Noël, des jours hors du temps

11 jan­vier 2017 | Aucun com­men­taire

Au moment où un ignoble et lâche atten­tat frappe à Berlin un mar­ché de Noël – lieu de joie par­ta­gée et d’é­mer­veille­ment pour les enfants – et tan­dis que, chez nous, des cuistres affichent leur imbé­ci­li­té chro­nique en sou­te­nant mor­di­cus que le monde arabe est aux sources de la civi­li­sa­tion fran­çaise, réaf­fir­mons notre appar­te­nance eth­no­cul­tu­relle en mon­trant com­bien est éla­bo­rée cette fête de la Nativité. Fête en laquelle se conjoignent har­mo­nieu­se­ment tra­di­tions popu­laires et don­nées méta­phy­siques joux­tant les avan­cées de la science.

Rois Mages étoile

L’enfant vient de naître et, per­son­ni­fié par les rois mages, le nombre 3 vient à lui pour lui confé­rer l’autorité spi­ri­tuelle (avec l’encens), le pou­voir tem­po­rel (repré­sen­té par l’or) et le don pro­phé­tique avec la myrrhe(1)

PythagoreÀ défaut de vous mon­trer une image du Père Noël, on vous pré­sente un autre bar­bu, grec celui-là, en appa­rence un peu plus aus­tère. Il s’agit d’un cer­tain Pythagore qui, au VIe siècle avant notre ère, appor­ta de pré­cieux jou­joux mathé­ma­tiques à par­tir des­quels « on a mar­ché sur la Lune » et, sans doute demain, on ira sur Mars.
Selon le mythe, il aurait été fils d’Apollon « hyper­bo­réen », c’est-à-dire ori­gi­naire de l’extrême nord, ter­ri­toire que le dieu rejoi­gnait au moment du sol­stice d’hiver.
Or, comme cha­cun le sait, le Père Noël habite au Pôle

Tout le monde a appris à l’école, sec­tion cours élé­men­taire, la table de Pythagore (une fois 1 = 1, 2 fois 1 = 2 etc… jusqu’à 10 fois 10 = 100) qui, du reste, figu­rait comme qua­trième de cou­ver­ture des cahiers aux pages qua­drillées sur les­quels on appre­nait à écrire et comp­ter. Mais pour ce père grec des mathé­ma­tiques, les nombres revê­taient aus­si – et sur­tout – une signi­fi­ca­tion sacrée. C’est ain­si que ce que ses dis­ciples dénom­maient la « sainte tétrak­tys » (tétra se rap­porte au nombre 4) consis­tait à tra­cer (à l’aide de cailloux) les quatre pre­miers chiffres de la façon suivante :

Sainte_TetraktysComme on le voit, le 1, occu­pant le som­met, puis le 2, le 3 et, en der­nier, le 4, for­mant la base, prennent place dans un tri­angle équi­la­té­ral évo­ca­teur de la notion de « Montagne suprême » et donc, de « Pôle », à savoir le lieu ultime et le plus sacré de notre monde. Ce n’est pro­ba­ble­ment pas un hasard si l’explorateur Robert Peary, par­ve­nu au Pôle nord (du moins le pen­sait-il) le 6 avril 1909, entas­sa, aidé de ses coéqui­piers, des blocs de glace pour for­mer une pyramide(2). Les chiffres (jusqu’à 9) puis les nombres (assem­blages de chiffres), paral­lè­le­ment à leur rôle tech­nique, pre­naient place dans des ensembles hau­te­ment symboliques.

Le Christianisme ayant fort intel­li­gem­ment inté­gré de mul­tiples don­nées issues du paga­nisme celte, gré­co-latin et ger­ma­nique, il n’est peut-être pas inutile de joindre aux nour­ri­tures ter­restres, de la pré­sente période fes­tive, d’autres saveurs – même racine que « sève » et « savoir » ! – spi­ri­tuelles celles-là. Car, gar­dons-nous de l’oublier, nos racines euro­péennes passent aus­si par une sym­bo­lique des nombres et des figures géo­mé­triques « char­pen­tant » l’imaginaire que nous por­tons. C’est évi­dem­ment à des­sein que nous écri­vons « char­pen­tant » puisque c’est un futur char­pen­tier qui naît dans une étable un 24 décembre.

Georges_La_Tour_Fils_charpentier

Le chef‑d’œuvre de Georges de La Tour (1593−1632), Le fils du charpentier

Un fils qui, comme son père, sait que ce tra­vail du bois néces­site qu’on uti­lise des mesures et, par consé­quent, des nombres. La main près de la bou­gie se fait annon­cia­trice du corps de lumière chris­tique lors de la Transfiguration. La sève de l’être, son sang, est source d’un savoir condui­sant à l’immortalité. Ajoutons que, pour les Pythagoriciens, le nombre 5, figu­ré ici par les doigts de la main lumi­neuse, sym­bo­lise le Destin (le 25, car­ré de 5, repré­sente l’accomplissement du Destin).

Blason_Sainte_Trinite

Blason expli­ci­tant la notion de Sainte Trinité : 3 per­sonnes en une

Raison pour laquelle des nombres inter­viennent dans les Évangiles. On songe tout de suite, Crèche oblige, aux trois rois mages ; puis au fait que le Christ com­mence son apos­to­lat à 30 ans (10 fois 3) et l’exerce durant 3 ans. On nous dit qu’il choi­sit 72 dis­ciples(3) (24 fois 3), puis forme un cercle plus res­treint de 12 (4 fois 3), les apôtres. Seuls 3 d’entre eux (Pierre, Jacques et Jean) assis­te­ront à sa trans­fi­gu­ra­tion sur le mont Thabor. Le nombre 12 ren­voie, de même que pour les prin­ci­pales cités grecques(4), aux signes du zodiaque ; l’ordre du ciel devant se reflé­ter sur terre. Inutile de pré­ci­ser que le chiffre 3 devient la sainte tri­ni­té et cohére toute reli­gio­si­té chré­tienne. D’où, fré­quem­ment dans les églises à par­tir de la Renaissance (et plus encore de la Contre-Réforme), l’image d’un tri­angle équi­la­té­ral. Il ne s’agit plus de la « Montagne suprême » mani­fes­tant le divin sur terre – la Montagne de Sion dans l’Apocalypse(5) – mais de la divi­ni­té sous ses 3 aspects (Père, Fils et Saint-Esprit).

Vieillards_Apocalypse_portail_sud_Saint-Pierre_Moissac

Quelques-uns des 24 vieillards. Portail sud de l’Église Saint-Pierre de Moissac. Art roman.

C’est le 24 décembre, à minuit, que naît l’enfant Jésus. Pourquoi le 24 ? Il est géné­ra­le­ment affir­mé que les Chrétiens ne sou­hai­taient pas faire coïn­ci­der cette nais­sance avec celle du dieu ira­nien Mithra (très célé­bré dans le monde romain) au moment du sol­stice d’hiver. On pro­cé­da donc à un déca­lage de quelques jours (3, si le soir de sol­stice tombe le 21). Mais sur­tout, le 24 fait allu­sion au nombre d’heures qui com­posent une jour­née et, en consé­quence, sym­bo­lisent le temps. Dans l’Apocalypse, il est ques­tion de 24 vieillards entou­rant le trône du Christ. Par leur nombre et leur âge, ils repré­sentent le temps. Au milieu d’eux, le Christ glo­rieux figure l’être non sou­mis à la tem­po­ra­li­té et qui, de par sa nature, mani­feste l’éternité. Mais une éter­ni­té trans­pa­rais­sant, ce vingt-cin­quième jour, dans le nombre asso­cié au Destin, le 5, por­té au car­ré – mul­ti­plié par lui-même – et, ain­si, par­fai­te­ment accom­pli. Comme pour dire que le Destin véri­table conduit à l’éternité.
Ces per­son­nages tiennent des luths (et non des harpes, comme l’indique saint Jean) ain­si que des coupes de par­fum. Les ins­tru­ments à cordes sont méta­pho­riques des « ondes » – pour Einstein, le temps et l’espace sont des vibra­tions – et le par­fum se fait allu­sif à la fuga­ci­té de ce qui sur­vient sous les ailes du temps.

Saint_Etienne

Cette enlu­mi­nure médié­vale montre la lapi­da­tion de saint Étienne. Une pierre frappe sa tête por­tant déjà l’auréole. On pour­rait dire que les pro­jec­tiles, figu­rant la den­si­té du monde, n’ont plus d’ « impacts » sur lui car sa conscience est par­ve­nue à un état de libé­ra­tion totale

Le 26 décembre on célèbre saint Étienne. Son nom grec, Stephanos, signi­fie « cou­ron­né ». Premier mar­tyr de la Chrétienté, il aurait été condam­né à mort un 26 décembre pour avoir pro­non­cé le nom divin selon les Hébreux(6). Hautement sacré, ce nom, for­mé de quatre lettres (dont l’une répé­tée), a pour gué­ma­trie(7) 26. Il est amu­sant de consta­ter qu’en anglais le mot Dieu, God, vaut éga­le­ment 26 (car G = 7, o = 15 et d = 4)(8). En fran­çais, on obtient 398 qui, comme 26, est aus­si un mul­tiple de 13. Mais le nombre 26 pos­sède une par­ti­cu­la­ri­té extra­or­di­naire. Il est le seul à se situer entre un car­ré, celui de 5 (5 x 5 = 25) et un cube, celui de 3 (3 x 3 x 3). On com­prend alors qu’il ait été consi­dé­ré, pré­ci­sé­ment de par son carac­tère unique, comme sacré et même divin. De fait, il marque le pas­sage entre un espace tota­le­ment plat (le car­ré de 5), une sur­face, et un espace à trois dimen­sions que consti­tue le cube. Ce qui pour­rait signi­fier qu’il tra­duit la tran­si­tion d’une spa­tia­li­té à une autre. Et il se trouve que 26 est exac­te­ment le nombre de dimen­sions dans ce qu’on nomme, en phy­sique quan­tique, la « théo­rie boso­nique des cordes »(9) ou, pour faire simple, un cer­tain sché­ma de l’univers. Nous n’entrerons pas dans ce domaine fort com­plexe – mais com­bien pas­sion­nant – de la Science et qui néces­si­te­rait d’ajouter, ici, des pages d’explications. Contentons-nous d’une inter­pré­ta­tion des plus simples. En signi­fiant « cou­ron­né », le nom Stephanos annonce que celui qui le porte, « ini­tiant » une longue série de mar­tyr, va rece­voir l’auréole, cou­ronne lumi­neuse. Et, en Occident comme en Orient, l’auréole témoigne d’un chan­ge­ment d’état : la tête, entou­rée de lumière, exprime l’idée que la conscience de l’individu outre­passe les limites humaine, devient com­pa­rable à l’astre diurne et, de la sorte, existe dans l’éclairement de tout ce qui existe. Un tel être trans­cende les limites dimen­sion­nelles et le 26 énonce numé­ri­que­ment son nou­vel état suprahumain.

De par sa signi­fi­ca­tion, un der­nier jour, le 27, com­plète les trois qui pré­cé­dent. On célèbre la Saint Jean d’hiver, dédiée à l’évangéliste. Un peu plus haut, le nombre 27 a été abor­dé. Il s’agit, on l’a dit, du cube de 3… Un 3 très pré­sent dans le sym­bo­lisme chré­tien. Quel rap­port entre le 27 et saint Jean ? Un rap­port d’autant plus essen­tiel qu’il s’impose comme le point culmi­nant de tout le Nouveau Testament. Expliquons-nous en ouvrant le texte qui ter­mine le cor­pus des Quatre Évangiles et des Actes des Apôtres, j’ai nom­mé l’Apocalypse de ce même Jean. Au cha­pitre XXI, il est dit que la cité par­faite qui, je cite, « des­cend du ciel d’auprès de Dieu » res­semble à un cube puisque sa lar­geur, sa lon­gueur et sa hau­teur sont égales. De plus, l’apôtre nous pré­cise que sur chaque côté se trouve trois portes. On peut donc dire que le tra­cé de la base est for­mée sur le car­ré de 3, ce qui fait 9 car­rés, comme le montre la figure sui­vante(10) :Carre_cube

Projeté en trois dimen­sions, nous aurons un cube com­po­sé de 27 cubes. C’est sur ce modèle qu’a été conçu le fameux Rubik’cube qui, on en convien­dra, n’a aucun rap­port, si ce n’est géo­mé­trique, avec la pro­di­gieuse struc­ture décrite par saint Jean.

Rubiks_cube

L’objet bien connu qui mit à l’épreuve les nerfs de dizaines de mil­lions d’individus

Mais, plus inté­res­sant, le cube de 3 est pré­sent dans un album des aven­tures de Tintin puisqu’il sert de sup­port au fameux Sceptre d’Ottokar(11), objet talis­ma­nique de la monar­chie syl­dave com­por­tant un péli­can et il est bien connu que cet oiseau – qui verse son sang pour nour­rir ses enfants – est un sym­bole de l’Eucharistie. Vous décou­vri­rez cette emblé­ma­tique page 30 (heu­reux hasard ou jeu de piste ini­tia­tique de l’ancien scout Hergé) de l’album cité.

En conclu­sion, nous pou­vons dire qu’une sym­bo­lique des plus éla­bo­rées pré­side à ces quatre jours de Noël. Par la sor­tie du temps, le 24 à minuit, on est sup­po­sé accé­der, le 25, à (la per­cep­tion de) la maî­trise du Destin ; puis, le 26, nous est com­mu­ni­quée, à tra­vers Stephanos-Étienne, la notion d’un état hors des limites qu’imposent notre phy­sio­lo­gie maté­rielle (nous retrou­vons la notion de « corps de lumière » évo­quée dans de pré­cé­dents articles). Une fois ce prin­cipe assi­mi­lé, inter­vient alors ce qui consti­tue l’aboutissement de tout cela, la cité par­faite rece­vant une (supra)humanité par­ve­nue à un accom­plis­se­ment nim­bé d’éternité.

P‑G. S.

(1) Car cette plante entrait dans la com­po­si­tion d’une huile réser­vée à l’onction de sain­te­té.
(2) Pour la petite Histoire (qui, sou­vent, éclaire la grande), Peary était membre d’une loge maçon­nique et l’image des pyra­mides égyp­tiennes de Gizeh, par­fai­te­ment posi­tion­nées en direc­tion du Pôle, ne pou­vait que l’inspirer au moment solen­nel où il s’agissait de lais­ser une trace de son pas­sage à ce point le plus extrême du globe.
(3) Luc, 10, 1.
(4) Comme l’a mon­tré un émi­nent uni­ver­si­taire niçois, le regret­té Jean Richer, dans son ouvrage Géographie Sacrée du monde grec, Éditions Hachette, Paris, 1967 (réédi­té depuis).
(5) Précision impor­tante, cette hau­teur sym­bo­lique est sup­po­sée exis­ter à Jérusalem mais le Psaume 48 (Ancien Testament) nous dit qu’elle se trouve « là où l’Aquilon prend nais­sance », autre­ment dit en extrême nord ; ce qui ramène au thème de l’Hyperborée.
(6) S’il faut en croire le tra­vail de l’historien Claude Mimouni, Le Christianisme, des orignes à Constantin, Éditions P. U. F., Paris, 2006.
(7) Guématrie : sys­tème qui consiste à asso­cier un nombre à chaque lettre de l’alphabet (hébreux, en l’occurrence) en fonc­tion de la place qu’elle occupe dans cet alpha­bet. Les lettres du nom divin valent res­pec­ti­ve­ment 10, 5, 6, et 5.
(8) C’est aus­si la gué­ma­trie du mot Graal, la coupe sur­na­tu­relle mani­fes­tant le divin.
(9) Le « boson » désigne une par­ti­cule élé­men­taire. La « théo­rie des cordes » tente d’unifier la théo­rie de la Relativité Générale (d’Albert Einstein) à la Physique Quantique.
(10) René Guénon, dans son ouvrage inti­tu­lé La Grande Triade, trai­tant de l’universalité du ter­naire, Éditions Gallimard, Paris, 2003, a mon­tré, au cha­pitre XVI, qu’un même sym­bo­lisme pré­si­dait en Chine à la notion d’« Empire du Milieu ».
(11) Cf. L’ouvrage de Paul-Georges Sansonetti, Hergé et L’Énigme du Pôle, Éditions du Mercure Dauphinois, Grenoble, 2011, p. 242–245.

[NDLR] Notre illus­tra­tion à la une : l’une des 450 crèches de Lucéram

Aucun commentaire

Envoyer le commentaire

Votre adresse e‑mail ne sera pas publiée. Les champs obli­ga­toires sont indi­qués avec *

Je sou­haite être notifié(e) par mes­sa­ge­rie des nou­veaux com­men­taires publiés sur cet article.