L’Hebdo Varois semaine 52–2015
Un Noël tristement ordinaire
On finit par prendre pour banalité, par lassitude face à la répétition, ce qui en soi est inacceptable. Même lors de Noël, pourtant l’un des moments les plus symboliques de l’année. Qui devrait être synonyme de paix, de convivialité, de respect scrupuleux des règles collectives et des consciences individuelles. Hélas, la réalité des temps et des lieux rattrape et annihile les rêves de saison, autorisés il y a peu encore.
Pas de trêve pour les faits divers locaux consternants
C’est à Toulon qu’un étudiant corse a rompu le premier la paix divine. Il n’a pas franchement respecté, en intention du moins, la trêve des armes traditionnelle à pareille époque. Le jeune homme a cherché à embarquer à bord du ferry vers l’Île de Beauté avec deux fusils-mitrailleurs et un pistolet automatique. Un portique de détection plus tard, il était appréhendé par la Police et mis en garde à vue. On ne sait si, au cours de son interrogatoire, il a évoqué la coutume locale de rentrer au pays avec les présents d’usage pour la famille.
Dans le même registre du matériel de proximité, un locataire distrait a oublié en fin de bail ses affaires personnelles, parmi lesquelles des armes de poing, ainsi qu’un fusil d’assaut M16 et un autre à canon scié de calibre 12. Sans doute pas son équipement pour chasser le gibier de nos forêts varoises. C’est la BAC (Brigade anti-criminalité) de Toulon qui le déterminera par son enquête. Il faut dire que l’appartement, abandonné par ses occupants comme une cache d’armes peut-être éventée par la PJ (Police judiciaire), est situé en ZSP (Zone de sécurité prioritaire) de Sainte-Musse, à la Grande Plaine. Les Toulonnais ne seront guère étonnés. Seul le premier édile de la ville s’était en son temps félicité du classement de cette zone. Pourtant elle ne renforce guère l’attractivité touristique que la capitale varoise revendique souvent par ailleurs, par la même voix de son maire.
À Draguignan une crèche a été renversée, les santons dispersés, des objets volés. L’ordinaire de l’intolérance non réprimée par les autorités, penserait-on de prime abord. La logique de la pensée politiquement correcte dans un département où le maire de Toulon interdit à un forain de poser comme d’habitude sa crèche discrète sous son étal du marché de Noël (voir notre article « Le maire de Toulon relance la guerre de la crèche provençale »). Et ceci, notez-le bien, Place de la liberté, ça ne s’invente pas… Mais dans le sacrilège de la crèche de Draguignan il y a un degré d’abjection supplémentaire. Le vandalisme a eu lieu par effraction, dans un lieu privé, sans l’excuse – ou si vous préférez l’accusation – d’atteinte à la sainte laïcité de l’espace public. Puisque ça s’est passé dans une école tenue par les sœurs de l’institution Saint-Joseph. Qui jusqu’à plus ample informé n’étaient pas connues, ni des services de police comme d’autres, ni pour leurs tendances à la provocation antirépublicaine. Le maire et le préfet n’ont pas fait connaître leur réprobation indignée sur l’heure. Le ministre de l’intérieur, donc des cultes, n’a pas exprimé sa condamnation la plus vigoureuse. Le temps qu’ils lisent le présent numéro de l’Hebdo Varois, vraisemblablement.
Le vivre ensemble ne s’installe pas partout dans la paix et l’harmonie
On appelle souvent le Var la « Corse du nord », en incluant parfois les Bouches du Rhône et les Alpes Maritimes. Il est vrai qu’un nombre élevé d’habitants provençaux sont corses, ou possèdent des origines corses, ou encore entretiennent des relations serrées avec la Corse, par exemple pour y vivre une partie de l’année. Tout cela est renforcé par la parenté de paysages et de culture avec l’île. Dans le cas précis ce serait plutôt la Corse que l’on pourrait qualifier de « Provence du sud ». Le sentiment identitaire, qui disparaît en Provence au point d’y être confiné au confidentiel — pour ne pas dire au clandestin — demeure vivant sur le territoire insulaire. Le réflexe d’auto-défense, citoyen autant que culturel, resurgit comme une nécessité vitale à la première menace sérieuse.
Celle-ci est apparue dans la nuit du 24 au 25 décembre à Ajaccio. Les pompiers, appelés pour un feu dans le quartier de l’Empereur, sont tombés dans un guet-apens et se sont fait violemment agresser, comme c’est souvent le cas dans les banlieues du continent. Sauf que chez les Corses, ça ne passe pas. Dès le lendemain, plusieurs centaines de personnes se rassemblaient en signe de protestation contre cette exaction ignoble. Contrairement à ce qui se passe en France continentale, ils n’ont pas décidé d’éviter par pusillanimité la zone d’où sont sans doute sortis les voyous. Ils s’y sont même carrément dirigés, exigeant que les auteurs de ces lâches agissements leur soient dénoncés, aux cris de « Arabi fora ! » et avec comme slogan « On est chez nous ». Les forces de l’ordre qui encadraient la manifestation n’ont pas tenté de les dissuader. Pas plus qu’elles n’ont pu empêcher une partie des manifestants de visiter une salle prière et de brûler quelques pages du coran.
La classe politico-médiatique met de l’huile sur le feu par son parti-pris
La maladie de la dhimmitude est tellement métastasée dans le monde politico-médiatique que l’histoire racontée par le préfet ou le ministre de l’intérieur, Var-matin ou Le Monde – aucun ne s’étant trouvé sur place au moment des faits – est devenue : « Une salle de prière musulmane saccagée par des manifestants à Ajaccio » ou « Des manifestants saccagent une salle de prière musulmane et tentent de brûler des Corans à Ajaccio », en mentionnant à peine l’agression de la veille sur les pompiers. Le préfet, le ministre de l’intérieur et le premier ministre se sont distingués dans la surenchère en termes de communication sélective, réservant leurs foudres les plus sévères pour les Corses. Les représentants de l’État, donc normalement de l’ordre public et de la justice, ont osé faire qualifier par les médias l’attaque contre les soldats du feu du mot « échauffourées ». Comme s’il n’y avait pas, d’un côté les racailles qui ont pris l’initiative de l’embuscade honteuse et de l’autre des hommes et des femmes en mission de service public qui à l’évidence n’étaient pas venus sur appel téléphonique d’urgence pour rechercher un affrontement…
Les Corses apprécieront et se souviendront, on peut leur faire confiance. D’ailleurs ils l’ont déjà prouvé lors des élections régionales des 6 et 13 décembre. Les plus décidés d’entre eux ont déjà fait savoir qu’ils ne laisseraient pas s’instaurer sur leur territoire une situation comme « en France ». Ils sont soutenus par l’immense majorité de la population autochtone. Celle-ci s’était indignée l’an dernier quand deux jeunes filles avaient été agressées à la sortie d’une boîte de nuit, parce qu’elles avaient refusé les avances de « jeunes ». Sans débordements à l’époque. Ce fut une vive réaction, notamment sur les réseaux sociaux et les blogs d’info libres, mais sans violences. C’était le joker des allogènes, grillé désormais. Si la population qui manifestait le 25 décembre son indignation s’est dirigée sans hésiter vers le quartier sensible habité par les populations suspectées de l’agression, c’est que contrairement aux Français du continent les Corses ont voulu envoyer le double message qui leur est propre : ils ne laisseront pas intimider d’une part, c’est aux nouveaux arrivés de s’adapter d’autre part. Jusqu’à présent, ceux qui n’ont pas entendu ni compris n’ont pas vécu heureux longtemps sur l’île.
Marc FRANÇOIS, Toulon, 26 décembre 2015