L’Hebdo varois n° 21–2016

Ce que nous dit l’élection de Donald Trump : d’abord elle n’a consti­tué une véri­table sur­prise que pour ceux qui méprisent le peuple et ignorent le prin­cipe de réa­li­té ; ensuite les mêmes causes peuvent pro­duire les mêmes effets, muta­tis mutan­dis bien sûr. Démonstration.

Une divine sur­prise pour les uns, un cau­che­mar subit pour les autres, c’est ain­si qu’ont été vécues les heures qui ont sui­vi la confir­ma­tion de l’élection de Donald Trump comme qua­rante-cin­quième pré­sident des Etats-Unis d’Amérique.

Une surprise, vraiment ?

Or ce résul­tat n’était pas tota­le­ment impré­vi­sible. Les obser­va­teurs les plus pers­pi­caces, toutes les per­sonnes dotées d’une vision de haut et de loin, celles et ceux qui savent notam­ment tirer les leçons de l’histoire et de l’expérience, avaient sérieu­se­ment envi­sa­gé cette hypothèse.

C’est le cas notam­ment de Nice Provence Info (voir ceci).

Nous n’en tirons pas de vani­té par­ti­cu­lière, mais nous en sor­tons une fois de plus cré­di­bi­li­sés en tant qu’organe d’information régio­nal. Ceci au moment même où la plu­part des médias ins­ti­tu­tion­nels du Système, Var-Matin et Nice-Matin en tête, se sont lour­de­ment trom­pés. Ou peut-être ont cher­ché à trom­per leurs lec­teurs. En oubliant que ce sont aus­si des élec­teurs qui n’ont pas for­cé­ment tous la mémoire aus­si courte qu’une assem­blée de jour­na­listes aux ordres lors d’une confé­rence de rédaction.

Mêmes causes, mêmes effets ?

Car il y a bien, sinon un ensei­gne­ment du moins un paral­lèle, à tirer entre les États-Unis et le Var, du double point de vue de l’aveuglement des médias et du com­por­te­ment des élec­teurs. Le suc­cès de Trump ne vient pas de nulle part. Pareil phé­no­mène s’était déjà pro­duit lors de l’élection de Ronald Reagan en 1980 pour son pre­mier man­dat. Ce n’est donc pas la pre­mière fois, ni la der­nière, que la com­pli­ci­té entre la classe domi­nante et ses médias de réso­nance échoue à faire plier le peuple. En Amérique comme ici.

C’est pour­quoi on peut rai­son­na­ble­ment pen­ser qu’un effet domi­no est pos­sible, jusque chez nous. La Hongrie hier, les États-Unis d’Amérique aujourd’hui, l’Autriche demain, la France et les dépar­te­ments les plus dis­si­dents comme le Var ensuite. On voit que le cor­don sani­taire mon­dial du poli­ti­que­ment cor­rect, ver­sion uni­ver­selle du front répu­bli­cain fran­çais, ne tient plus. En tout cas par­tout et tout le temps. Les mes­sages inca­pa­ci­tants dif­fu­sés par la pro­pa­gande des médias, les menaces de rétor­sion envoyées par les poli­ti­ciens du Système et leurs com­man­di­taires éco­no­miques et finan­ciers, tout cet ensemble concer­té et cor­se­té, ça n’intimide plus néces­sai­re­ment les peuples. En par­ti­cu­lier quand cha­cun se retrouve dans le secret de l’isoloir.

Là-bas comme ici à Toulon et dans tout le Var, les citoyens res­sen­tant un sen­ti­ment d’appartenance à une majo­ri­té d’idées osent désor­mais la trans­gres­sion. Et votent contre les oukases venant de leurs propres camps, même pour des can­di­dats pour­tant pré­sen­tés comme diabolisés.

Le Var va basculer, mais avec qui ?

On l’a déjà obser­vé lors des der­nières élec­tions dépar­te­men­tales. Lorsqu’un can­di­dat FN était oppo­sé à un can­di­dat de gauche au second tour, beau­coup d’électeurs de la droite clas­sique – Les Républicains et alliés – n’ont pas obéi aux injonc­tions visant à leur impo­ser le fameux « ni-ni » qui d’ailleurs a fait long feu. Parallèlement, c’était fla­grant en par­ti­cu­lier aux muni­ci­pales de 2014, nombre de sym­pa­thi­sants FN n’ont pas hési­té, lorsqu’ils n’étaient pas repré­sen­tés au second tour, voire au pre­mier faute de liste estam­pillée Bleu Marine, à voter pour le can­di­dat de droite ou divers droite. Surtout si celui-ci affi­chait des posi­tions claires et fermes sur les sujets ser­vant de mar­queur fort, comme l’identité ou la fiscalité.

Ainsi il existe dans le Var une majo­ri­té écra­sante d’idées sur les thèmes qui sont com­muns aux élec­teurs conser­va­teurs et aux élec­teurs popu­listes. Par exemple iden­ti­té, immi­gra­tion, insé­cu­ri­té, fis­ca­li­té, liber­tés indi­vi­duelles ou ser­vices publics. C’est d’autant plus vaste comme péri­mètre que la gauche, sauf excep­tions locales ou bis­billes internes à la droite, a pra­ti­que­ment dis­pa­ru des écrans radar de la carte des élus. Et peine à se recons­ti­tuer sur le ter­rain mili­tant. Or les élec­teurs éprouvent sou­vent du mal à se recon­naître dans les pra­tiques de leurs élus de droite, ain­si que dans l’offre alter­na­tive des pro­grammes élec­to­raux du Front National. Parfois ils ne dis­cernent pas bien les dif­fé­rences. Ou car­ré­ment se réfu­gient dans l’abstention, n’étant ni convain­cus par l’exercice du man­dat des majo­ri­tés en place, ni par les pro­messes des élus qui sont dans l’opposition. Ils mani­festent ain­si leur défiance par rap­port au sys­tème de repré­sen­ta­tion poli­tique actuel, ils estiment ne pas être vrai­ment représentés.

Ce sont pré­ci­sé­ment ces caté­go­ries, conser­va­teurs, popu­listes, abs­ten­tion­nistes, qui ont fait la vic­toire de Trump. Et qui ont fait que les experts, les jour­na­listes, les mora­listes, ne l’ont pas vu venir, cou­pés qu’ils sont des réa­li­tés. Demain, dans le Var d’abord, qui a voté à près de moi­tié pour le FN au second tour des régio­nales, où les élec­teurs du FN et LR dif­fèrent entre eux beau­coup moins que leurs diri­geants de par­tis res­pec­tifs, dans la région Provence ensuite, le cli­vage pas­se­ra de moins en moins par les mots d’ordre des par­tis. Les médias ont per­du beau­coup de leur pou­voir de pres­crip­tion et d’influence, grâce à inter­net et à la réin­fo­sphère, à laquelle nous contri­buons. Celui ou celle qui sau­ra ras­sem­bler sur l’essentiel et qui pos­sè­de­ra le cha­risme néces­saire, celui-ci ou celle-là ven­dan­ge­ra, comme Trump hier matin, les voix de l’espoir, non­obs­tant les obs­tacles mis par les appa­reils poli­tiques ou les influences médiatiques.

François LEBOURG, Toulon, 10 novembre 2016