L’Hebdo Varois semaine 50–2015
Étrange…
C’est bien l’impression que laisse dans le Var la semaine qui vient de s’écouler entre le premier tour des élections régionales et samedi 12 décembre, veille du second. Atmosphère bizarre où politiquement des reclassements inattendus et des alliances improbables n’étaient pas envisageables, il y a peu de temps encore. Sentiment diffus et indéfini d’attente. Postures frisant parfois le ridicule et paradoxes en tous genres. Mais face à ces comportements a priori déconcertants, il existe vraisemblablement des lectures permettant de décrypter les logiques de certains acteurs.
Une drôle de résistance
Ainsi Christian Estrosi a annoncé entrer en résistance, rien de moins. Juste après avoir appris qu’il avait fait 24 % face aux 40 % de Marion Maréchal-Le Pen. Il est allé jusqu’à pousser encore plus loin la référence gaullienne, en parlant de la nécessité de prendre le maquis. Il a doctement expliqué, entouré des principaux cultureux subventionnés du Var et des départements limitrophes — ses clients au sens romain du terme — combien il était important de voter pour lui. Rassurez-vous, le motodidacte n’a pas convoqué des raisons de haute culture, à l’impossible nul n’est tenu. Il a souligné que lui, quand il distribue généreusement l’argent des contribuables aux établissements subventionnés, il ne demande jamais, surtout pas et il s’en vante, de justifications de bon emploi en retour. Au vu des programmations culturelles et des résultats financiers, on s’en doutait un peu…
Côté histoire de la résistance selon Estrosi, nombre d’observateurs du Var et alentour ont exercé quant à eux leur devoir de mémoire. Ils se sont souvenus que le même Estrosi avait courageusement dénoncé il y quelques semaines la cinquième colonne islamiste chez nous, avec le devoir citoyen d’y résister. Ils se sont rappelés que toujours le même Estrosi avait en 1998 héroïquement appelé à résister au danger de voir la gauche s’emparer de la Région, en souhaitant publiquement à cet effet une alliance avec le Front National.
Le suicide sur commande de la gauche politique …
Il est vrai que ledit Estrosi ne pouvait faire autrement que virer, rapidement, sa cuti au soir du premier tour. Le retrait, cafouilleux et peu glorieux, de la tête de liste socialiste l’obligeait dès lors à soigner sa gauche. Castaner aura réussi l’exploit de passer totalement inaperçu dans le Var au cours de ces élections régionales : inconnu au premier tour, absent au second. On peut toutefois se demander quelles sont les raisons profondes qui ont poussé les socialistes à abandonner sans combattre toute représentation politique à la Région pour toute la mandature à venir. Alors qu’ils la dirigent depuis près de vingt ans. Et qu’ils ne sont pas familiers de l’opposition sans bureaux, sans collaborateurs, sans infos, sans accès aux dossiers et sans reversement au parti d’une part des indemnités des élus. Jusqu’ici c’était l’apanage des petits mouvements ou des parias comme le FN, pas franchement dans la culture ancrée confort bourgeois du PS et de ses alliés.
… au moment où elle a déjà gagné culturellement
Alors une piste d’explication pourrait se faire jour de façon sous-jacente. Nous assistons peut-être à la première phase d’une stratégie de long terme, risquée mais intelligente de leur part. Les socialistes et leur majorité de gauche savent dans quel état ils laissent la Région. À peu près la même déconfiture économique, financière, sociale et morale que la Nation tout entière en 2017. Ils connaissent mieux que quiconque l’impossibilité de redresser la barre pour la nouvelle équipe, sauf au prix de choix drastiques et de mesures douloureuses. Tout ceci ne sera pas populaire. L’image sociale de la gauche en aurait nécessairement pâti si elle était restée aux affaires de la Région Provence. Elle préfère, perdu pour perdu, laisser à d’autres le soin de se dépatouiller du passif qu’elle lègue. Et ainsi s’user, pendant que de son côté elle va se refaire une santé sans avoir même à s’opposer dans l’arène. Où elle aurait risqué de se voir demander des comptes sur l’héritage.
Si cette hypothèse était peu ou prou vérifiée, les socialistes ne prendraient aucun risque au fond : la politique qui serait menée par Les Républicains en cas de victoire d’Estrosi serait forcément teintée à gauche : culturellement leurs goûts et leurs présupposés sont identiques, financièrement la gestion sera contrainte par l’endettement pharamineux laissé par les socialistes et par la baisse des dotations de l’État, politiquement la gauche présentera l’addition pour toucher les dividendes de son désistement. Après tout, la gauche n’est déjà plus représentée au Conseil départemental du Var. Elle peut très bien se satisfaire d’assister pendant six ans à la région à un duel Républicains majoritaires-Front National opposants, ou vice-versa. Et compter les points sans s’exposer, tout en se reconstruisant sur le terrain.
Dans le Var les socialistes en particulier, la gauche en général, sont déjà dans la configuration du troisième tour de cette élection régionale. Que ce soit le Front National ou Les Républicains qui remportent le second, dimanche 13 décembre au soir.
Marc FRANÇOIS, Toulon, 13 décembre 2015