Au bal masqué
À Cagnes-sur-Mer, les masques tombent comme à Gravelotte
On n’est jamais trop prudent. Comme chaque matin, je m’équipe NBC pour aller chercher mon courrier à 30 mètres. Casque Adrian (des fois que), masque de chirurgien vénitien doublé d’un masque à poussières de plâtrier (« Qui peut le plus, peut le moins »), les mains badigeonnées de gel alambiqué maison (vodka mélangée avec du savon liquide).
La boite aux lettres donne sur la rue, donc je me signe l’autorisation de sortie, évidemment. Et là… surprise ! Louis Nègre mon bon maire aux petits soins a glissé dans ma fente une version papier de ses mesures Covid-19. Rassurez-vous, si vous n’avez pas la chance d’avoir un code postal cagnois, il existe une version numérique pour le reste du monde :
Bonne nouvelle, je vais pouvoir remettre en déco mon masque à miasmes et percevoir le loup municipal. Attention cependant à bien respecter le protocole de perception sans doute inspiré des tickets de rationnement dans les BOF (beurre-œuf-fromages) jusqu’en 1949. La distribution, les anciens connaissent.
Modalités de distribution des 50 000 masques
À partir du 1er mai, la ville remettra, par étapes successives, à chacun d’entre vous ces masques alternatifs commandés. Ils pourront être portés quatre à six heures par jour, dès l’âge de 3 ans.
Pour retirer votre masque, il faut remplir un formulaire obligatoire. Je m’exécute.
Après avoir sélectionné le « Pour retirer votre masque, merci de remplir le formulaire obligatoire suivant en commençant par choisir le lieu de retrait désiré » et je m’aventure dans le formulaire labyrinthe.
La formule « étapes successives » m’inquiète. Il s’agit bien de retirer un simple masque, pas d’être touché par la grâce.
Après avoir sélectionné le « drive de retrait municipal » [sic] , je remplis le bon à saisir. Je valide l’affaire par un code à 6 chiffres reçu sur mon téléphone mobile. Double authentification, comme à la banque. C’est bien organisé, haute sécurité pour un produit d’enjeu stratégique, il ne faudrait pas qu’un petit malin aille pirater un masque indu.
Aussitôt renseigné, ma messagerie électronique affiche le laisser-passer pour le Graal.
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Et voilà, plus besoin d’aller acheter au marché noir (revendeurs facilement identifiables) des masques exorbitants et qui plus est, frelatés.
Dis-moi « quel masque tu portes, je te dirai qui tu es ». Le masque fait le moine comme le voile fait la fatma. Si toutefois votre standing ne supporte pas le prêt-à-porter, il existe de nombreux sites privés qui vous proposent ces accessoires de mode qui vous permettront de circuler élégamment en ville. Personnellement, j’ai opté pour un Vichy coordonné.
Quoi qu’il en soit, commencez à préparer votre levée d’écrou le 11 mai. Nul doute qu’à partir de cette date, le masque qui ne servait à rien hier sera obligatoire demain ; comprendre verbalisable évidemment. Traqués par les drones, les hélicoptères, le porte-avion CDG ayant été mis hors de combat (au bout d’un mois de guerre, comme en 39), votre amende n’est pas encore fixée, je verrais bien un petit 235 euros, non ?
Il y a des masques en quantité dans tous les pays du monde. En France on a quand même une réputation de système D à tenir. La b… et le couteau.
Ah ! si seulement on avait autant de masques que d’élus…
Michel Lebon