Le sursaut espéré
Faut-il redire que ce que nous vivons mérite d’être qualifié de jamais vu dans l’Histoire du monde ?
Certes, durant des périodes sombres d’épidémies, des cités connurent le confinement, les voyageurs évitaient de traverser des régions frappées par le mal et les habitants fuyaient leur territoire que la mort s’attribuait.
Une arrière-arrière-grand-mère maternelle parvint à survivre au choléra qui s’empara de Marseille en 1884. Le fléau vint de Saïgon, apporté par un navire qui entra dans le port de Toulon. De là, l’épidémie gagna la cité phocéenne et se propagea jusqu’en Arles. Cette ancêtre survécut alors que l’on ne comptait plus les décès dans son quartier, dans sa rue, dans son immeuble. Elle prétendit que sa survie résultait du fait qu’elle ne cessa pas de manger de l’oignon durant ces jours affreux. Thérapie personnelle mais aussi, aux dires de ceux qui connurent cette fière dame, un tempérament militaire et un caractère trempé dans l’eau baptismale de l’abbaye Saint-Victor. Ce dernier était officier dans la légion romaine et son nom résonne comme un appel à la victoire. Dans ce Marseille dévasté, d’autres personnes refusèrent le désespoir et unirent leurs dévouements. On songe au roman de Jean Giono, Le hussard sur le toit, se déroulant dans une Provence frappée par la seconde épidémie de Choléra, en 1834 ; celle évoquée précédemment étant la cinquième. Le cinéaste Jean-Paul Rappeneau réalisa (en 1995) une adaptation fidèle de ce récit avec des images tragiques aux colorations rappelant la peinture d’un Théodore Géricault(1). D’autres cinéphiles songeront au Septième Sceau d’Ingmar Bergman. Et, ces jours derniers, dans les médias, les plus cultivés des commentateurs citèrent fréquemment La Peste d’Albert Camus. Parmi les habitués de Nice Provence Info, de grands passionnés de littérature éprouveront peut-être le désir de relire l’un des plus hallucinants textes d’Edgar Allan Poe, Le Masque de la Mort rouge(2). Un conte rédigé par une plume trempée dans une peur imprégnée de virus et qui restitue la psychose panique provoquée par le péril épidémique.
Pages et images de ces événements tirés de l’Histoire ou romancés nous accompagnèrent durant ces dernières semaines. Mais nous étions dans le présent, dans le tangible, dans une réalité aux allures de permanente rubrique nécrologique tandis que le cauchemar vécu jadis par nos ancêtres gagnait tous les continents. Constatation n’échappant à personne, la société planétaire concoctée par un très sélectif collège d’affairistes flanqués de futurologues utopistes, n’est plus crédible.
Ce qui signifie que nous sommes à un tournant sans précédent de l’Histoire
Nous vivons l’une de ces périodes de totale incertitude quant à des lendemains qui risquent fort de déchanter ; et ce, d’autant qu’on nous les assurait particulièrement radieux. Cela s’appelait « la mondialisation heureuse ». Les Français et tous les autres peuples d’Europe vont-ils, en fredonnant cet Hymne à la Joie devenu bruxellois, se retrousser allégrement les manches afin de restaurer le rêve fracassé de ceux qui se veulent apatrides et s’efforcent d’éradiquer l’ethno-culture de notre continent (mais aussi partout dans le monde) ? Sisyphe, hélas, a ses émules. Ou, après un tel ratage, seront-ils déterminés à changer de cap… et de capitaines ? À changer radicalement de société et, pour y parvenir, il faut d’abord, en urgence, un autre état d’esprit aux antipodes de l’actuelle mentalité bisounours qui lénifie les consciences.
Ces derniers jours, tribunes et manifestes, signés par des bataillons de célébrités – principalement du show biz – multiplient les appels à ce que les lendemains du « déconfinement » voient surgir un nouveau mode d’existence. La palme revient à Nicolas Hulot qui, dans un célèbre quotidien, affiche 100 propositions commençant toutes par une formule quasi prophétique : Le temps est venu… La première donne le ton : « Le temps est venu, ensemble, de poser les premières pierres d’un monde nouveau ». Grandiose ! Exhaltant ! Puissant ! Mais reste à savoir de quel monde il s’agit car les injonctions que le Hulot débite ensuite se révèlent d’une affligeante banalité jointe à la convocation massive de lieux communs. Qu’on en juge : « Le temps est venu de transformer la peur en espoir… Le temps est venu de ne plus se mentir… Le temps est venu de réanimer notre humanité…» Et notre grand homme vert-écolo en a encore 96 comme ça. Il ne manque plus que « si tous les gars du monde se donnaient la main » et « les lilas refleuriront ». On oscille allègrement entre le lyrisme mirlitonesque de discours Troisième République et un credo à destination de routards new age.
« Soldats, du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent !» Cette célèbre phrase, lancée par Bonaparte au seuil d’un combat décisif, traduit un tout autre état d’esprit que celui de nos actuels histrions pétitionnaires. Le jeune général convoque un formidable passé historique pour galvaniser ses troupes. Preuve que des vestiges impressionnants d’anciennes civilisations ont le pouvoir de provoquer un enthousiasme irrésistible.
On attend les responsables français capables de dire qu’après l’épreuve que nous venons de vivre, il serait aberrant de recommencer la mesquine existence qui, depuis plus de soixante ans, fait croupir notre peuple dans une affligeante médiocrité. Qui s’écrira :
Face à Notre Dame de Paris martyre, j’appelle le peuple de France
• à reconstruire son identité ;
• à ressusciter le sentiment de grandeur qui l’habitait et lui fit réaliser des prodiges qui émerveillèrent l’Europe, puis le monde ;
• à renverser la ploutocratie qui, un jour sinistre, décréta que notre nation ne serait qu’une succursale de son consortium ;
• à refuser la submersion migratoire destinée à remplacer les héritiers de millénaires de labeur ;
• à virer des médias les tenants d’une idéologie mortifère pour notre civilisation ;
• à en finir avec une délinquance installant une insécurité permanente ;
• à restaurer dans nos lycées et collèges un enseignement conforme à une appartenance historique ;
• à renouer avec l’esprit aventureux et créateur qui a laissé tant de noms dans le domaine des sciences et des techniques ;
• à retrouver le sens inné d’une solidarité nationale prenant pour devise « Les nôtres avant tout » ;
• à repenser la géographie qu’occupe, depuis des temps les plus antiques, les peuples de souche européenne et où l’Oural s’impose comme le méridien médian » ;
• à promouvoir un idéal sociétal répondant à la devise delphique(3) « Rien de trop »… »
Il s’agirait d’un sursaut attendu, consciemment ou non, par beaucoup et qui serait vécu collectivement comme un superbe défi. Chacun ressentirait l’irremplaçable fierté de participer à cette grande révolte des consciences destinée à redonner vie à la terre gauloise devenue France. Un frisson de cela parcourut notre nation à la charnière de 2018–2019 lorsque des citoyens excédés endossèrent un gilet jaune. Mais ces derniers furent vite cornaqués par la nébuleuse Black-Bloc et par une gauche bien éloignée du socialisme français originel. La gravité des événements qui couvent sous le confinement ne donnera plus droit à l’erreur.
Walther
(1) Tout le monde connaît son plus célèbre tableau : Le radeau de la Méduse.
(2) Porté à l’écran par Roger Corman, en 1964, avec le fascinant Vincent Price dans le rôle du prince Prospero.
(3) Devise du temple d’Apollon à Delphes. Rappelons que cette cité était le cœur de la Grèce et considérée comme sacrée car dédiée à Apollon, l’Olympien personnifiant l’ « éclairement » solaire, le raisonnement et les Arts.