Cette fois, le peuple ne se laissera plus abuser

Le discours de Macron : toujours du théâtre

Jeudi soir le 12 mars, Emmanuel Macron s’est donc adres­sé aux Français dans un dis­cours sur la ges­tion de la crise de l’épidémie de coro­na­vi­rus qui touche le pays. Fidèle à son habi­tude, le Président a été long, très long, et ondoyant, quoique plus effi­cace, d’une façon géné­rale. Ce qui n’a sau­té aux yeux, c’est sur­tout la pos­ture. Macron a cher­ché à mettre ses pas dans ceux du géné­ral de Gaulle en fai­sant de la lutte contre le virus agres­seur un com­bat épique enga­geant la nation.

Sacrément prétentieux

Il se dit même qu’il aurait cares­sé l’idée de recou­rir à l’article 16 de la Constitution qui attri­bue au Président les pleins pou­voirs. C’eût été aus­si dis­pro­por­tion­né que par­fai­te­ment ridi­cule. Néanmoins, dans le per­son­nage qu’a joué Emmanuel Macron, on a par­fai­te­ment per­çu l’intention ain­si que la manœuvre du poli­ti­cien en situa­tion d’échec cher­chant à renouer avec l’homme d’État sau­veur de la Nation en péril.

C’est d’abord vers le per­son­nel soi­gnant que chef de l’État s’est tour­né pour lui adres­ser ses encou­ra­ge­ments, qua­li­fiant ses agents de « héros en blouse blanche ». Ça ne mange pas de pain et ça met un peu de baume sur les plaies d’un sec­teur hos­pi­ta­lier gra­ve­ment en crise. Dans le même temps, il a annon­cé des mesures sur le long terme comme « la san­té gra­tuite, sans condi­tion de reve­nus, de par­cours ou de pro­fes­sion » qui « ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens pré­cieux, des atouts indis­pen­sables quand le des­tin frappe ». Doit-on com­prendre que la gra­tui­té des soins va être éten­due à tous les Français et ne sera plus réser­vée aux seuls immi­grés ? Faut pas rêver !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’éloge de l’État Providence que Macron nous a fait dénote un brin avec son achar­ne­ment habi­tuel à tout pri­va­ti­ser et prouve qu’il navigue au gré des courants.

Quant au reste, il n’a pas déro­gé à son registre favo­ri du « en même temps » : il décide la fer­me­ture de tous les éta­blis­se­ments sco­laires mais à par­tir de lun­di seule­ment. Pourquoi lun­di ? Parce qu’il ne veut pas repor­ter les élec­tions de dimanche au risque de voir les élec­teurs s’énerver un peu plus contre lui. Les écoles fer­me­ront, donc, mais nos fron­tières res­te­ront grandes ouvertes. Pas ques­tion de fer­mer les fron­tières et de don­ner des gages aux sou­ve­rai­nistes ! Il annonce l’éventualité d’un report de paie­ment des coti­sa­tions et des impôts pour sou­la­ger les entre­prises en dif­fi­cul­té mais ne remet aucu­ne­ment en cause son logi­ciel mon­dia­liste tout en recon­nais­sant quand même que nous avons per­du notre sou­ve­rai­ne­té. Pas celle de la France, non, Macron par­lait de celle de l’Europe, la seule qui compte à ses yeux.

La fin de son dis­cours fut un grand hom­mage à « l’esprit de soli­da­ri­té et d’entraide qui carac­té­rise notre contrat social ». Quid de la « start-up nation », des « pre­miers de cor­dée » ou encore de « ceux qui ont réus­si » ?

On com­prend donc que Macron a essen­tiel­le­ment cher­ché à retrou­ver un peuple qui le lâche comme il l’a déjà fait en d’autres cir­cons­tances. Mais on connaît trop son modus ope­ran­di : séduc­tion, enfu­mage, mesures en trompe‑l’œil et tra­hi­son ! Cette fois, le peuple ne se lais­se­ra plus abuser. 

Il ne fau­dra pas que, le vent du bou­let pas­sé, Macron retourne à son natu­rel nar­cis­sique, hau­tain et mépri­sant. Il fau­dra que les pro­messes faites à l’occasion d’un grand désar­roi du peuple soient tenues. Il fau­dra que ce vibrant hom­mage ren­du au sec­teur public ne soit pas une tar­tuf­fe­rie de plus. Il fau­dra que la poli­tique du gou­ver­ne­ment s’infléchisse dans l’intérêt du peuple et non celui de la mon­dia­li­sa­tion mer­can­tile ou des inté­rêts de big phar­ma comme Trump l’an­nonce déjà.

Et sur­tout, il fau­dra que ce mot « sou­ve­rai­ne­té » – habi­tuel­le­ment un gros-mot pour Macron –, lâché hier soir, ne l’ait pas été avec arrière pen­sée du genre « On sait jamais, sur un mal­en­ten­du ça peut peut-être mar­cher », comme disait Jean-Claude Dusse alias Michel Blanc, dans Les Bronzés. On attend désor­mais le voir réem­ployé plus fré­quem­ment ! Sans malentendu.

Charles André

L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »