L’Hebdo Varois 05–2016

Le maire de Toulon, séna­teur du Var, a incon­tes­ta­ble­ment mis à pro­fit l’année 2015 pour asseoir sa pré­émi­nence poli­tique. À Toulon, dans l’agglomération Toulon-Provence-Méditerranée et dans tout le dépar­te­ment du Var. Mais aus­si en déve­lop­pant son influence régio­nale en PACA, ain­si que sa dimen­sion natio­nale. Au point que les dif­fi­cul­tés per­son­nelles ou les demi-revers élec­to­raux de pre­mier tour de ses troupes n’ont pas eu de prise sur lui. Il a même su les gérer posi­ti­ve­ment, tant en termes d’image média­tique que de ren­for­ce­ment poli­tique. C’est clair, Hubert Falco fait plus que jamais la course en tête. Tant par­mi les membres et alliés de sa famille poli­tique, que face à des adver­saires ne sachant com­ment rivaliser.

C’était pourtant l’année de tous les dangers

L’année 2015 annon­çait cepen­dant une série de défis pour Hubert Falco. Certes il avait brillam­ment domi­né tous ses adver­saires aux élec­tions muni­ci­pales de 2014. Reconduit dès le pre­mier tour, frô­lant les 60 % de suf­frages expri­més, le maire sor­tant pou­vait consi­dé­rer ce scru­tin comme un plé­bis­cite per­son­nel. Un score infé­rieur aux muni­ci­pales pré­cé­dentes, mais dont beau­coup de barons de la droite se seraient conten­tés dans des villes d’importance com­pa­rable. Il faut se sou­ve­nir aus­si que le Front National com­men­çait déjà à sérieu­se­ment rele­ver la tête, fran­chis­sant la barre des 20 % dans la capi­tale du Var. Un résul­tat lui per­met­tant de tri­pler son score de l’échéance muni­ci­pale de 2008, ain­si que son nombre d’élus. La gauche étant sor­tie lami­née du scru­tin muni­ci­pal de mars 2014, le FN deve­nait ain­si la pre­mière force d’opposition à Toulon, mais pas assez pour inquié­ter Hubert Falco. Encore moins pour l’empêcher de dérou­ler son pro­gramme au cours de la mandature.

Or c’est bien le FN qui repré­sen­tait pour lui la prin­ci­pale menace en 2015. En effet les résul­tats élec­to­raux de 2014 ne devaient pas être appré­ciés à la seule aune de Toulon. Hubert Falco le savait bien, l’agglomération de Toulon consti­tue, pour de mul­tiples rai­sons, l’un des points faibles du Front natio­nal dans le Var. Falco avait par­fai­te­ment com­pris le mes­sage des élec­teurs et pris l’ampleur de la vague bleu marine. Il avait encais­sé le coup avec la chute de Fréjus, tou­te­fois un peu pré­vi­sible. Moins évident en revanche était le bas­cu­le­ment de Cogolin et du Luc-en-Provence. Mais sur­tout le séna­teur-maire de Toulon avait pris la mesure, avec luci­di­té et humi­li­té, de la pro­gres­sion consi­dé­rable du vote FN dans des contrées où jusqu’ici le par­ti natio­nal était demeu­ré confi­den­tiel. En par­ti­cu­lier dans le Centre-Var qu’il connaît bien et qui reste cher à son cœur. Il avait rap­pe­lé à ses amis que lui seul les avait aver­tis, depuis plu­sieurs mois, de cette mon­tée du FN. Il l’avait res­sen­tie et pres­sen­tie, en pre­nant le pouls des élec­teurs et des élus sur le ter­rain, qu’il n’a jamais délais­sé. Il ne s’est pas pri­vé de leur redire par voie de presse en mars 2014.

C’est un fait qu’à la veille des élec­tions dépar­te­men­tales du prin­temps 2015 beau­coup d’observateurs, au niveau local mais aus­si natio­nal, pen­saient que le Front natio­nal allait sérieu­se­ment mena­cer la majo­ri­té sor­tante. Certains voyaient même le Var comme le pre­mier dépar­te­ment sus­cep­tible de bas­cu­ler avec une majo­ri­té abso­lue FN. Hubert Falco a du s’employer à battre le rap­pel des troupes et des élec­teurs pour évi­ter un revers très pos­sible. On se sou­vient de sa tirade média­ti­sée pour indi­quer à tous que la majo­ri­té sor­tante n’avait pas tant et si bien tra­vaillé, pour remettre les clefs au Front natio­nal. L’avertissement a fonc­tion­né. Malgré des scores impres­sion­nants, presque par­tout plus de 40 %, dépas­sant sou­vent les 45, frô­lant les 50, le FN n’a ter­mi­né au soir du second tour qu’avec trois can­tons dans son escar­celle. Contre vingt à la majo­ri­té dépar­te­men­tale. Zéro pour la gauche. Victoire en sous-main pour Hubert Falco, qui place ses hommes au Conseil dépar­te­men­tal. Ce qui lui rap­pelle de bons sou­ve­nirs, à lui qui a pré­si­dé en son temps le Conseil général.

Même les élec­tions régio­nales, pour­tant si ris­quées pour Les Républicains et leurs alliés, ont assis la réus­site de la stra­té­gie Falco. Il est plus que pro­bable que le revi­re­ment de posi­tion­ne­ment vers la gauche de Christian Estrosi, entre les deux tours de décembre 2015, a été du goût du maire de Toulon. D’ailleurs le Var, qui s’était don­né de façon mas­sive à Marion Maréchal Le Pen au pre­mier tour (voir http://www.nice-provence.info/2015/12/fn-var-encore-plus-fort/), a sym­bo­li­que­ment don­né une très courte majo­ri­té à Christian Estrosi au second. Et c’est Toulon qui a arith­mé­ti­que­ment empor­té le résul­tat, du fait de sa démo­gra­phie domi­nante dans le dépar­te­ment, dans les deux sens, pre­mier comme second tour. Hubert Falco n’a cer­tai­ne­ment pas man­qué d’y voir l’effet de son équa­tion personnelle.

L’année 2014 avait fini dans la difficulté pour son camp

Phénoménal résul­tat, sur­tout si l’on se sou­vient des élec­tions séna­to­riales de 2014. L’élection du jeune et tout nou­veau maire Front natio­nal de Fréjus, plus jeune séna­teur de France, a repré­sen­té un énorme camou­flet pour Les répu­bli­cains et leurs alliés. Ils n’imaginaient pas que les grands élec­teurs du Var trans­gres­se­raient le com­por­te­ment de notables dis­ci­pli­nés qui leur avait été assi­gné. Ils n’avaient sans doute pas appré­cié la grogne des élus de ter­roir face à un sen­ti­ment de délais­se­ment englo­bant aus­si bien la poli­tique de Sarkozy que celle de Hollande. Ils avaient vrai­sem­bla­ble­ment mépri­sé la sta­ture et le tra­vail de David Rachline. Falco n’hésitait pas à cla­mer avant l’élection que la logique démo­cra­tique vou­drait qu’il y ait dans le Var trois séna­teurs LR (Les Républicains) et un socia­liste. Il vou­lait plu­tôt dire qu’à défaut de « logique démo­cra­tique » c’était son ana­lyse du rap­port de force élec­to­ral. Le résul­tat fut deux LR, un FN et un socia­liste. Désaveu et perte de consi­dé­ra­tion pour Hubert Falco ? Pas du tout, il en pro­fi­té pour dire que cette décon­ve­nue venait au contraire ren­for­cer son mes­sage sur la dan­ge­ro­si­té du FN. Accessoirement on peut ima­gi­ner que la perte du siège qui était pro­mis à un édile de l’est du dépar­te­ment, concur­rent au sein de la même for­ma­tion poli­tique que lui, ne l’a pas pro­fon­dé­ment affec­té. On n’ira pas jusqu’à sup­pu­ter que l’élection comme séna­teur du maire de Fréjus, plu­tôt que celui de Saint-Raphaël, l’a arran­gé. Mais ça ne l’a pas for­cé­ment chagriné.

Réaffirmation et organisation de son leadership

Pendant que dans son camp les uns et les autres bataillaient sur le ter­rain élec­to­ral, Hubert Falco a habi­le­ment occu­pé le devant de la scène média­tique et poli­tique, en les sou­te­nant osten­si­ble­ment. Mais sans enjeu direct sur ses propres man­dats, il a eu les mains libres pour se consa­crer aux deux tâches prio­ri­taires dans sa tac­tique : la reprise en main de l’appareil poli­tique local de son par­ti d’une part, l’application à Toulon et TPM de son pro­gramme avec force média­ti­sa­tion d’autre part.

Il s’agissait en effet pour lui de remettre loca­le­ment de l’ordre dans sa propre for­ma­tion et de conso­li­der son lea­der­ship, y com­pris vis-à-vis des for­ma­tions alliées. C’est chose faite avec la prise de la pré­si­dence des Républicains du Var. Gorges Ginesta, dépu­té-maire de Saint-Raphaël hors course, Hubert Falco est le seul pré­ten­dant cré­dible en lice. Oublié le pas­sage de l’ombrageux dépu­té-maire de Six-Fours Vialatte au secré­ta­riat dépar­te­men­tal. Où sa per­son­na­li­té et ses prises de posi­tion impé­tueuses n’avaient pas fait l’unanimité. Vitel affai­bli de fait par sa mal­heu­reuse équi­pée aux muni­ci­pales à La Seyne, Giraud casé à la pré­si­dence du dépar­te­ment, Lévy neu­tra­li­sée en posi­tion de pre­mière adjointe à Toulon, Chenevard atten­dant sage­ment son heure s’il est dési­gné un jour comme dau­phin pour Toulon, Falco s’est impo­sé comme le can­di­dat natu­rel. Il se consi­dère d’ailleurs comme le plus légi­time dans son camp, pour avoir le pre­mier déce­lé la mon­tée du Front natio­nal et la néces­si­té de faire de la poli­tique autre­ment. Mais aus­si pour connaître mieux que qui­conque le dépar­te­ment et sa diver­si­té. Il est exact que, de son bord poli­tique, peu de res­pon­sables peuvent mettre en valeur autant d’arguments concrets.

Hubert Falco ren­force éga­le­ment son posi­tion­ne­ment seul en tête à droite dans le Var, du fait qu’il est le seul varois membre du comi­té natio­nal LR. Ajoutez à ceci son aura d’ancien ministre. Laquelle n’est pas pure­ment hono­ri­fique. Cette expé­rience gou­ver­ne­men­tale lui a appor­té la connais­sance des dos­siers, la façon de faire che­mi­ner un pro­jet par­mi les arcanes poli­ti­co-admi­nis­tra­tives de la capi­tale, un car­net d’adresses à dimen­sion natio­nale, ain­si qu’une expo­si­tion média­tique per­son­nelle. Le séna­teur-maire-de-Toulon-ancien-ministre, sa signa­ture pré­fé­rée, ne manque pas une oppor­tu­ni­té de le rap­pe­ler. Par exemple à l’occasion de l’inauguration de Seatycampus Méditerranée le 28 jan­vier 2016 à Ollioules, devant un par­terre impres­sion­nant et choi­si de per­son­na­li­tés des affaires et de la poli­tique. Maillon impor­tant de l’ambitieuse poli­tique de déve­lop­pe­ment éco­no­mique de Toulon-Provence-Méditerranée – agglo­mé­ra­tion pré­si­dée par Hubert Falco – ce centre d’affaires se veut un pôle de com­pé­ti­ti­vi­té à voca­tion mon­diale. Il accueille déjà DCNS qui se trou­vait à l’étroit à l’arsenal du Mourillon à Toulon. C’est l’une des pièces majeures de la poli­tique Falco pour la man­da­ture 2014–2020, au même titre que le pro­jet Chalucet au centre de Toulon par exemple. Et une vitrine de plus pour ren­for­cer son leadership.

Hubert Falco a tel­le­ment réus­si à per­son­ni­fier son action poli­tique que c’est lui qui dicte son tem­po et ses condi­tions aux autres. Illustration par­lante : la future métro­pole. Toulon va être concer­née par cette évo­lu­tion admi­nis­tra­tive. Le maire de Toulon, pré­sident de TPM, peut aujourd’hui se per­mettre de choi­sir à com­bien de com­munes Toulon métro­pole se consti­tue­ra. Et pour cause, l’agglo TPM en réunis­sant désor­mais douze, ce sont les com­munes limi­trophes qui main­te­nant frappent à la porte. Il peut trier, avec la délec­ta­tion qu’apporte le goût de la revanche, les­quelles il vou­dra et quand il le déci­de­ra. Il est bien révo­lu le temps où les muni­ci­pa­li­tés adhé­raient fri­leu­se­ment, voire même cla­maient haut et fort leur hos­ti­li­té au grand Toulon en devenir.

La baraka ?

Parallèlement, Le stade Mayol va être agran­di, pour aug­men­ter sa capa­ci­té et relif­ter son esthé­tique un peu désuète en plein centre de la ville. Le RCT s’impose comme le club de rug­by de réfé­rence euro­péen, avec des retom­bées d’image mon­diales pour la ville. Trois titres de cham­pion d’Europe d’affilée, du jamais fait aupa­ra­vant, avec au pas­sage un bou­clier de Brennus qui a refait un tour de rade après vingt ans de disette. Le club encore en course en ce début février 2016, tant pour l’Europe – avec un peu de chance lors des trois der­niers matches de poule en jan­vier – que pour le cham­pion­nat de France. Situation que l’on aurait pas osé rêver à la fin de l’automne 2015. Même les décla­ra­tions à l’emporte-pièce du fan­tasque et pro­vo­ca­teur pré­sident Boudjellal n’éclaboussent pas Falco.

Le label « scène natio­nale » obte­nu par Chateauvallon et le Théâtre Liberté vient s’ajouter à un autre label « french tech » qui a consa­cré l’ambition de la ville de Toulon en matière numé­rique ain­si que celle du réseau très haut débit déployé sur le ter­ri­toire de TPM.

Une étape qua­li­fi­ca­tive de l’America’s cup à Toulon en sep­tembre 2016. Une pos­sible escale de L’Hermione en 2018, les annonces de ces der­niers jours ont été riches aus­si pour rap­pe­ler la voca­tion mari­time de Toulon, par ailleurs pre­mier port de guerre euro­péen. Alors sûre­ment beau­coup de tra­vail der­rière ces résul­tats, mais vrai­sem­bla­ble­ment un peu de chance aussi.

Cette chance qui fait éga­le­ment que le vide concur­ren­tiel, que Falco a par­fai­te­ment orches­tré dans sa famille poli­tique, se retrouve pour l’instant chez ses adver­saires. La gauche tou­lon­naise est divi­sée, lami­née, anni­hi­lée. Certes elle relève la tête, mais la cure de réta­blis­se­ment sera longue et dif­fi­cile, dans le Var en géné­ral et à Toulon en par­ti­cu­lier (voir http://www.nice-provence.info/2016/01/la-gauche-varoise-releve-la-tete/). Apparemment le Front natio­nal n’a pas fait de Toulon une cible prio­ri­taire. Peut-être ima­gine-t-il une stra­té­gie d’encerclement pro­gres­sif, mais alors c’est tel­le­ment du long terme que c’est peu lisible. De toute façon les zones de force du FN sont plus à l’est et au centre du dépar­te­ment, c’est là où il pos­sède sans doute le plus de poten­tiel élec­to­ral à court terme pour fran­chir la barre de la majo­ri­té absolue.

Le spectre du parrain

En ce début 2016, Hubert Falco doit cer­tai­ne­ment savou­rer le para­doxe de la situa­tion. Lui qu’il était cou­rant d’affubler du sobri­quet de « bac moins 7 », lui le fils de la modeste épi­ce­rie de Pignans comme il aime à le rap­pe­ler, lui que l’on disait dépas­sé dans le Var y com­pris dans son propre camp, lui que la rumeur disait avec insis­tance très malade à la veille de chaque consul­ta­tion élec­to­rale, lui le poli­tique fini en quelque sorte, n’a jamais été autant en posi­tion de force sur son ter­ri­toire que maintenant.

Il est vrai­ment le patron du Var. Il lui res­te­ra à évi­ter le syn­drome de « par­rain du Var », qui a cau­sé la perte de Maurice Arreckx en son temps. Hubert Falco a réus­si jusqu’à pré­sent à faire oublier qu’il sort de la même écu­rie poli­tique que les Arrekcx ou Trucy, dont les agis­se­ments avaient pour part favo­ri­sé l’avènement de Jean-Marie Le Chevallier et du Front natio­nal. Gageons qu’il a rete­nu la leçon de ces années peu glorieuses.

Marc FRANÇOIS, Toulon, 31 jan­vier 2016