L’Hebdo Varois 02–2016
Adieu Michel. À Dieu Michel
Parmi les disparitions de personnalités cette semaine, deux nous touchent un peu plus dans le Var. Michel Galabru restera « mon adjudant » de la gendarmerie de Saint-Tropez. Michel Delpech s’était ressourcé, en particulier au sens spirituel du terme, au Revest. Cependant la vie politique, qui intéresse tant notre rubrique hebdomadaire, s’est poursuivie. La vie toulonnaise, sportive notamment, aussi.
Michel Galabru, l’homme tout acteur
Certes il n’est pas né et n’a pas passé sa tendre enfance en Provence, mais encore plus au sud. Au Maroc, où son père participait à la construction du port de Safi. Arrivée en métropole, la famille s’installe en pays méditerranéen, dans l’Hérault. Horizon vite trop étroit pour celui qui ne rêve que de suivre les pas de ses deux idoles : Tino Rossi et Sacha Guitry. Déjà un goût sûr dans le choix des maîtres. Il se coiffe comme Tino. Il se fait renvoyer de toutes les écoles, comme Sacha.
Dès qu’il monte à Paris pour préparer le Conservatoire, il s’engage à fond dans ce qu’il sait être sa voie. D’ailleurs il en sort avec un premier prix et se trouve engagé illico à la Comédie française en 1950. Ce sont d’abord les grands rôles du classique et du moderne. Puis il touche très vite au cinéma. Il partagera sa vie artistique entre ces deux passions. Plus de deux-cents films, parmi lesquels Le juge et l’assassin, pour lequel il recevra le César du meilleur acteur en 1977. Mais aussi Le viager, Papy fait de la résistance, Uranus. Parallèlement, il revient régulièrement au théâtre, où il interprète avec maîtrise et bonheur le rôle tenu précédemment au cinéma par le toulonnais Raimu dans La femme du boulanger.
Mais celui qui nous vient immédiatement en mémoire ici, lorsque l’on pense à lui, c’est bien évidemment l’adjudant de la gendarmerie de Saint-Tropez. On a trop présenté l’immense Louis de Funès comme l’artisan unique du succès du film Le gendarme de Saint-Tropez. C’est vrai qu’il tient le rôle titre. Il est exact aussi que c’est lui qui portera avec son talent les suites qui en avaient souvent besoin car plus faibles au niveau du scénario. Il n’en reste pas moins que Galabru, on le redécouvre avec le recul d’une cinquantaine d’années, tient magnifiquement sa partition et ne se laisse pas éteindre, voire parfois domine Cruchot – pas seulement par son grade supérieur – dans les scènes communes. Grâce à son jeu, à la fois massif et fin, synthèse a priori contradictoire qu’il a su composer avec présence et délicatesse.
Une éloquence unique, sorte d’articulation prononcée comme Michel Serrault avec des accents sudistes à la Jean-Pierre Darras, lui servait de signature vocale. Un talent populaire, qui a magnifié le Var et Pagnol. Qui respectait la tradition, avec une nostalgie humaniste. Adieu l’artiste.
Michel Delpech, le chanteur qui cachait l’homme
Nostalgie, c’est aussi la teinture globale que nous laisse l’œuvre de l’autre disparu de la semaine lié au Var. Car, on le sait peu, Michel Delpech a beaucoup réfléchi, au sens métaphysique et religieux, à un moment-clé de son existence, au Revest. Le Revest-les Eaux, seule commune située au nord à proximité immédiate de Toulon, est une perle au milieu d’un écrin : nichée en hauteur, à côté de la retenue d’eau de Dardennes qui alimente Toulon, elle est entourée des montagnes qui rendent la rade célèbre et majestueuse. C’est là qu’au début des années 80 Michel Delpech a retrouvé et approfondi sa foi chrétienne. Au contact d’un évêque orthodoxe, qui d’ailleurs concélèbrera sa messe d’enterrement selon le rite copte à Saint-Sulpice, le chanteur à succès des années 60 et 70 renoue avec le catholicisme. Sans tambours ni trompettes, en vérité et humilité, comme il s’en ouvrira pudiquement lors d’une longue interview sur la chaîne de télévision KTO il y a quelques années. Un court voyage à Jérusalem, appelé pompeusement pèlerinage par les médias, en compagnie de sa nouvelle épouse, a marqué définitivement sa « re-conversion ».
A l’époque il avait besoin de purger une vie antérieure émaillée de succès commerciaux considérables – Laurette, Wight is Wight, Pour un flirt, Les divorcés, Quand j’étais chanteur, entre autres – ainsi que d’excès de substances au-delà de l’alcool et du tabac, ponctuée par un divorce beaucoup moins heureux que dans la chanson. Et ce n’est pas dans Le Loir-et-Cher des origines de sa famille que Le chasseur s’était réfugié. Mais dans le Var. De toute façon, son véritable enracinement se trouvait moins en province que dans une histoire rappelant Céline ou Arletty : naissance à Courbevoie, mort à Puteaux.
Nostalgie, popularité, capacité à sentir et restituer l’essence du temps à leurs contemporains, autant de points communs avec l’autre Michel qui nous a quittés concomitamment.
La vie, notamment politique, continue
Au palais du Luxembourg un sénateur a tenu à rendre hommage au douanier mort dans l’exercice de ses fonctions à Toulon, le 23 novembre dernier. Mais ce n’était pas un parlementaire du Var. Il s’agit de Christophe Béchu, sénateur Les Républicains du Maine-et-Loire. Les parlementaires du Var ont préféré, du moins trois d’entre eux, s’engager pour demander la grâce d’une femme condamnée dans le Loiret à dix ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son mari violent. Ce sont les députés Geneviève Lévy, Jean-Michel Couve et Philippe Vitel. Chacun ses priorités, de proximité comme d’importance.
Paul Mourier a été nommé DGS (Directeur général des services) de la région Provence-Alpes-Côte‑d’Azur par le président fraîchement élu Christian Estrosi. Donnera-t-il le bon exemple par son comportement gestionnaire ? C’est souhaitable, même si certains se souviennent de sa période varoise comme quelqu’un s’affranchissant volontiers des règles. Quand il était préfet du Var entre 2010 et 2012, il avait alimenté la chronique en circulant systématiquement sans casque sur son deux-roues à Porquerolles.
Au chapitre du respect des traditions, il faut louer le travail de cette famille tropézienne qui actualise et augmente chaque année le nombre des santons dans la crèche géante familiale. A rapprocher de l’initiative des gérants du Petit Casino de la rue Lamalgue à Toulon qui, disposant de moins de place, ont eux aussi installé une crèche privée, à l’entrée de leur magasin pourtant exigu. Pour le plus grand bonheur de tous, en particulier des enfants. Les habitants du Mourillon pouvaient ainsi se dispenser d’aller place de la liberté (voir notre article du 25 novembre dernier Hubert Falco, maire de Toulon, relance la guerre de la crèche provençale).
Toulon engrange les victoires
Toujours à Toulon, nous pourrons en septembre prochain admirer, une nouvelle fois après la brillante escale de la Tall Ships Regatta en 2013, de magnifiques bateaux. La ville a en effet obtenu, de haute lutte face à Marseille, une étape de l’America’s Cup World Series. Nouvelle victoire sur le plan d’eau pour Hubert Falco, sénateur-maire et président de l’agglomération Toulon-Provence-Méditerranée.
Autre succès pour Toulon ce dimanche après-midi, à Mayol, dans la douleur et grâce à un peu de réalisme et surtout de réussite. Le RCT a gagné 12 à 9 face à Bath, alors qu’il a été dominé pendant plus d’une heure dans beaucoup de compartiments du jeu, souvent fondamentaux : la conquête, la possession, la touche et la mêlée fermée. Les joueurs, à l’instar de leur capitaine exemplaire Fernando Lobbe, ont fait preuve de courage et d’abnégation, à défaut de régaler Mayol et de rassurer. Ce faisant, les tenants de la coupe d’Europe, triples champions consécutifs, restent en lice pour les quarts de finale et donc pour défendre leur trophée. Sous réserve de vaincre les Wasps la semaine prochaine, car les Toulonnais ont déjà joué leur joker en perdant lors de leur première sortie européenne. Mais, comme le disait juste après le coup de sifflet final le capitaine argentin du RCT, avec un flegme tout britannique, « on aime bien la coupe d’Europe ». Nous aussi, surtout quand elle reste sur les bords de la rade. Nous y sommes habitués, c’est sa place. Et celle du bouclier de Brennus, comme lors du doublé historique d’il y a deux ans. On avait trouvé le moyen de loger les deux pendant une année. On recommencerait bien…
Marc FRANÇOIS, Toulon, 10 janvier 2016