La Réunion : un nouveau Mayotte en construction

25 février 2023 | 2 Commentaires 

C’est le sixième navire depuis juillet der­nier, déjà le second depuis le début de l’année 2023. Le ven­dre­di 13 jan­vier der­nier, après la recon­duite au Sri Lanka de 46 émi­grés clan­des­tins, à la veille de l’arrivée d’un nou­veau bateau, alors que de source poli­cière, deux autres bateaux sui­vraient embar­quant en tout une cen­taine de can­di­dats à l’immigration.

Le pré­fet de la Réunion, Jérôme Filippini, fai­sait la décla­ra­tion sui­vante : « Je veux dire fac­tuel­le­ment que 400 per­sonnes arri­vées en 5 ans dans une île de 860 000 habi­tants, cela ne s’ap­pelle pas une inva­sion ».

Jérôme Filippini - Préfet Réunion

Jérôme Filippini – Préfet de la Réunion

Depuis juillet 2022, quatre navires sont arri­vés à La Réunion en pro­ve­nance du Sri Lanka, avec à leur bord un total de 122 per­sonnes, direc­te­ment ou via l’archipel des Chagos. Six émi­grés clan­des­tins (6) sont arri­vés le 31 juillet, qua­rante-six (46) le 17 sep­tembre, 17 le 20 octobre et cin­quante-trois (53) le 24 décembre, vingt-cinq (25) début février.

La Réunion a connu une pré­cé­dente vague d’arrivées en 2018 et 2019. Six navires, avec 275 per­sonnes à leur bord, avaient alors accos­té sur les côtes réunionnaises.

400 émi­grés clan­des­tins sri­lan­kais sont arri­vés en 5 ans du Sri Lanka à La Réunion en 2 vagues.

Alors que des négo­cia­tions sont à l’œuvre pour res­ti­tuer les 55 îles de l’archipel à Maurice, c’est tou­jours avec le Royaume-Uni que la France doit col­la­bo­rer. « Un rôle bri­tan­nique qui a pu sem­bler nébu­leux, et une coopé­ra­tion plus dif­fi­cile qu’avec le Sri Lanka au sujet de ces mou­ve­ments migra­toires », évo­quait le pré­fet de La Réunion lors de sa récente confé­rence de presse, le 13 jan­vier 2023. « Depuis ces arri­vées, les échanges n’ont pas tou­jours été fluides. Mais cela s’a­mé­liore. C’est d’ailleurs pour cela qu’on en sait plus, aujourd’­hui, sur les bateaux qui sont arri­vés là-bas ou qui seraient sus­cep­tibles de venir ici. Mais vous dire que c’est com­plè­te­ment satis­fai­sant, non », déve­lop­pait tou­jours Jérôme Filippini.

Lors de cette prise de parole, le pré­fet ne cachait pas la pos­si­bi­li­té de voir arri­ver dans les pro­chains mois plu­sieurs bateaux. Le navire en approche du lun­di 6 février semble loin d’être le der­nier. Il s’agirait d’un navire par­ti de la base amé­ri­caine de Diego Garcia le 25 jan­vier. À son bord : 25 per­sonnes, dont une poi­gnée d’enfants, selon les avo­cats du cabi­net lon­do­nien Leigh Day (qui ont plu­sieurs de leurs clients sur cet archipel).

La Réunion comme destination, ni Maurice ni les Chagos

Sri Lanka - La Réunion

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Situés à 4000 kilo­mètres de Colombo, capi­tale du Sri Lanka, les héber­ge­ments sur l’île sont satu­rés et la situa­tion est très ten­due.
De son côté, l’OFII (l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) indique que face à « l’afflux inha­bi­tuel » de deman­deurs d’asile à La Réunion, un dis­po­si­tif d’accueil spé­ci­fique a été créé.

Pourquoi seulement une escale sur l’île de Diego Garcia ?

Les Chagos ! Une escale répu­tée pour bon nombre de res­sor­tis­sants sri­lan­kais en proie à une crise éco­no­mique et poli­tique majeures. Ces émi­grés clan­des­tins passent par­fois par les eaux ter­ri­to­riales de Maurice et s’arrêtent même dans l’archipel des Chagos, mais ne se signalent en détresse qu’une fois dans les eaux ter­ri­to­riales fran­çaises, car « ils veulent venir en France » explique le Préfet de La Réunion.

Il faut rap­pe­ler qu’une base mili­taire amé­ri­caine stra­té­gique, se situe sur l’île de Diego Garcia de l’archipel des Chagos. Cette base est sur un ter­ri­toire bri­tan­nique d’outre-mer en cours de restitution.

Île Diego Garcia

« Malte de l’océan indien », « Nouvelle Okinawa » ou encore « Diego Garcia, marche pied vers la liber­té ». Les for­mules ne manquent pas dans les états-majors des grandes puis­sances comme dans la presse spé­cia­li­sée pour qua­li­fier la base aéro­na­vale édi­fiée par les États-Unis au début des années 1970 et, par la suite sans cesse moder­ni­sée. Il faut dire que sur l’île de Diego Garcia, les émi­grés clan­des­tins ne sont pas éli­gibles au sta­tut d’asile poli­tique. Ils sont un peu comme les déte­nus de Guantanamo, soit dans un endroit où le droit n’existe pas.

Sur les escales aux Chagos, Jérôme Filippini n’en dira pas plus : « I’m just a pre­fet of La Réunion ».

En revanche, ce que l’on sait depuis le 21 sep­tembre der­nier, ce sopnt les émi­grés clan­des­tins qui l’ont affir­mé devant le juge des liber­tés et de la déten­tion au tri­bu­nal de St Denis : c’est qu’ils ont été envoyés à La Réunion depuis cet atoll de Chagos.

À la suite d’une panne moteur, les émi­grés clan­des­tins se seraient échoués sur une île dont ils igno­raient le nom et la natio­na­li­té. Sur place, ils auraient été pris en charge par des mili­taires qui, pen­dant 8 jours, leur auraient four­ni un toit, de la nour­ri­ture et des vête­ments sur les­quels appa­rais­sait : « Diego Garcia ». Les mili­taires les auraient fait embar­quer en direc­tion du Sri Lanka. Mais les pas­sa­gers ont rebrous­sé che­min vers leur des­ti­na­tion vou­lue : La Réunion.

Quant à Maurice, les ONGs com­mencent à prendre posi­tion. Elles veulent aler­ter les Nations Unies.

Sur les 400 émi­grés clan­des­tins arri­vés à La Réunion, 276 ont été recon­duits au Sri Lanka, 120 émi­grés clan­des­tins sont res­tés à La Réunion, admis à deman­der l’asile pour une grande par­tie d’entre eux. Une qua­ran­taine a d’ores et déjà obte­nu l’asile. Pour les autres la pro­cé­dure est en cours.
« Nous appli­quons le droit, nous appli­quons les lois de la République », affirme le pré­fet de la Réunion. « 7 sur 10 des migrants sri­lan­kais qui sont arri­vés à La Réunion ont été recon­duits dans leur pays d’origine quand ils avaient épui­sé les pro­cé­dures juri­dic­tion­nelles », pré­cise t‑il en ajou­tant.
« Il y a vrai­sem­bla­ble­ment des filières qui sont orga­ni­sées, la France sou­haite faire com­prendre que par­tir en bateau depuis le Sri Lanka, tra­ver­ser toute la zone Sud de l’Océan Indien pour venir à La Réunion, c’est à la fois extrê­me­ment dan­ge­reux, c’est sans doute coû­teux et c’est de façon cer­taine l’assurance d’être ren­voyé dans son pays. »
Avec 276 recon­duites, les auto­ri­tés estiment qu’un signal fort est envoyé aux émi­grés clan­des­tins mais aus­si à ceux qui orga­nisent leur départ au Sri Lanka affirme le Préfet.

Le voyage retour coûte très cher à la France et ce n’est qu’un début

Le ven­dre­di 13 jan­vier 2023, un avion d’Air Austral affré­té par l’État a décol­lé en direc­tion du Sri Lanka. À son bord, une qua­ran­taine d’é­mi­grés clan­des­tins qui seront recon­duits dans leur pays d’origine après avoir essuyé un refus d’entrer en France au titre du droit d’asile.
Cet aller-retour express pour ces réfu­giés mobi­lise de nom­breux per­son­nels des forces de l’ordre et a un coût impor­tant.
Sur les 53 res­sor­tis­sants sri­lan­kais arri­vés à La Réunion le same­di 24 décembre 2022, une qua­ran­taine est repar­tie en direc­tion du Sri Lanka. Leurs com­pa­triotes ont obte­nu le droit de res­ter en France pour deman­der l’asile et trois mineurs iso­lés ont pu entrer sur le ter­ri­toire fran­çais. Par ailleurs, cinq de ces émi­grés clan­des­tins sont en cavale depuis le mar­di 10 jan­vier, après s’être éva­dés de la zone d’attente de l’aéroport Roland-Garros.
En comp­tant les repré­sen­tants des forces de l’ordre mobi­li­sés pour les escor­ter, une bonne cen­taine de per­sonnes ont fait le voyage. Un aller sans retour pour les Srilankais et un aller-retour pour les policiers.

C’est un Airbus 220 d’Air Austral qui a été affré­té. L’appareil, qui peut trans­por­ter 132 per­sonnes, pré­vu au décol­lage dans la mati­née de ven­dre­di des­ti­na­tion, Colombo (capi­tale du Sri Lanka) avec un retour à La Réunion pré­vu dans la soi­rée. Pour pilo­ter cet Airbus qui, en temps nor­mal fait le tra­jet vers Chennai en Inde, une équipe com­po­sée de deux pilotes et de quatre per­son­nels navi­guant a été mobi­li­sée. Selon les informations,

le coût de l’affrètement, avion et équipage, s’élèverait à 250 000 €.

À ce lourd mon­tant, il faut encore ajou­ter la prise en charge des poli­ciers com­po­sant l’escorte.

Actuellement, l’Île de La Réunion compte 130 000 chô­meurs, 120 000 per­sonnes sont au RSA et les ser­vices sociaux traitent plus de 30 000 demandes de logement.

Tant que la France conti­nue­ra à naï­ve­ment res­pec­ter les pré­ten­dus accords inter­na­tio­naux alors que l’Angleterre, l’Île Maurice ou les États-Unis s’assoient des­sus allè­gre­ment, nous ne pour­rons que subir le bon dérou­le­ment et l’évolution désas­treuse de ce tra­fic mafieux. Il faut néan­moins rele­ver le flair de ceux qui ont, en bons oppor­tu­nistes, récem­ment inves­ti dans le capi­tal d’Air Austral. Ils ont sûre­ment tablé sur un affrè­te­ment régu­lier de leurs aéro­nefs pour des vols spé­ciaux qui des­ser­vi­ront régu­liè­re­ment une nou­velle des­ti­na­tion entiè­re­ment à la charge du peuple fran­çais, Colombo.

Sollicitée sur le coût réel des expul­sions, la Préfecture n’a pas répon­du aux mul­tiples demandes à ce stade.

Pierre Pignon


Références :
Un bateau de migrants sri lan­kais débarque, le pre­mier de l’année
Quel rôle des auto­ri­tés bri­tan­niques dans l’arrivée du der­nier navire sri-lan­kais ?
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Pierre Pignon

2 Commentaires 

  1. Ce ne serait pas plu­tôt des « boat people » ukrai­niens d’a­près les cou­leurs du bateau !
    😉

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  2. DIVISER POUR MIEUX RÉGNER

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