L’argent des retraités de nouveau convoité
Ah, ces retraités « nantis » qui touchent plus que le SMIC !
Ils sont lorgnés de toute part par ceux qui aimeraient tant leur faire payer la crise. C’est ce que nous apprend un article de Boulevard Voltaire relatant les récentes mesures prises en Eire par la Banque d’Irlande, un établissement privé, qui a décidé de taxer de 0,65 % les fonds liquides des organismes d’épargnes retraite. On croyait que les États avaient le monopole des taxes, voici que le secteur privé s’autorise aussi à en prélever.
C’est que cette absurdité des taux d’intérêts bas, voire négatifs, ne cesse d’empoisonner l’économie de l’Union européenne. Les banques sont devenues frileuses : elles hésitent à prêter à des clients de moins en moins solvables. Par le fait, même sans rémunérer les comptes de leurs clients, elles perdent de l’argent. Par dessus le marché, les établissements bancaires sont taxés par la Banque Centrale Européenne à hauteur de 0,5 % sur ces fonds non prêtés conservés dans leurs caisses ! La double peine en quelque sorte. On a donc vu, pour la première fois, le 19 novembre 2019, une banque européenne décider de taxer, dès le premier centime d’euro, les dépôts laissés sur les comptes de ses clients ! Il s’agit de la banque coopérative Volksbank, basée à Munich, en Allemagne. Le taux appliqué est le même que celui que la Banque centrale européenne applique sur les capitaux inemployés des établissements bancaires. Volksbank a réussi à briser un tabou : tout le secteur bancaire va s’engouffrer dans la brèche, n’en doutons pas.
Certes, pour le moment, nous sommes à l’abri d’une mesure similaire en France : sauf pour les dépôts supérieurs à un million d’euros, les comptes courants ne peuvent être taxés. En contre-partie, ils ne peuvent non plus être rémunérés (contrairement à l’étranger). Cela étant, les banques françaises utilisent d’autres moyens de rançonner leurs clients : elles appliquent des frais de tenue de comptes dont la tarification en constante augmentation est rendue opaque par un subtil rideau de fumée. En Allemagne, on a au moins le mérite de la franchise. Mais ne nous leurrons pas, si cette taxation se répand en Europe, nous n’y échapperons pas en France : on nous expliquera alors que les établissements bancaires ne peuvent absolument pas faire autrement (les pauvres !)… Et on continuera, bien entendu, à appliquer tous les autres prélèvements !
En Allemagne, en Suisse et au Danemark, de nombreux établissements répercutent déjà les taux négatifs sur les clients institutionnels que sont les assurances et… les caisses de retraite et les fonds de pension ! Si les particuliers restent momentanément exemptés – sauf en Allemagne, on vient de le voir –, les différentes caisses qui recueillent les cotisations des travailleurs sont douloureusement touchées. Bien qu’elles investissent dans des actions, des obligations, des SCPI, pour faire fructifier l’argent collecté afin de pouvoir payer les futures pensions, par prudence, elles conservent aussi un matelas de liquidités pour faire face à d’éventuels problèmes toujours susceptibles de survenir. C’est cette réserve qui est désormais taxée à 0,65 % en République irlandaise.
Cette décision a suscité une vive réaction dans le pays. La banque a été accusée de spolier les revenus des futurs retraités. Cyniquement, celle-ci a rétorqué que les caisses de retraite devront faire face en prenant sur leurs marges. En somme, elles sont invitées à répercuter la dépense sur les retraités puisqu’elles n’ont quasiment pas de marges. Ainsi, la banque a‑t-elle trouvé le moyen de faire en sorte que les retraités dits « nantis » mettent encore la main à la poche. In fine, si cette taxation se généralise à toutes les banques irlandaises – et ne doutons pas que cela se fera à la vitesse grand V –, les pensions vont baisser en République d’Irlande.
Hélas, la tendance à faire payer la crise aux retraités déclarés « aisés » semble se dessiner partout dans l’Europe. Il s’agit pour l’heure d’un ballon d’essai qui se dégonflera très vite si la réaction est vigoureuse. Mais on sait que les retraités sont peu enclins à entamer le bras de fer avec ceux qui leur cherchent des poux dans la tête. Quant à la population dite active, se sentira-t-elle suffisamment concernée pour mener la rébellion ? Toute la question est là…
Charles ANDRÉ
Et si on faisait comme les British : quitter l’Europe ?