Morts en opex ou morts pour rien ?
L’artiste conceptuel belge Stéphane Vigny a coulé un bronze pour nos morts (illustration ci-dessus)
Après avoir déposé sa gerbe sous l’Arc de Triomphe pour honorer le Poilu inconnu de la Grande Guerre, le « Je suis votre chef » des armées s’est rendu parc André Citroën devant ces six zombies en bronze portant l’homme invisible. En ce 11 novembre 2019 Emmanuel Macron y a rendu hommage aux 549 militaires morts pour la France depuis 1963 en OPEX (OPérations EXtérieures). Depuis cinq décennies, la France a guerroyé sur 17 théâtres d’opération étrangers. Plus un dix-huitième, si on compte la France envahie par l’islam conquérant, avec l’Opération Sentinelle.
« Celui qui meurt pour la France ne meurt pas vain ». Nos poilus doivent se retourner dans leur ossuaire quand ils voient leur patrie d’aujourd’hui. Par ces quelques mots, le président de la République s’est mis au garde à vous devant les six silhouettes de militaires qui portent un cercueil invisible sur leurs têtes, habillées d’une coiffe différente représentant les divers corps d’armée. Nul doute qu’on verra dans ce cénotaphe (édifice qui n’abrite aucun mort) toute la force symbolique de notre République d’aujourd’hui : la diversité.
La scène est devenue familière dans la cour des Invalides, il fallait la représenter par une œuvre.
Après nos deux bérets verts, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, en mai dernier, ce fut au tour du spahi Ronan Pointeau le 2 novembre (ci-dessous).
Pas très original, le sculpteur belge Vigny a repris le tombeau du Maréchal Foch aux Invalides, mais sans le gisant porté par une unité de huit poilus.
Dans l’œuvre du Belge, six porteurs au lieu de huit suffisent pour le mort beaucoup plus léger, vaporeux, dématérialisé, désincarné. Les huit poilus identiques sont remplacés par l’incontournable et moderne diversité. Variété de coiffes, de grades, une femme fait son entrée. Progrès oblige. On regrettera que la patine médaille du bronze ne fasse pas distinguer le béret rouge du para, le képi blanc du légionnaire ou la couleur de peau noire du marin.
Il n’y a pas en France, le plus petit village sans son église et sans son monument aux morts. De 1920 à 1925, 36000 monuments aux morts sont dressés, autant qu’il y a de communes. De Cordey dans la Calvados, réputé être le plus petit monument avec aucun nom inscrit, jusqu’à l’ossuaire de Douaumont, mémorial qui recense 16142 tombes et le chiffre effrayant des « restes » de 130000 soldats inconnus disparus à Verdun. Ces cénotaphes construits en pleine période Art Déco sont partout des bijoux artistiques érigés par la volonté des communes, comme le monumental Rauba-Capeù de Nice :
Des bronzes, des marbres, des allégories, créés par des artistes et dont certaines œuvres sont magnifiques comme ci-dessous à Tourcoing :
Mais c’était avant ! quand l’exploit était glorifié, incarné. Aujourd’hui, le militaire mort pour la France est à l’image du pays, un absent dans un cercueil vide. Un monument bien dans l’air du temps.
Engagez-vous ! Mais dans quoi ? Pour qui ?
Michel Lebon
« six porteurs au lieu de huit suffisent pour le mort beaucoup plus léger »
Cher monsieur (avec un « m » microscopique).
De nos jours, du moins depuis une vingtaine d’années que j’ai l’occassion de saluer mes camarades ou d’avoir porté moi-même nos frères d’arme qui nous ont quittés, le nombre des porteurs du cercueil peut être de huit comme de six – et je vous assure que le poids est toujours aussi lourd, indépendamment du nombre.
Vous saluant pas
G.
Cher monsieur anonyme. Permettez-moi cette mise au point G.
Vous n’avez pas dû comprendre le sens de mon article qui n’entame en rien le courage et le sacrifice de nos soldats dans ces guerres de la République. Je n’ai que dénoncé le ridicule de ce monument qui n’honore en rien leurs actions, bien au contraire.
Je n’avais pas vu la symbolique de votre point de vue, celui des porteurs. Je ne doute pas de votre force permettant de soulever un cercueil à six porteurs seulement. Soyez-donc honoré, vous avez maintenant un monument pour saluer votre engagement.