La France a sup­pri­mé la peine de mort en 1981. Faut-il aus­si sup­pri­mer la peine de vie ? Rendre la vie obli­ga­toire par la force de la science ou la volon­té d’un col­lec­tif désigné.

Après moultes volte-face juri­diques, Vincent Lambert vivra. C’est indé­cent de la part des pou­voirs publics, inca­pables de tran­cher, qui donnent rai­son au der­nier qui a par­lé. Cet homme est livré à la pâture média­tique depuis des années. Il est deve­nu le jouet de que­relles d’ex­perts de tout poil, de chro­ni­queurs beaux par­leurs et autres pré­ten­dus phi­lo­sophes, poli­ti­ciens et bien sûr ses proches qui se déchirent sur son sort.

Et si au lieu de l’a­vis de tous ces gens, on essayait en son âme et conscience de se mettre à sa place, tout simplement.

  • Qui peut pen­ser que Vincent Lambert ait encore envie de pro­lon­ger son cal­vaire ? Certainement pas moi dans sa peau.
  • Qui peut pen­ser qu’il ait envie de faire sup­por­ter à ses proches son corps inerte ? Certainement pas moi dans sa peau.

S’il reste à Vincent Lambert une conscience :

  • Comment vit-il le déchi­re­ment de sa famille ? 
  • Comment vit-il l’hu­mi­lia­tion d’être nour­ri à la bec­quée, lavé, rasé, d’être chan­gé comme un bébé ?
  • Comment sup­porte-t-il cela à 42 ans depuis dix ans ? 
Vincent Lambert

Il ne peut, tou­jours selon moi, qu’a­voir envie d’en finir. Du reste ce sont des pro­pos qu’il tenait avant son dra­ma­tique accident.

Je prie pour n’a­voir jamais à subir cet achar­ne­ment à for­cer une vie sans vie, aux pré­textes de je ne sais quels grands prin­cipes phi­lo­so­phiques, reli­gieux, socié­taux.

Puisque, semble-t-il, la sur­vie de Vincent Lambert ne requiert plus de soins médi­caux, que ceux qui lui imposent de vivre à tout prix assument de l’a­li­men­ter à la bec­quée et lui chan­ger ses couches. Après s’être retrou­vés seuls, après avoir écrit un livre pro­ba­ble­ment, après avoir dis­pa­ru des médias, ces mêmes chan­ge­ront vite d’a­vis et hur­le­ront pour obte­nir l’eu­tha­na­sie.

Et ils sau­ront vite se retour­ner vers des ser­vices de soins, ne vou­lant plus long­temps assu­mer leur choix renié. Au prix de sommes consi­dé­rables pour la socié­té qui aura à le reprendre. Ce n’est pas à des per­son­nels médi­caux, payés par les charges sociales, de pour­suivre cette honte. Combien d’entre nous n’ont plus de dents, ne voient que très mal, n’ont pas les moyens de se faire soi­gner. C’est peut-être sor­dide, mais il y a un moment où la res­pon­sa­bi­li­té poli­tique impose aus­si des choix.

L’intérêt général ne peut être sacrifié à l’intérêt particulier.

Johnny s’en va-t-guerre, lui aus­si vou­lait en finir.

Dans cette ter­rible fic­tion Joe Bonham s’en­gage pour aller com­battre sur le front pen­dant la Première Guerre mon­diale. Il est griè­ve­ment bles­sé par un obus et perd la parole, la vue, l’ouïe et l’o­do­rat. On lui ampute ensuite les quatre membres. Allongé sur son lit d’hô­pi­tal, une infir­mière dévouée l’aide à retrou­ver un lien avec le monde exté­rieur. Il arrive à lui prier d’en finir, mais lorsque le per­son­nel médi­cal com­prend que son âme et son être sont intacts sous ce corps en appa­rence décé­dé, ils décident qu’il vivra, pour satis­faire aux croyances phi­lo­so­phiques et reli­gieuses de l’é­poque, comme celles d’aujourd’hui.

La der­nière scène de ce film est peut-être l’hor­reur que vit Vincent Lambert aujourd’­hui. condam­né à vivre mort, mort-vivant pour l’é­ter­ni­té. SOS sos sos


Curieuse socié­té dans laquelle on tue les enfants à naître avec l’a­vor­te­ment et on oblige à vivre ceux qui n’ont plus de vie.

Sédation, eutha­na­sie renom­mée plus déli­ca­te­ment « fin de vie », les mots qui font peur. Si avec cou­rage on regar­dait sa mort en face, pas celle des autres. Après tout…

Michel Lebon