« Classe inver­sée », de quoi s’agit-il ? D’après le site dédié épo­nyme, « il s’agit davan­tage d’une phi­lo­so­phie que d’une méthode à pro­pre­ment par­ler ». La cou­leur est donc annon­cée : les moti­va­tions sont plus idéo­lo­giques que pédagogiques.

Le fonc­tion­ne­ment est le sui­vant : « Les élèves reçoivent des cours sous forme de res­sources en ligne (en géné­ral des vidéos) qu’ils vont pou­voir regar­der chez eux à la place des devoirs, et ce qui était aupa­ra­vant fait à la mai­son est désor­mais fait en classe ». En d’autres termes, les élèves potassent seuls le cours chez eux et font les devoirs en classe. Lumineux !

Ainsi, nous dit-on, « le pré­cieux temps de classe (sic) serait mieux uti­li­sé pour inter­agir et tra­vailler ensemble ». Il sera consa­cré à des acti­vi­tés, des pro­jets de groupe, des échanges, etc. Au-delà de la rhé­to­rique, rien de bien nou­veau : il y a long­temps qu’en classe on fait tout autre chose que de l’enseignement. La dif­fé­rence, c’est qu’on n’y dis­pen­se­ra même plus les rares cours qui sub­sis­taient encore.

Mais alors, quels sont les atouts de cette réforme ?

Le site en égraine un cer­tain nombre. Entre autres, on trouve « la liber­té d’apprendre n’importe où et n’importe quand ». On ima­gine sans dif­fi­cul­té nos char­mants bam­bins pré­fé­rer, après l’école (ou le col­lège), se tar­ti­ner la vidéo du prof plu­tôt que d’échanger tex­tos et autres « sel­fies » avec leurs potes. D’ailleurs, le pro­blème n’a pas échap­pé aux concep­teurs qui lui consacrent tout un para­graphe en tête de la FAQ : « Comment s’assurer que les élèves regardent les res­sources en dehors de la classe ? » Et leurs recettes n’ont rien d’innovant : quand la béate per­sua­sion a échoué, on en revient à la bonne vieille inter­ro­ga­tion écrite notée ! Tout ça pour ça.

On nous dit aus­si, de façon décla­ma­toire, que cette réforme per­met « le déve­lop­pe­ment de la culture géné­rale et de com­pé­tences impor­tantes (com­mu­ni­ca­tion, coopé­ra­tion, réflexion, créa­ti­vi­té…), plus grande moti­va­tion à apprendre, meilleure réten­tion d’informations, meilleure com­pré­hen­sion, etc. », l’universelle pana­cée en quelque sorte, sans pour autant en faire la moindre démonstration.

Le reste est à l’avenant, tout aus­si ron­flant mais jamais démon­tré. Au bout du compte, que doit-on pen­ser de cette « méthode » ?

D’abord que celle-ci, ima­gi­née et tes­tée dans l’enseignement supé­rieur, en licence 3 et mas­ter 1, n’est pas repro­duc­tible à l’envi : ce dont est capable un jeune adulte de 20 ans et plus, aucun élève de col­lège ou du pri­maire ne le peut.

Ensuite, l’organisation péda­go­gique des facul­tés, où le tra­vail per­son­nel compte bien plus que les cours des pro­fes­seurs, n’a rien à voir avec celle des écoles et collèges.

Enfin, comme le sou­ligne Nicolas Roland, cher­cheur à l’université libre de Bruxelles : « Si la méthode peut conso­li­der les com­pé­tences des uns, elle peut aus­si ren­for­cer les fai­blesses des autres ». Et si c’est vrai dans le supé­rieur, ça le sera d’autant plus dans les écoles et col­lèges. Et François Coppens, ensei­gnant en phi­lo­so­phie à la Haute École Léonard-de-Vinci (Louvain) aver­tit : « Attention donc à ne pas l’ériger en modèle ». Tout est dit !

Vouloir étendre cette méthode, ima­gi­née DANS le supé­rieur POUR le supé­rieur, à l’ensemble du cur­sus sco­laire est donc un leurre qui tient plus de l’idéologie que de la péda­go­gie. Probablement aus­si se cache der­rière des pré­sen­ta­tions huma­nistes des­ti­nées aux gogos une démarche de sélec­tion socio-cultu­relle vou­lue par l’o­li­gar­chie au pou­voir.

Charles André