L’Hebdo Varois 03–2016
La gauche varoise relève la tête
Nous avons été les premiers, à l’Hebdo varois, à le pressentir. C’est la chronique d’un renouvellement, forcé par la déconfiture électorale des années 2014 et 2015. D’un rajeunissement aussi des cadres de la gauche dans le Var. C’est une autre génération qui va porter, dans chaque composante de cette famille politique, le mouvement. Bien décidée à bousculer les idées et les pratiques qui ont conduit à l’échec. Ainsi que les hommes qui les ont incarnées. Pendant ce temps, la droite aurait tort de penser qu’elle a le temps devant elle. Entre une gauche qui va avoir tout loisir pour se reconstruire et un Front national n’en finissant pas de progresser au point de la devancer presque partout, ses récentes victoires électorales aux municipales, aux départementales et aux régionales ne constituent pas une assurance tous risques.
Une gauche libérée des responsabilités par ses échecs dans les urnes
C’est un fait que la carte de notre département n’était déjà plus très rose, encore moins rouge, lors des précédentes mandatures. Il est loin le temps des baronnies socialistes. Finie l’époque où le Var pouvait revendiquer l’appellation de midi rose, en écho au midi rouge que constituait le sud-ouest de la France. Mais une fois passées les rafales de 2014 et 2015, force est de constater que la gauche ne tient plus grand-chose en termes d’exécutif. Peu de communes, aucune vraiment significative en taille, mis à part La Seyne-sur-Mer. Et encore si la gauche a pu, grâce à Marc Vuillemot, y entamer un deuxième mandat consécutif, ceci ne masque pas le fond sociologique de la commune, qui demeure à l’unisson droitier du département. Le maire sortant n’a pu confirmer son siège en 2014 que grâce à trois facteurs exogènes à la gauche : le malheureux parachutage de Philippe Vitel, une division à droite en une multiplicité de listes jamais vue, le score impressionnant de Damien Guttierez pour le FN. Lequel a d’ailleurs gagné l’un des deux cantons de La Seyne l’année suivante. Pour le reste, c’est le désert à gauche. Zéro pointé aux départementales. Idem aux régionales. La gauche locale, PS en tête, mais aussi ses alliés comme les radicaux, ne porte presque plus aucune responsabilité de gestion.
C’est une position plus facile lorsque l’on est dans l’opposition. On court moins le risque quand on critique par principe, par exemple comme conseiller municipal socialiste minoritaire, de se prendre en pleine figure des comparaisons avec des villes voisines tenues par des camarades. Et pour cause, il faut souvent aller les chercher loin. De même pour le travail politique au fond, à la fois celui du militantisme de terrain et celui de rénovation des idées, la jeune garde montante disposera de plus de temps. Elle sera également moins bridée par les notables locaux des partis de gauche, naturellement enclins à devenir plus conservateurs et à passer des compromis.
Des cadres locaux sortants dépassés, coincés par la politique du gouvernement
C’est un paradoxe difficile à vivre et impossible à tenir pour la génération des politiciens de gauche en place dans le Var depuis trop longtemps. D’un côté ils appartiennent à des formations qui gouvernent encore la France pour encore au moins un an et demi. Et qui ont bien résisté, mieux encore aux régionales qu’aux départementales, aux vagues bleu marine et bleu ciel. De l’autre côté, ils se sont effondrés dans le Var, en voix comme en sièges. Ils apparaissent donc forcément comme le maillon faible. Même s’ils ne portent pas la responsabilité totale de la déroute. On pense à ce sujet au retrait forcé, avec brutalité et sans discussion, de Castaner. Beaucoup de cadres politiques de gauche ont compris sur la minute, le 13 décembre au soir, qu’ouvrir chez nous un boulevard à un Estrosi mal parti, constituait ici une erreur et une menace. Une erreur politique, car le maire de Nice, leur bête noire depuis toujours, pouvait être mis à terre sans que leur honneur d’élu de gauche ne souffre la moindre attaque. Il suffisait de laisser le verdict démocratique faire son affaire du second tour. Menace pour eux, parce que disparaissant de la scène régionale après avoir été éliminés des tréteaux départementaux, ils savaient bien que dès lors ils n’auraient plus d’estrade pour longtemps. Certains avaient anticipé, par prémonition de la catastrophe, ou par lassitude, ou encore par l’inconfort que provoquait leur écartèlement entre leurs convictions propres et la politique de l’actuel gouvernement. Robert Alfonsi à Toulon avait d’ailleurs déjà décidé de jeter l’éponge fin 2015. Il ne l’a vraisemblablement pas regretté au vu des événements de décembre.
Les plus jeunes ne laisseront pas passer l’opportunité
C’est dans ce climat de déroute locale et d’impression de gâchis que certains ont décidé, sans attendre, de passer à l’offensive. Ils seront accompagnés, voire soutenus, par les nombreux cadres socialistes, radicaux, écologistes, qui garderont longtemps en travers de la gorge le diktat transmis par Cambadélis le 13 décembre au soir. C’est ainsi que, dès les tout premiers jours de janvier, trois jeunes appartenant au PS et au MRC ont annoncé, avec médiatisation à la clé, le lancement d’un nouveau mouvement. Avec un certain sens de l’humour et beaucoup de réalisme, ils l’ont baptisé « Debout la gauche ». Il paraît qu’ils auraient ainsi repris une expression, lâchée lors d’un meeting électoral chez nous à La Seyne, par Stéphane Le Foll. C’est possible. Ce qui est certain en revanche, c’est que cette dénomination n’est pas du tout du goût de Nicolas Dupont-Aignan, l’inventeur du « Debout la France », marque déposée. Au point que le maire de Yerres – pas de Hyères bien sûr – serait dit-on en train de faire étudier comment juridiquement il pourrait s’opposer à ce qu’il considère comme un détournement et un plagiat. En tout cas l’audace de Christophe Pierrel, Cécile Muschotti et Ladislas Polski témoigne de la vitalité de leur démarche.
Ces jeunes gens veulent tourner la page et reconstruire. Ils semblent s’en donner les moyens, du moins par la dynamique qu’ils créent sans relâche. À preuve une première réunion publique dès la mi-janvier. Si elle a été organisée à La Seyne, ce n’est sûrement pas une triviale disponibilité de salle ou un simple hasard de calendrier. Vous savez, La Seyne-sur-mer, la deuxième ville du Var, l’une des rares cités de gauche dans la région. Dont le maire est un certain Marc Vuillemot. Qui faisait partie de ceux qui n’ont pas gardé leur langue dans leur poche dimanche 13 décembre au soir. Ni les jours suivants.
Pour autant, la route sera longue et pas toujours dégagée pour la remontée de la gauche dans le Var. Pas plus pour la nouvelle jeune garde rose. Endoloris par le terrible coup reçu en 2015, au milieu de camarades toujours sous le choc, certes ils relèvent la tête. Et regardent devant. Mais ils ont encore les deux genoux à terre. Nous aurons sur Var-Provence l’occasion de revenir sur les causes profondes des difficultés qui les attendent.
Toulon continue !
Nous terminions notre chronique dimanche dernier au soir, exactement au même moment, par un détour au stade Mayol. Revenons‑y, ceci vaut la peine. Car le rugby, qui dérive trop du jeu complet qu’il fut vers le sport total qu’il devient, ne constitue pas non plus une science. Encore moins une science exacte. Heureusement, d’ailleurs. Voici une rencontre qui se termine avec bonheur – et un peu de chance – par une nouvelle victoire : 15 à 11 face à la légendaire équipe des Wasps. Score guère plus large que le 12 à 9 contre Bath dimanche dernier. Mais avec une physionomie de rencontre exactement opposée. Nous avions regretté face à Bath d’avoir été dominés dans la conquête, le combat et l’envie. Y compris en phases statiques, comme la mêlée fermée et la touche. Tout l’inverse aujourd’hui. Un pack qui a pris l’ascendant en première mi-temps et a carrément concassé son vis-à-vis en seconde période. Des touches propres. Et surtout beaucoup de jeu envoyé. Très peu de coups de pied qui rendent la plupart du temps la balle à l’adversaire. Une niaque dans les contacts, en défense notamment où les rouge et noir se sont montrés exemplaires, qui a permis de compenser des tirs au but défaillants (une transformation, un drop et deux pénalités, ratés, qui auraient pu coûter très cher). Malgré tout, ce sont bien les Wasps qui ont failli commettre le hold-up parfait. Un essai à la sirène, c’est le reflet d’une volonté collective, l’esprit même du rugby. L’envie de continuer de vivre ensemble une aventure de plus. Ils auraient pu mourir ce soir, à très peu près. C’était un match couperet. Plus qu’une victoire désormais pour avoir le droit de défendre la coupe d’Europe en quart de finale.
Marc FRANÇOIS, Toulon, 17 janvier 2016