Sous-marins : une marque discrète de l’excellence française
Par l’entremise de Jean-Pierre Daugreilh, Nice Provence Info a pu rencontrer à Toulon l’amiral Jean-Yves Waquet, tous deux conseillers régionaux de Provence Alpes Côte d’Azur.
Monsieur Daugreilh souhaitait en effet faire valoir l’excellence du savoir-faire français dans ce domaine maritime — plus précisément sous-marinier — qui vaut à notre pays une position en pointe au niveau mondial. Les retombées technologiques, économiques, politiques sont considérables pour la France alors que nous n’en sommes pas conscients.
Nous ne pouvions pas mieux tomber pour nous éclairer sur le sujet que sur l’amiral Waquet, lui qui a passé 37 ans dans la Marine Nationale dont 23 ans dans les forces sous-marines. L’ancien amiral totalise ainsi plus de 25 000 heures en plongée au cours de ses différentes affectations dans les forces sous-marines. 25 000, cela représente quelques années sous l’eau ! Il assura notamment le commandement des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins) Le Terrible puis Le Redoutable. L’amiral Waquet dirigea ensuite le centre d’entraînement et d’instruction des SNLE.
Les sous-marins jouent une rôle essentiel dans le déploiement de la force de dissuasion nucléaire française. Sa composante océanique repose sur les SNLE, mais aussi en complément sur les SNA (sous-marin nucléaire d’attaque). Une première génération s’appuyait sur :
1) Les SNLE de la classe Le Redoutable : la propulsion nucléaire leur permettait de s’affranchir des remontées à la surface. Ils étaient capables de rester longtemps (plus de 2 mois) en immersion totale sans se faire repérer. Ils sont longs (128 m) et lourds (9 000 tonnes). Leur mission était d’assurer la dissuasion en faisant savoir à l’ennemi qu’il pourrait être touché gravement même après une première attaque très destructrice sur le sol national. Ces sous-marins constituaient la composante océanique (FOST – Force Océanique STratégique) de notre dissuasion avec la 2e composante, aéroportée, équipée des avions Rafale. Cette dissuasion s’appuie sur des missiles de croisière à tête nucléaire, les FAS (Forces Aériennes Stratégiques).
2) Les SNA de la classe Rubis. Ces sous-marins, plus petits, sont indispensables à la protection de notre force aéronavale car ils concourent à une dissuasion conventionnelle tout en étant de redoutables chasseurs de sous-marins. Propulsés à l’énergie nucléaire également, ils sont plus légers (2 700 tonnes), plus courts (70 m) et plus rapides (jusqu’à 25 nœuds) que les SNLE. Ils peuvent rallier rapidement un théâtre d’opérations et y rester longtemps.
Précisons que tous ces équipements nucléaires restent du ressort national et ne sont donc pas intégrés à l’OTAN.
Ces deux classes de sous-marins sont actuellement en cours de rénovation.
1) Après avoir été la clef de voûte de la dissuasion nucléaire stratégique, les SNLE de la classe Redoutable sont remplacés par des engins de la classe Triomphant, dont l’un des objectifs de conception était d’être indétectables. Ils sont plus longs (138 m) et plus lourds (14 000 tonnes) tout en étant encore plus silencieux. Ces nouveaux engins sont équipés de 16 missiles à tête multiple (6 têtes nucléaires indépendantes) d’une portée de 9 000 km.
2) Les SNA commencent à être remplacés par des sous-marins de la classe Suffren (la classe de sous-marins porte souvent le nom du premier de la série) dans le cadre du programme Barracuda. Ces nouveaux sous-marins sont également plus gros (5 000 tonnes), plus rapides que leurs prédécesseurs et équipés à présent de missiles de croisière capables d’être lancés en immersion. Ils sont également conçus pour déployer des nageurs de combat via un hangar de pont amovible. Le premier de la gamme, baptisé le Suffren, a été lancé en juillet dernier aux chantiers navals de Cherbourg.
L’objectif de rendre ces sous-marins le plus silencieux possible, notamment les SNLE, a induit d’innombrables innovations techniques, comme par exemple dans la précision de la navigation avec des centrales inertielles très performantes puisque le sous-marin doit se situer en permanence sans avoir à remonter en surface.
Ces sous-marins sont devenus si discrets que deux sous-marins SNLE, l’un britannique, l’autre français, sont entrés en collision en 2009, heureusement sans gravité. Depuis lors les progrès n’ont pas cessé.
Des avancées technologiques majeures furent également obtenues avec les missiles balistiques, tant dans la précision que dans la capacité destructrice avec notamment des charges à tête multiple, chacune pouvant atteindre une cible différente.
Actuellement la force océanique (composante sous-marine de nos forces nucléaires) est dotée de 4 SNLE et 6 SNA. Si les SNLE sont basés en Bretagne, à l’Île Longue, les SNA restent basés à Toulon, malgré les velléités des élus bretons.
Forte de ce savoir-faire très pointu et validé par des décennies d’opérations, la France, avec Naval Group, est très bien placée sur le marché mondial. Notre industrie propose notamment des sous-marins à propulsion au diesel-électrique en anaérobie, ou AIP (abréviation de Air Independent Propulsion), qui permet, complétée par des piles à combustible, au sous-marin de se propulser sans utiliser d’air extérieur, ce qui lui évite de sortir son schnorchel. Ces sous-marins sont également capables de rester jusqu’à trois mois en immersion totale quasiment comme les sous-marins à propulsion nucléaire.La France a signé en 2016 un contrat pour la livraison de 12 sous-marins océaniques de la classe Suffren à l’Australie pour un montant évalué à plus de 50 milliards de dollars australiens (équivalant à 34 miiliard d’euros, sachant que ce montant global est donné avec les missiles qui seront fournis par les Américains). Ce contrat prévoir un transfert partiel de technologie et la construction de certains de ces sous-marins en Australie.
La France propose également des sous-marins de type Scorpène plus petits (autour de 3 000 tonnes) et de différents gabarits, mais à partir d’une ossature commune afin de rationaliser la production. De nombreux pays ont retenu cet équipement, notamment le Chili, la Malaisie, l’Inde, ou encore les Philippines. Avec certains pays d’Amérique latine, la France exporte en partenariat avec l’Espagne. La France a signé un important contrat avec le Brésil qui inclut un important transfert de technologie puisque les sous-marins sont fabriqués sur place. Ce pays ne cache pas qu’il souhaiterait acquérir la maîtrise de la propulsion nucléaire. Les négociations — en cours — sont très compliquées. D’autres négociations sur la livraison de sous-marin à propulsion nucléaire se sont engagées avec le Canada, mais elles n’ont pas abouti.
La place occupée par la France ne doit pas cacher que ce secteur est très concurrentiel avec des acteurs allemands, anglais, suédois, japonais, nord-américains bien sûr et bientôt chinois. La France était en lice avec le Japon sur le contrat de SNA en Australie. La réussite de la France est révélatrice d’un excellent savoir-faire qui induit des retombées économiques considérables. À force de vouloir être silencieux, nos sous-marins sont très discrets. En effet de manière quelque peu incompréhensible, la presse se fait facilement l’écho des quelques réussites — ou des échecs — en matière aérienne, alors qu’elle reste discrète sur ses succès importants en matière sous-marine.
Cette lacune est à présent comblée. Nous en remercions l’amiral Waquet.
[NDLR : notre illustration à la une : basés à Toulon, les SNA sont fabriqués à Cherbourg
Source : Cols bleus – Marine nationale]
Macron va sûrement vendre notre savoir faire, comme le reste.