis à Jean Marc Ayraud, que le processus d’assimilation de certaines populations ayant échoué, il fut alors question d’intégration, et devant le nouvel échec, utilisa le mot d’inclusion. Autrement dit, ces populations qui ne voulaient pas s’assimiler se sont en fait incluses sans changer d’un iota leurs habitudes, dans la société française qui a regardé et laissé faire sans rien dire. Ce processus fut pour lui à l’origine de tous les communautarismes, la société française ayant abandonné toute idée de conversion de l’étranger.
Ces communautés ont vite grandi en nombre, et s’il est déjà difficile d’intégrer une minorité, il est carrément impossible d’intégrer une majorité, et c’est ce qui se passe dans certains secteurs devenant le terreau de cette radicalisation.
Il rappelle alors la notion de « seuil de tolérance » élaborée en son temps, non sans scandale, par Claude Levi-Strauss.
Quand on lui parle de « Grand remplacement », le concept inventé par Renaud Camus, dont il rappelle l’injuste exclusion du monde des lettres à la suite de ses écrits, il déclare ne pas le reprendre à son compte car il le trouve trop « brutal ». Pour autant, il reconnaît que les gens ne supportent plus de se sentir minoritaires chez eux (notion qu’Éric Zemmour reprend également), citant à l’occasion l’écrivain Dominique Venner et son dernier opus « Le Samouraï d’Occident » paru juste après sa mort il y a un an.
À une question évoquant l’ambiance des années 30, l’académicien déclara qu’on n’arrive pas à se défaire des références à cette époque et au pétainisme. Or aujourd’hui l’antisémitisme est islamique, ce dont les « penseurs » font l’impasse. Pour ceux-ci il n’y a que cette idéologie d’un passé révolu qui puisse être coupable, citant Bernard-Henry Lévy ou SOS Racisme. Aujourd’hui la France est le premier pays émigrationniste pour les Juifs, mais il s’agit d’une émigration négative (par peur), et non positive (en vue de construire). S’en suivit une description rapide de la politique de l’État hébreu, et de la situation inextricable qui se présente là-bas. Alain Finkielkraut faisant un distinguo entre anti-sionisme et anti-sémitisme, rappelle qu’il est, et a toujours été, pour la cohabitation de deux États, l’un palestinien, l’autre hébreu.
Une dernière question permit à l’écrivain de donner son avis sur l’Éducation Nationale aujourd’hui. Pour lui, Mai 68 est polymorphe, et n’est pas à l’origine de tous nos maux. L’école est tout simplement envahie par le sentiment égalitariste lié à la démocratie, ainsi que l’avait prédit Toqueville. Les professeurs ne sontplus là pour transmettre les savoirs dont ils n’ont plus la primauté. L’école est déconstruite par l’égalité et
par la « charité » qui l’envahit, dit-il en s’appuyant sur l’exemple de la suppression des notes pour ne pas traumatiser les élèves. Pour lui il ne restera qu’un seul vainqueur dans cet abandon : l’école privée, qui refuse cette mansuétude et attire de plus en plus d’élèves, recrée l’inégalité par l’argent.
Patrice LEMAÎTRE
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