Le pillage du musée de Bagdad était américain

De nombreuses œuvres d’art du Musée de Bagdad ont été retrouvées aux États-Unis

L’affaire du pillage du Musée de Bagdad s’éclaircit par­tiel­le­ment. Rappelons les faits.

Musée_Bagdad_dévasteEn avril 2003, l’armée amé­ri­caine entre dans Bagdad. Curieusement, elle ne prend posi­tion que devant deux bâti­ments publics : le Palais pré­si­den­tiel et le Ministère du pétrole, négli­geant les autres, en par­ti­cu­lier le musée de Bagdad. Pourtant son direc­teur a ren­con­tré le jour même des offi­ciers supé­rieurs amé­ri­cains pour leur deman­der de pro­té­ger le musée des pillages. De plus, bien avant l’invasion amé­ri­caine, une délé­ga­tion d’archéologues venue du monde entier avait été reçue au Pentagone. Celui-ci s’était enga­gé à pro­té­ger le musée et ses 150 000 pièces dès la prise de Bagdad.

Cependant, pour des rai­sons mys­té­rieuses, aucune mesure n’est prise. Pendant qua­rante-huit heures, des pillards démé­nagent des dizaines de mil­liers de pièces ines­ti­mables de l’art méso­po­ta­mien. Certaines pèsent des cen­taines de kilos comme cette sta­tue monu­men­tale datant de 2400 ans avant JC et repré­sen­tant un jeune pâtre ; elle est cou­verte d’inscriptions à la gloire du fon­da­teur de l’empire akka­dien, le pre­mier à avoir uni­fié « le pays des deux fleuves ».

Tout avait été pré­pa­ré de longue date. Ce sont évi­dem­ment des pro­fes­sion­nels qui ont agi. Le maté­riel est sophis­ti­qué. Les copies lais­sées sur place, comme ces tablettes du Code d’Hammourabi (un des plus anciens textes juri­diques), dont l’original est au Louvre, témoignent de vols com­mis par des connais­seurs. Des archéo­logues ira­kiens ont aler­té des sol­dats amé­ri­cains posi­tion­nés à quelques cen­taines de mètres du musée, en vain.

Devant le scan­dale, l’armée amé­ri­caine doit prendre des mesures …en interne notam­ment ! Plusieurs mili­taires doivent res­ti­tuer des objets volés. Musée_Bagdad_frontonUn jour­na­liste de Fox TV est arrê­té à l’aéroport avec plu­sieurs œuvres d’art dans ses bagages. Les inves­ti­ga­tions per­met­tront aus­si de récu­pé­rer aux États-Unis et en Angleterre de nom­breuses pièces, dont cer­taines avaient dis­pa­ru depuis la pre­mière inva­sion de Bush père en 1991. Toutefois le plus gros man­quait à l’appel.

Or l’enquête vient de faire un pro­grès impor­tant : le minis­tère de la jus­tice amé­ri­cain vient de lan­cer une pro­cé­dure contre la com­pa­gnie Hobby Lobby. Cette chaîne de maga­sins de loi­sirs est un fief des évan­gé­listes et emploie 13000 per­sonnes dans 41 États. Le fils du fon­da­teur, Steve Green, grand col­lec­tion­neur d’antiquités, va ouvrir un Musée de la Bible à la fin de l’année à Washington. De superbes pièces très anciennes sont annon­cées comme des frag­ments des rou­leaux de la Mer morte.

A la suite d’une dénon­cia­tion, le FBI a pu éta­blir que Hobby Lobby a ache­té en 2010 plus de 5500 objets antiques volés à Bagdad ain­si que dans d’autres musées ira­kiens. Les expor­ta­teurs sont situés en Israël et aux Émirats Arabes Unis (alliés des États-Unis lors de l’invasion). Les évan­gé­listes vont devoir res­ti­tuer à l’Irak ces pièces si mal acquises et son musée sera sans doute moins four­ni que prévu…

Antoine de Lacoste, 27 juillet 2017

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