Municipales : le bon geste avant d’aller voter

On nous dit que les élec­tions muni­ci­pales ne sont pas comme les autres, qu’elles consti­tuent un enjeu local qui échappe aux que­relles poli­ti­ciennes natio­nales. Les admi­nis­trés choi­si­raient leur maire, élu de proxi­mi­té, à sa bonne tête, à son appar­te­nance à une famille du cru, à sa visi­bi­li­té sur le ter­rain, sa dis­po­ni­bi­li­té, à ce que cha­cun pense de sa « bonne ges­tion » appa­rente de la com­mune… Mais ce n’est pas tout à fait vrai.

D’abord, les élec­tions muni­ci­pales se jouent dans des confi­gu­ra­tions très variables selon la taille de la com­mune : le pays compte
• quelque 32 000 com­munes rurales (moins de 2 000 habi­tants) contre
941 villes de plus de 10 000 habi­tants mais ces der­nières regroupent à elles seules plus de la moi­tié de la popu­la­tion.

En outre, la situa­tion varie entre com­munes de taille com­pa­rable selon qu’elles appar­tiennent ou non à un sec­teur éco­no­mique plus ou moins pros­père. Ainsi, les ser­vices ren­dus aux popu­la­tions locales sont très inégaux mal­gré cer­tains sys­tèmes de com­pen­sa­tion en direc­tion des com­munes les plus pauvres.

Ensuite, depuis les lois de décen­tra­li­sa­tion, le mode de scru­tin varie dès lors que la com­mune dépasse le seuil de 3 500 habi­tants : il s’agit d’un scru­tin de liste blo­quée (sans pos­si­bi­li­té de « pana­chage ») avec une « prime » de 50 % des sièges à la liste arri­vée en tête. Ces carac­té­ris­tiques en appa­rence ano­dines ont des consé­quences poli­tiques majeures en empê­chant l’électeur de choi­sir les conseillers à qui il sou­haite délé­guer le pou­voir de gérer la com­mune. Ce sys­tème inéqui­table consacre, de fait, la tête de liste, celle qui va concen­trer tout le pou­voir tout au long des six années de man­dat. Un pou­voir tel que nos villes res­semblent sou­vent à de petites autocraties.

La concen­tra­tion du pou­voir sur le maire est telle que, même dans sa propre majo­ri­té, les voix dis­cor­dantes ne peuvent jamais s’exprimer : tous les colis­tiers sont aux ordres, parce que tous, en accep­tant de mettre leur nom sur la liste, ont, d’une cer­taine manière, fait vœu d’allégeance au futur monarque. Le débat au sein du conseil muni­ci­pal est géné­ra­le­ment réduit à la por­tion congrue. Il se déroule entre quelques per­sonnes déten­trices d’un pou­voir déci­sion­nel (adjoints, gens de confiance, direc­teur de cabi­net, direc­teurs géné­raux…) sou­te­nues par une majo­ri­té silen­cieuse. L’opposition reste tota­le­ment impuis­sante. Qui veut faire entendre son désac­cord n’a d’autre issue que de démis­sion­ner. C’est ce que l’on a vu se pro­duire par exemple à Mougins, en 2018 avec le départ de trois adjoints au maire Richard Galy.

Et on vou­drait encore nous faire croire que ce fonc­tion­ne­ment de l’espace poli­tique local repré­sente la « démo­cra­tie ». On nous dit même que la com­mune serait la « cel­lule de base de la démo­cra­tie » et incar­ne­rait la poli­tique « au sens noble du terme ». On rigole !

Mais reve­nons à nos mou­tons. L’élection muni­ci­pale est-elle apo­li­tique ? Pas vrai­ment, voire pas du tout. En effet, arri­ver au pou­voir n’est pas facile et la com­pé­ti­tion est d’autant plus vive que la taille de la com­mune est impor­tante. Le recours à un par­ti poli­tique se montre dès lors qua­si indis­pen­sable en milieu urbain pour bri­guer un poste de maire. Le can­di­dat peut ain­si béné­fi­cier de toutes les res­sources du par­ti : moyens finan­ciers, moyens maté­riels, mili­tants mobi­li­sables, argu­men­taires prêts à l’emploi, capi­tal sym­pa­thie, etc… De sorte que l’enjeu poli­tique local ne se dis­tingue plus des enjeux poli­tiques natio­naux. Et puis, avoir un par­ti poli­tique der­rière soi peut être un for­mi­dable trem­plin pour les ambi­tieux qui ne se conten­te­ront pas de leur man­dat local. Ceux-là briguent très vite des fonc­tions com­plé­men­taires ou plus « impor­tantes » — com­pre­nez « mieux rému­né­rés » : man­dats inter­com­mu­naux, dépar­te­men­taux, régio­naux… Voire natio­naux ou euro­péens (là encore, l’exemple de Mougins est symptomatique).

Ces élus se mettent alors à vivre « pour » et « de » la politique

Quid des inté­rêts de la com­mune et des admi­nis­trés dans tout ça ? Et bien, c’est la ques­tion essen­tielle que l’électeur doit se poser. Car, avec l’apparition des com­mu­nau­tés de com­munes qui se tra­duit tou­jours par des pertes de com­pé­tences mais des aug­men­ta­tions de charges pour les com­munes, les dépenses publiques doivent être mises au cœur des débats élec­to­raux. La sup­pres­sion, aus­si idiote que déma­go­gique, de la taxe d’habitation fait que les pro­prié­taires immo­bi­liers vont voir leur taxe fon­cière explo­ser dans les années à venir. Et puis, il y a toutes ces dépenses incon­si­dé­rées, futiles et inutiles, qui sont autant de gas­pillages des deniers publics :
• tel maire s’offre une piste de ski cou­verte à 20 mil­lions d’euros (Amnéville),
• tel autre s’offre des rond-points sans objet (déjà 30 mil­liards d’euros englou­tis dans notre pays),
• tel autre s’offre une gare TGV alors que la ligne ne passe pas dans sa ville (Nimes, Montpellier),
• tel autre dis­tri­bue 750 000 euros de sub­ven­tions pour des asso­cia­tions fic­tives (Marseille), etc, etc…
La liste serait trop longue à énumérer.

Les élus locaux dépensent sou­vent sans comp­ter l’argent qui n’est pas le leur et le contri­buable reste sou­vent le din­don de la farce. Pour savoir, com­ment les com­munes uti­lisent les deniers publics, un outil a été mis en place par Contribuables asso­ciés qui per­met de tout décou­vrir : L’argus des com­munes. Cliquer sur le lien est incon­tes­ta­ble­ment le meilleur geste à faire avant de se rendre dans l’isoloir pour céder aux belles pro­messes des candidats.

Alors, amis électeurs, tous à vos souris !

Charles ANDRÉ

« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »