La nouvelle posture : « J’assume ! »

François de Rugy l’a dit, la semaine der­nière : « J’assume ».

Christophe Castaner le reprend à son tour pour jus­ti­fier le refus du minis­tère de l’Intérieur de com­mu­ni­quer sur le nombre de voi­tures brû­lées, le 14 juillet, soir de match de foot­ball rem­por­tée par l’Algérie : « On ne donne pas et on assume. C’est tou­jours la même chose et ça n’apporte rien. » a‑t-il décla­ré doctement.

Les femmes le disent dif­fé­rem­ment. Rappelons nous du tris­te­ment mémo­rable « Responsable mais pas cou­pable » de Georgina Dufoix sur TF1 en 1991, alors qu’elle était ministre de Mitterrand.

« J’assume », ça, c’est un truc qui vous pose un homme, un vrai, un qui en a dans le froc !

En véri­té, cette magis­trale pos­ture veut dire tout le contraire : « Je n’ai rien dans le froc ». Dans le cas qui nous occupe, cela veut dire : « Vous n’aurez pas les chiffres sur les bagnoles brû­lées à l’occasion des “fes­ti­vi­tés” d’allégresse foot­bal­lis­tique algé­rienne car j’ai la trouille que cela soit pire ven­dre­di et que le peuple s’en inquiète. D’ailleurs, qui a dit qu’il y avait eu des voi­tures brû­lées ? »

Le jour­nal La Provence, par exemple, en a dénom­bré 195 en s’appuyant sur des « sources poli­cières » ! Ce que, Place Beauvau, on appelle une « ambiance bon enfant ». Si, si !

Or, tout cela n’était qu’une mise-en-bouche : demain, il y aura la finale de la com­pé­ti­tion qui oppo­se­ra l’Algérie au Sénégal. On n’ose ima­gi­ner ce que cela sera quel que soit le résul­tat. Car l’esprit de com­pé­ti­tion, qui déborde lar­ge­ment le péri­mètre des stades, on l’a consta­té, pour­rait bien inci­ter tous ces « bons enfants » à faire mieux encore pour fêter ça. 195 bagnoles ? Vous plai­san­tez, pour une finale gagnée — ou per­due —, on va vous faire quelque chose qui sera autre­ment à la hau­teur de l’événement… tou­jours dans cet esprit « bon enfant », que cha­cun peut observer.

Depuis l’accession au pou­voir de Macron, les auto­ri­tés ont pris l’habitude de cas­ser le ther­mo­mètre pour faire tom­ber la tem­pé­ra­ture. Ainsi, chaque 1er jan­vier, on nous cache le nombre de voi­tures brû­lées la nuit de la Saint Sylvstre. Cette année, Christophe Castaner y est même allé d’un com­mu­ni­qué fan­fa­ron : « Partout en France, les fes­ti­vi­tés ont pu se dérou­ler nor­ma­le­ment et ont été exemptes de ten­sions notables et d’incidents graves, même si des inci­dents mineurs sont, comme chaque année, à déplo­rer. » 568 bagnoles brû­lées, d’après les médias, c’est ce que le minis­tère de l’Intérieur appelle des « inci­dents mineurs » ! Castaner a pré­fé­ré se payer de mots que de don­ner les chiffres.

Or un peuple informé, c’est un peuple dangereux

Donc un peuple desin­for­mé est un peuple maî­tri­sé, un peuple apai­sé pour nos diri­geants. On met la pous­sière sous le tapis car « ça n’apporte rien » que le petit peuple – celui qui roule au die­sel et fume des clopes – voit la chien­lit qui s’installe dans le pays. Responsable mais pas cou­pable, comme tou­jours. « J’assume ! », mais j’as­sume quoi ? Ma démis­sion ? La perte de mes pri­vi­lèges ? Ma condam­na­tion ? Rien de cela. « J’assume tout court ! », en fait je n’as­sume rien.

J’ai bien peur que, ven­dre­di soir, notre Tartarin de Forcalquier constate que son ther­mo­mètre cas­sé n’a en aucune façon fait retom­ber la fièvre… Et qu’il ait encore à « assu­mer ».

Charles André