Var-Provence.info poursuit ci-dessous la réflexion entamée récemment : http://www.nice-provence.info/var/2017/07/06/records-athletisme-faut-il-les-supprimer‑1/ sur le dopage et l’éventualité de la suppression des records en athlétisme.
Position de l’IAAF
La fédération internationale d’athlétisme (IAAF), par la voix de son président Sebastian Coe, s’est dite favorable à l’initiative visant à remettre les compteurs à zéro au niveau européen. Et pourquoi pas à préparer le terrain pour en faire autant à propos des records mondiaux . Il est vrai que certains records d’Europe sont aussi records du monde. Il faudra bien un jour aboutir à une cohérence. Cette position demeure toutefois surprenante : il s’agit d’un revirement de la part du Britannique, qui s’était jusque-là montré opposé à la suppression des records du monde pour un tel motif.
Pour tout dire, nous préférions Sebastian Coe quand il était coureur à l’actuel dirigeant. D’ailleurs son rôle dans l’affaire de dopage russe est pour le moins flou : il ne faut pas oublier que l’IAAF est présumée mouillée, jusqu’à son président de l’époque (Lamine Diack, mis en examen) et que Coe était l’un des deux vice-présidents. Richard Pound, le Canadien qui avait diligenté l’enquête sur le dopage russe, avait dit de Coe à l’époque : « Coe et Bubka (autre vice-président, NDLR) étaient là », laissant entendre qu’ils ne pouvaient pas ignorer ce qui s’était passé. En ce sens, beaucoup s’interrogent sur la crédibilité de Coe quand il parle de dopage…
Réactions
Quelques athlètes se sont indignés contre cette tentative de l’AEA. En particulier Christine Arron, recordwoman d’Europe du 100 m en 10« 73 (1998) ; la Britannique Paula Radcliffe, détentrice du record du marathon en 2 h 15′25″ (2003) ; et l’Américain Mike Powell, recordman du monde du saut en longueur avec 8,95 m (1991). Ils ont raison car ils courent le risque de subir cette mesure inique, alors qu’ils n’ont jamais été mis en cause pour un quelconque dopage.
Pour sa part, la Fédération française (FFA) a marqué son désaccord. Son président André Giraud a souligné qu’en adoptant cette mesure, les responsables de l’athlétisme ne « répondaient pas à leur obligation collective de soutenir les athlètes propres ». Un Juste qui prêche dans le désert !
L’arroseur arrosé
Nous sommes amenés en conséquence à mettre en garde tous les sportifs sur ce qui s’est passé ces derniers mois. Lorsque l’IAAF a suspendu la Russie de toute compétition en athlétisme, l’empêchant même de participer aux Jeux de Rio l’an passé, de nombreux athlètes ont soutenu cette sanction, pourtant scandaleuse. Scandaleuse car cette mesure générale faisait peu de cas des athlètes russes non dopés qui se trouvaient ainsi sanctionnés à tort, mis dans le même sac que les tricheurs. Certes, le dopage en Russie était évident et il fallait faire quelque chose, mais pas ça. Des sanctions individuelles devaient être prononcées, mais pas de punition collective.
Or, voilà que les fédérations d’athlétisme continuent sur leur lancée avec cette menace de supprimer les records antérieurs à 2007. Et les athlètes qui applaudissaient aux sanctions contre les Russes ont changé d’avis : désormais ils pourraient être concernés ! Comme quoi ils feraient mieux de réclamer, tant pour les Russes que pour les recordmen qui se seraient dopés, des sanctions uniquement individuelles et non collectives.
Nous n’approuvons pas le rôle joué par les dirigeants de notre époque, qu’ils soient politiques ou sportifs. Dans le cas présent, si le dopage a autant persisté en athlétisme, les pouvoirs sportifs n’en sont-ils pas responsables, tout au moins en partie ? Ont-ils suffisamment défendu leurs valeurs lorsque l’AMA et le Code mondial antidopage ont été mis en place ? Pourquoi ont-ils accepté que les sanctions soient abaissées à deux ans de suspension, alors que la punition en vigueur en athlétisme était de quatre ans, ce qui était plus dissuasif ? N’ont-ils pas ouvert la boîte de Pandore à ce moment-là ? Pour faire bonne figure et masquer leur incurie, ils voudraient faire porter le chapeau à des Russes innocents et à des Arron, des Powell, des Radcliffe, qui n’y sont pour rien ! Quelle veulerie…
Non, nous n’apprécions pas ces dirigeants qui traitent les problèmes à l’envers. Et nous aimerions voir leur tête, s’ils en venaient malgré tout à occulter les records antérieurs à 2007, le jour, pas si éloigné, où un nouveau record sera battu et inscrit sur les tablettes – supposées propres désormais – par un athlète qui s’avérera dopé lui aussi !
Car ce jour-là arrivera, c’est certain. La seule incertitude est qu’on ne sait pas quand. Mais l’on sait presque où il faudra pointer le regard : au marteau féminin, par exemple, tant cette discipline est exactement dans le droit fil de ce qui se passait dans les années 1960–1980 et dont nous avons parlé plus haut.
Ophélie Dubreuil
09/07/2017