Celtitude et latinité
Dans la foulée de notre ami Pierre-Émile Blairon, il nous faut souligner avec vigueur nos origines celtes. Parler des Gaulois – qui sont évidemment des Celtes – revient à entrer en résistance contre une mentalité malsaine qui, depuis certaines hautes sphères étatiques jusqu’à de petits instits au cerveau pétri de mondialisme en passant par divers intellectuels s’autoproclamant « citoyens du monde », méprise viscéralement la civilisation celtique. Pourquoi ?

Trouvé à Amfreville (Calvados), ce superbe casque d’apparat témoigne de l’habileté des forgerons gaulois. Conjoignant l’or, l’argent et le corail dans sa décoration, l’objet montre une frise de triskèles symbolisant la force vitale en mouvement.
Tout simplement parce que dans le projet insensé consistant à mondialiser la France, en se servant d’arrivées massive de « migrants », le substrat gaulois demeure un obstacle majeur. De fait, pour peu que survienne une crise identitaire aigüe (mais elle est déjà là, affirment une majorité de politologues), ce substrat, encore bouillonnant, risque de raviver un irrépressible sentiment d’appartenance ethno-culturelle. D’où, tous les moyens employés pour amoindrir le Gaulois, désigné comme à moitié barbare, et valoriser le citoyen romain civilisé. Précisons tout de suite que la vision imposée du monde celtique est aussi fausse que celle, fabriquée, du monde romain. En effet, à en croire les truqueurs de l’Histoire, Rome n’existerait que comme une préfiguration du monde moderne : individus venus de partout (des proto-migrants, en quelque sorte) s’insérant dans ce que, de nos jours, des architectes très « tendance » – autrement dit soumis au « prêt à penser » – dénommeraient un « grand complexe urbain »(1).

Bas-relief d’époque montrant un paysan gaulois avec sa moissonneuse. Notons qu’il ne s’agit pas d’un engin primitif mais déjà nettement perfectionné et correspondant à ce que dit le Romain Pline l’Ancien (23−79 de notre ère). Ce dernier a, en effet, constaté l’existence d’un tel outil agricole.
Certes, si l’on voulait schématiser, il ne serait pas faux de dire que la civilisation romaine est principalement citadine tandis que celle des Gaules se veut avant tout campagnarde(2).
Pour autant, gardons-nous de croire que les Gaulois ne possédaient pas de villes. Bien au contraire et certaines sont à l’origine de celles réparties sur notre territoire, à commencer par Lutèce, devenue Paris. Simplement, la perception que Romains et Celtes avaient de la cité n’était évidemment pas la même : Rome se voulait centralisatrice et en tirait un sentiment de puissance alors que l’agglomération gauloise valorisait une spécificité locale. Prétendre que la latinité l’emportait en tout sur des Gaulois presque sauvages constitue un concept volontairement erroné destiné psychologiquement à dévaloriser une ethnie dotée, en réalité, de remarquables capacités inventives. Prenons un exemple bien précis pour illustrer ce propos en nous servant principalement de l’archéologie provençale.
À l’époque où Jules César pénètre en Gaule, quel est l’équipement de ses légionnaires ? Fondée sur des travaux universitaires, la réponse est la suivante : presque toutes leurs armes sont d’origine celtique.
![]() Le célèbre autel de Domitius Ahenobarbus (Musée du Louvre) montre des légionnaires romains (un cavalier et des fantassins) une soixantaine d’années avant César. Ce Domitius Ahenobarbus (Domitius « barbe de bronze ») est le créateur de la fameuse voie Domitia. |
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![]() Un légionnaire de Jules César tout équipé pour le combat. Seul son javelot, le pilum, est romain. Le casque, d’un modèle appelé « Montefortino », est italo-celtique (voir plus bas). Ornant le sommet, une sorte de panache emprunté à la queue d’un cheval est bien plus qu’un ornement : la solidité du crin amortit et fait glisser les coups d’épée. |
![]() Image d’un guerrier gaulois. Il est recouvert d’une cotte de mailles comme les Romains sur l’autel que l’on vient de voir et coiffé d’un casque dont le modèle a été retrouvé sur le site d’Alésia. Le manteau qu’il porte montre le motif, typiquement celte, du « tissu écossais ». |
Voyons d’abord le grand bouclier qui est pratiquement le même que portait le guerrier gaulois. Toutefois, celui des romains, appelé scutum, était cintré, évoquant le flanc d’un cylindre, alors que celui des Gaulois se présentait généralement plat. Peu de motifs ornaient la surface du scutum tandis que, côté celte, on trouvait une grande variation de figures exprimant sans doute l’appartenance à une tribu, à un clan familial ou, peut-être, répondant à la personnalité du combattant. L’arc de Triomphe d’Orange en montre tout un lot sur lesquels sont tracées divers signes identifiables.On reconnaît en effet la double spirale, symbole de la force vitale, mais aussi le soleil (se confondant avec l’ « umbo », la bosse centrale du bouclier), la lune ou encore un couple de hérons, symbole de fidélité – car ce sont des oiseaux migrateurs qui reviennent toujours à leur point de départ – associés au dieu forestier Esus (assimilé par les Romains tantôt à Mercure et tantôt à Mars).
À l’époque où César entre en Gaule le casque le plus fréquemment porté par ses troupes est du type « Montefortino », nom d’une localité italienne. Il s’agit, à l’origine, d’un casque typiquement celte adopté par l’armée romaine.aine et architecturale d’autre part.
Indéniablement pragmatiques, les Romains n’hésitèrent jamais à adopter les armes les plus performantes de leurs adversaires. Les victoires qu’ils accumulèrent proviennent essentiellement, outre les qualités de combattants dont ils firent toujours preuve, de l’impressionnante discipline qui muait la légion en une redoutable machine de guerre. La témérité des guerriers celtes ne pouvait suffire et s’est brisée sur des troupes portant un équipement identique au leur.
P‑G. S.
(1) Si ma mémoire est bonne, un album des aventures d’Astérix, repris en dessin animé, intitulé Le Domaine des Dieux, brocardait joyeusement, à travers une Rome construisant les premiers « immeubles de rapport » (à plusieurs étages), l’obsession moderne de privilégier un supposé bien vivre urbanistique.
(2) On se réfèrera à l’excellent ouvrage de Gaston Bonheur Notre patrie gauloise (éd. Robert Laffont, 1974) dans lequel l’auteur montre que les grands corps d’État français que sont les Eaux et Forêts d’une part et les Ponts et Chaussées d’au
tre part, sont les prolongements de ces deux cultures : gauloise, rurale et silvestre d’une part, romaine, urbaine et architecturale d’autre part.
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