Christian Estrosi assure sa (m)auto-promotion

Le maire de Nice conti­nue de s’au­toé­ri­ger en cham­pion moto­cy­cliste, alors que son pal­ma­rès spor­tif reste modeste. Il fut certes quatre fois cham­pion de France entre 1974 et 1979, mais il ne s’est guère fait remar­quer sur les cir­cuits inter­na­tio­naux (vain­queur de deux épreuves seule­ment, en 1976 et 1977, sur le par­cours fran­çais Dijon-Prenois). Il aurait alors mieux fait de pas­ser son bac, qui valait encore un peu quel­que­chose à l’époque.

Citons moto-sta­tion, le site numé­ro 1 de la moto :

Estrosi travestit l’histoire

L’ex-ministre et actuel dépu­té-maire de Nice, Christian Estrosi, a la mémoire sélec­tive lorsqu’il se remé­more ses « exploits » de pilote en Grands Prix…

Dans la pers­pec­tive du pos­sible trans­fert du musée natio­nal du sport vers Nice et son futur grand stade à l’horizon 2013, Christian Estrosi s’est sou­ve­nu qu’il avait dis­pu­té les Grands Prix moto, en 750 cm³ ou en moyennes cylin­drées. Un pan de son his­toire qu’il n’hésitait pas à occul­ter lors de ses débuts en poli­tique. Aujourd’hui cepen­dant, pour la bonne cause, l’ex-pilote se sou­vient de son pas­sé, devant un par­terre d’élus dont Bernard Laporte, secré­taire d’État aux sports, en décla­rant récem­ment : « Je pos­sède tou­jours la Yamaha 750 avec laquelle j’ai bat­tu Giacomo Agostini, alors invain­cu, au Grand Prix de France 1977 de Dijon. Comme mes casques et com­bi­nai­sons, je la lègue­rai volon­tiers au musée. »
Ce que Christian Estrosi oublie de dire, c’est que lors de cette course des cham­pion­nats du monde 750, Agostini avait la grippe. Notre confrère de l’époque, dans le Moto Revue n° 2321 du 7 juin 1977, résu­mait ain­si l’état du pilote ita­lien : « Après avoir vai­ne­ment essayé de se battre, [il] s’est avoué vain­cu par la mala­die. C’est les yeux rouges et le teint fié­vreux qu’il est des­cen­du de moto pour aller se cou­cher. » Estrosi aurait mieux fait de se rap­pe­ler qu’il avait bat­tu ce jour-là à la régu­lière Steve Baker, futur vain­queur du championnat !

Mais Christian Estrosi veut se faire un pas­sé de cham­pion ! Il est inter­ve­nu pour dépla­cer le Musée National du Sport de Paris à Nice alors qu’il avait fer­mé ses portes en 2012. Mais ce site per­met­tait au maire de Nice de valo­ri­ser son pas­sé de pilote moto­cy­cliste puis­qu’on lui avait lais­sé une place. Ce n’é­tait pas suf­fi­sant pour le cam­pio­nis­si­mo niçois qui annonce que « sa » Pernod Competition 250 cm³ fera bien­tôt son entrée éga­le­ment au Musée de Nice : Christian Estrosi - moto - Juillet 2020

Si cette annonce flatte l’é­go du maire de Nice, elle n’est pas du tout du goût de tous les Niçois qui paient l’ad­di­tion. C’est le cas notam­ment de Laurent Guibert qui annonce sur sa page Facebook avoir sai­si le pré­fet des Alpes Maritimes sur un cer­tain nombre d’ir­ré­gu­la­ri­tés majeures de cette (m)auto-promotion :

La presse locale azuréenne nous présente ce matin, la moto de Christian ESTROSI qui est susceptible de devenir une pièce de musée

À titre limi­naire, je tiens à rap­pe­ler que le Musée National du Sport (MNS) consti­tue un gouffre éco­no­mique pour les contri­buables et par­ti­cu­liè­re­ment pour ceux de la Ville de Nice, le rap­port finan­ce­ment public – recettes liées au nombre de visi­teurs payants est tris­te­ment défavorable.

Cette déci­sion d’in­té­grer la moto de Christian ESTROSI à la col­lec­tion du MNS pose plu­sieurs problèmes.

Point 1 – Les 5 missions du MNS sont clairement définies par un texte

1° L’étude, la pré­sen­ta­tion au public du fait spor­tif et du patri­moine qui s’y rap­porte, consi­dé­rés dans leurs dimen­sions his­to­rique, scien­ti­fique, artis­tique, socio­lo­gique ou tech­nique, et la mise à dis­po­si­tion de la docu­men­ta­tion recueillie ;
2° La conser­va­tion, la pro­tec­tion et la res­tau­ra­tion pour le compte de l’Etat des biens cultu­rels ins­crits sur ses inven­taires et dont il a la garde ;
3° L’enrichissement des col­lec­tions natio­nales par l’ac­qui­si­tion de biens cultu­rels pour le compte de l’Etat ;
4° La concep­tion et la mise en oeuvre des actions d’é­du­ca­tion et de dif­fu­sion visant à assu­rer l’é­gal accès de tous au fait spor­tif et au patri­moine qui s’y rap­porte ;
5° La contri­bu­tion aux pro­grès de la connais­sance et de la recherche sur le fait spor­tif actuel ain­si qu’à leur diffusion.

Force est de consta­ter, sans faire insulte au Maire de Nice, que ses titres de cham­pion de France moto­cy­cliste dans la caté­go­rie 750 cm³, n’ont que peu mar­qué l’his­toire de son sport, comme sa sco­la­ri­té n’a que peu mar­qué l’his­toire des éta­blis­se­ments sco­laires qu’il a fré­quen­tés. Les « per­for­mances » de Christian ESTROSI ne consti­tuent qu’un petit fait spor­tif et la moto qu’il uti­li­sait ne pré­sente qu’un carac­tère très rela­tif au niveau his­to­rique, cultu­rel, scien­ti­fique, artis­tique, socio­lo­gique ou bien tech­nique. Le seul fait « his­to­rique » relève davan­tage du rôle poli­tique actuel de Christian ESTROSI. D’autres motards de haute com­pé­ti­tion, bien plus que Christian ESTROSI, au regard de leurs titres spor­tifs, méritent leur place au MNS.

Point 2 – La loi EVIN du 10 janvier 1991, n°91–32, relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme introduit dans le Code de la Santé Publique les articles L3323‑2 et suivants, réglementant la publicité

Force est de consta­ter que sur la moto uti­li­sée jadis par Christian ESTROSI, figure une publi­ci­té par une marque d’al­cool. Donc, il ne paraît pas oppor­tun d’ex­po­ser ce maté­riel dans un lieu qui vise à faire la pro­mo­tion du sport et non pas celle de la consom­ma­tion de pro­duits alcoolisés.

Point 3 – La collectivité territoriale Ville de Nice dirigée par Christian ESTROSI a participé au financement du MNS

Christian ESTROSI est un homme poli­tique en acti­vi­té, sa pro­mo­tion per­son­nelle, y com­pris via du maté­riel, ne peut pas béné­fi­cier direc­te­ment ou indi­rec­te­ment du sou­tien finan­cier de la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale qu’il dirige. Nous sommes en ce cas, face à une situa­tion d’inter­fé­rence entre un inté­rêt public et un inté­rêt pri­vé de nature à influen­cer ou à paraître influen­cer l’exer­cice d’une fonc­tion publique. Le Code Général des Collectivités Territoriales est très pré­cis sur ce sujet.

Attendu que ces trois points mettent en évi­dence de graves man­que­ments aux dif­fé­rentes lois et règles pré­ci­tées, j’ai déci­dé de sai­sir le Préfet des Alpes-Maritimes, et — selon sa réponse — le Tribunal Administratif sera invi­té à faire valoir les points du droit que j’expose.

En conclu­sion, je regrette cette basse opé­ra­tion de com­mu­ni­ca­tion per­son­nelle qui n’a rien à voir avec la pro­mo­tion du sport et qui a tout à voir avec la pro­mo­tion d’un per­son­nage poli­tique. Je pense qu’un élu en fonc­tion, quel qu’il soit et quel qu’il fût, doit veiller à bien dis­tin­guer son acti­vi­té publique et ses acti­vi­tés pri­vées, il s’a­git selon mon ana­lyse d’une forme d’é­thique per­son­nelle. Enfin, lors­qu’on est élu, a for­tio­ri lors­qu’on a été légis­la­teur, on doit veiller au strict res­pect de la loi et des règles, notam­ment vis-à-vis de la pro­tec­tion de la jeu­nesse eu égard à la consom­ma­tion d’alcool.

Laurent GUIBERT

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