L’Hebdo Varois – semaine 51–2015
Tous perdants, tous contents
Presque tout a été dit par les partis politiques dimanche 13 décembre au soir. Bien des choses ont été écrites par les politologues autoproclamés du lendemain matin. Sans compter les analyses électorales du café du commerce. Au niveau national, comme dans le Var. Tout, vraiment ? Voire… Sauf à se satisfaire d’une vision courte des résultats et des enseignements du second tour des élections régionales. Var-Provence Info vous invite à voir un peu plus loin, en toute lucidité. La semaine fut politique, principalement mais pas seulement. Décryptage.
Tous les partis affichent une bonne figure de circonstance
La gauche a réussi son pari désespéré en faisant battre le Front National. Mais le prix est élevé. Les conséquences à moyen terme seront lourdes. Seul l’espoir d’une recomposition politique et d’une reconstruction idéologique pourraient à long terme justifier les sacrifices consentis. Car les socialistes et leurs alliés de la majorité nationale vont tout simplement être absents de toute représentation, pendant six années, des assemblées régionale et départementale. Comme ils avaient été réduits ou éliminés dans beaucoup de conseils municipaux lors des élections de l’année précédente, ceci veut dire qu’ils vont être quasiment rayés de la carte politique varoise pendant des années qui vont paraître longues à la génération montante de militants et d’élus. Certes la cure de désintoxication des prébendes clientélistes et des unes médiatiques peut se révéler salutaire, dans une optique de resourcement moral et idéologique. Bien sûr, la gauche ne manquera pas de présenter à la droite la facture de son désistement. Concrètement c’est toutefois, pour l’avenir proche, lots de consolation et disette de responsabilités.
La droite a engrangé une victoire. Mais à la Pyrrhus. Éric Ciotti a gagné son pari, que beaucoup considéraient comme risqué, à savoir aucune région pour le FN. Il est vrai que le gain de l’exécutif régional, après celui du département et de la majorité des communes, confère à l’alliance Républicains-UDI et alliés une position locale encore inespérée il y a moins de deux ans. Mais là aussi, à quel prix ?
D’une part les vainqueurs du 13 décembre vont être redevables à la gauche de retours d’ascenseur, qui ne satisferont pas tous leurs électeurs traditionnels. Lesquels demeurent fondamentalement droitistes dans le Var.
D’autre part ils vont se retrouver dans la plupart des assemblées face à une opposition unique et homogène : le Front National. Formation qui peut légitimement se targuer d’être devenue en 2015 le premier parti du Var. Et qui ne cesse, élection après élection, de grignoter leur part de marché. Tout en se développant auprès de catégories sociales qui passent directement de la gauche ou de l’abstention vers le FN, sans jamais se fixer sur le centre ou la droite. Si elle commettait l’erreur de se contenter du soulagement du second tour, sans se souvenir des affres du premier, la droite varoise risquerait de connaître des déceptions d’autant plus douloureuses lors des prochaines échéances.
Le Front National peut se réjouir à juste titre de ses scores historiques, en pourcentages lors du premier tour, en nombre absolu de voix lors du second. Cependant il a de nouveau échoué à transformer l’essai. Il ne dirigera pas plus l’exécutif régional que départemental. C’est d’autant plus dommageable pour lui que l’analyse des résultats par commune montre que la gestion FN est plébiscitée, dès lors qu’elle a été essayée. Fréjus, Cogolin et Le Luc-en-Provence en témoignent. Cette incapacité à rassembler suffisamment au-delà de son propre camp n’est pas particulière au Var, mais elle y est encore plus cruelle au regard de la vague bleu marine du premier tour. Le FN ne pourra pas faire l’économie d’une introspection sans concessions sur de nombreux points : cohérence programmatique, dénonciation du marxisme larvé de beaucoup d’élus soi-disant de droite, propositions intelligibles pour l’éducation et la culture naufragées par le gauchisme métapolitique, crédibilité de certains candidats, démarquage indispensable vis-à-vis de l’Église catholique qui à nouveau n’a pas ménagé ses coups de crosse contre le parti, recentrage sur des thèmes localement très porteurs comme le besoin identitaire et le refus du communautarisme islamique, sans crainte de nommer les adversaires. Cet aggiornamento est incontournable. Au premier tour Toulon avait participé pleinement à l’ampleur de la vague FN dans le département, voir notre Hebdo « Le Var encore plus fort ». Au second tour le Front national est battu d’une courte tête dans le 83. Et c’est Toulon qui fait la différence à nouveau, mais dans l’autre sens cette fois. Matière à réflexion pour savoir chez qui et sur quels thèmes aller chercher les quelques pourcents qui manquent à chaque fois.
Les adieux du cacique socialiste local
C’est le moment qu’a choisi Robert Alfonsi, tête de liste aux municipales à Toulon en 2014, conseiller régional sortant, ancien patron des socialistes dans le Var, pour annoncer sa retraite politique. Ou du moins pour la théâtraliser lors du conseil municipal du 17 décembre, car c’était la chronique d’un événement moult fois évoqué par ses propres soins auparavant. Un peu comme les adieux des Frères Jacques ou des Compagnons de la chanson dans les années 70, et de Johnny Hallyday de nos jours. Suivis de leurs derniers adieux une décennie plus tard. Rien d’un scoop, donc. Ni même d’un événement, tant le PS est devenu une formation politique confidentielle à Toulon durant son capitanat. Son désaccord de fond idéologique et de forme tactique avec sa maison-mère n’avaient rien d’une révélation non plus. Pas plus que son assaut d’amabilités croisées avec Hubert Falco. D’ailleurs ce n’est pas le moindre des paradoxes que de le voir partir en vitupérant contre la dérive libérale-droitière du gouvernement et de la direction nationale du PS, au moment-même où l’alliance UMPS décriée par le FN passe carrément d’officieuse à officielle en Provence. C’était déjà un fait à Toulon et à la Communauté d’Agglomération Toulon Provence Méditerranée, ça va désormais se jouer sans lui alors qu’il en était précurseur. Ingratitude de la vie politique… Alfonsi laissera toutefois des regrets sur la scène politique toulonnaise. Mais, surprise, pas forcément chez ses camarades, plutôt du côté du FN ! Il faut dire qu’il n’y est pas allé par quatre chemins pour déclarer qu’à son avis « les artifices mis en place au second tour ont volé la victoire au Front national. C’est un déni de démocratie ».
De son côté le FN a regretté par la voix de son porte-parole au conseil municipal de Toulon que Robert Alfonsi ne soit plus présent au Conseil régional pour porter son discours. Les alliances objectives ne sont pas toujours celles que l’on imagine spontanément.
Pendant les élections, la vie municipale continue
Côté vie municipale, trois nouvelles de la semaine ont été un peu occultées par les élections régionales, alors qu’elles méritent mention.
Le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de Saint-Tropez a fait l’objet de conclusions fort critiques de la part du rapporteur public devant le tribunal administratif de Toulon. Certes il faut attendre la décision du juge, mais c’est un nuage de plus qui plane au-dessus de la municipalité tropézienne.
Tout-à-fait à l’autre extrémité de la côte varoise, c’est à Bandol qu’une autre partie s’est jouée, à savoir le second tour des élections municipales, suite à la démission collective du conseil. La montagne a accouché d’une souris. Jean-Paul Joseph, maire sortant, a été réélu. Devant Florence Cercio. Christian Palix, ancien maire, ne fait que troisième avec sa liste. Au premier tour Laetitia Quilici, ex-première adjointe soutenue par le député Jean-Sébastien Vialatte, a réalisé un score encore plus médiocre, finissant en quatrième position. À noter aussi qu’au premier tour la tête de liste Front National Muriel Fiol n’a terminé qu’en cinquième position, ne réussissant même pas à réunir les 10 % nécessaires pour se maintenir. Le jour même où, à Bandol, la liste FN Marion Maréchal-Le Pen faisait plus de 40 %. Avec en numéro 4 de cette liste une certaine Muriel Fiol. Allez comprendre.
Nos lecteurs connaissent les facéties et tribulations de Jean-Luc Jousse, le maire de Roquebrune-sur-Argens, voir notre Hebdo « La politique dans le Var, une fatalité judiciaire ? ». L’homme a plus d’un tour dans son sac. Dans l’affaire où il a été condamné pour avoir fait prendre en charge les frais de sa défense par la ville, le rapporteur public au Conseil d’État a retenu le principe de la faute personnelle, détachable de la fonction d’élu. Ce qui ne semble pas émouvoir outre mesure l’intéressé. Celui-ci a fait savoir qu’en vertu de la présomption d’innocence, applicable tant que la juridiction suprême ne s’est pas prononcée, il peut continuer à jouir de la protection fonctionnelle d’élu. Il suffisait d’y penser, il l’a fait. Ce sont donc les contribuables de Roquebrune qui continuent d’avancer ses frais d’avocat. Y compris devant le Conseil d’État, dans l’affaire qui précisément va statuer pour savoir s’il a commis un abus en faisant prendre en charge ses frais d’avocat devant les précédentes juridictions…
Marc FRANÇOIS, Toulon, 20 décembre 2015