Ce dimanche 9 juin 2019 vient de consacrer l’immense roi de la terre battue, le sympathique majorquais Rafael Nadal : 12 victoires sur ce qui est le plus grand tournoi du monde. Un record qui ne sera jamais plus égalé, en tennis et dans tous les autres sports. Il a écarté les plus grands de sa génération de tennismen, de Djokovic à Roger Federer, le plus grand joueur de tous les temps. Jamais la concurrence de joueurs professionnels acharnés n’aura été aussi rude dans l’histoire de ce sport.
La cérémonie de remise de la coupe a vu une autre légende du tennis lui remettre son trophée, Rod Laver. Une courte vidéo, en noir et blanc a retracé le parcours de cet Australien et m’a ramené 50 en arrière, en juin 1969.
Dans ce vieux stade de Roland Garros (précisons pour les jeunes générations qu’il était aviateur, diplômé de HEC, et non pas tennisman), Rod Laver vient défendre son deuxième grand chelem (*) face à une autre légende, son compatriote Ken Rosewall. Ken revient en 1969 y défendre son titre qu’il avait obtenu en 1953, 17 ans auparavant ! Les joueurs jouent en blanc, la tenue blanche est obligatoire, la balle est blanche, tout comme la télévision en noir et blanc.
Cette année 1969 je gagne aussi un tournoi qui lui ne restera pas dans les mémoires, celui des juniors de mon petit club de banlieue. Amateur de la petite balle blanche, je décide d’aller voir cette finale d’anthologie à Roland Garros. J’arrive aux caisses, 30 minutes avant le premier service, une petite file de quelques personnes et pour la modique somme de 15 Francs (2,50 euros), j’accède aux gradins qui ne sont pas encore pleins.
Cerise sur le gâteau, en ce temps-là, après la finale du simple messieurs, pour le même prix, on avait la finale du double. Rod Laver, encore lui, accompagné de son compatriote Roy Emerson sont opposés à deux roumains : le bûcheron Ion Tiriac et le fantasque Élie Nastase. Que des légendes sur ce court ! À cette époque, le tennis n’est pas encore très populaire et ne fait pas recette. Qui dans le grand public connait ce Rod Laver ?
50 ans plus tard, Roland Garros a pris des couleurs.
Les tenues sont bariolées et la balle est jaune. Cette année, Nadal a choisi le gilet jaune, plus dans l’air du temps, sur fond de sponsor du tournois, Paribas.
2019. Le central renommé Philippe Chatrier a grandi. Il est devenu immense et bétonné. Il va encore s’enrichir l’année prochaine d’un toit, les joueurs modernes n’aiment pas la pluie, les annonceurs TV non plus. Business oblige.
Il vous en coûtait, cette année de 180 à 420 euros pour assister à cette finale.
Si vous êtes pauvres à radiner 180 euros, donc relégués sur les hauteurs nuageuses du central, pensez à prendre vos jumelles de théâtre, si vous voulez pouvoir déceler quelques rictus de fatigue sur les joueurs en bas de l’arène en brique pilée rouge.
Avant, le tennis avait la réputation d’être un sport de privilégiés, les pauvres pouvaient aller au spectacle. Maintenant que c’est devenu un sport populaire, les pauvres ne peuvent plus y aller. Finalement, plus il y a de sponsors, plus c’est cher. C’est un comble.
Michel Lebon
(*) Grand chelem au tennis : gagner la même année l’Open d’Australie, Roland Garros, l’US Open à New York et Wimbledon à Londres.