Les glaciers vont-ils disparaître ?
Avertissement
Cet article a suscité des critiques du géologue François Amelot, sur les travaux duquel il s’appuie. Nous publions ci-dessous le message qu’il nous a envoyé :
Sujet : Votre article « Les glaciers vont-ils disparaître ? » du 3 mars 2020
Date : Jeudi 19 Mars 2020 16:05:49 +0000
De : centrenaturemontagnarde.org
Pour : redaction@nice-provence.info
Bonjour,
J’ai été informé de l’article que vous avez publié récemment, et qui suscite des réactions en mars 2020, en reprenant les éléments d’un article de Sylvain Coutterand et moi-même avions publié il y a près de 10 ans dans la revue Nature et Patrimoine en Pays de Savoie. Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement du propos et de son contexte et vous demandons de modifier en profondeur l’interprétation que vous faites de notre texte initial. Nous ne partageons pas votre analyse, qui vise à rattacher à votre propos des éléments scientifiques fondés en les détournant.
En effet, vivant au cœur des Alpes (mais ceci se vérifie partout ailleurs !!), nous sommes témoins au quotidien de l’impact CONSIDERABLE du changement climatique sur les paysages (et pas seulement les glaciers), mais aussi les risques naturels et les phénomènes extrêmes, l’agriculture de montagne et l’aménagement du territoire pour ne citer que ceux-là.
Notre vie de citoyens en est réellement impactée !
De plus, votre interprétation tente à banaliser le réchauffement climatique mesuré aujourd’hui. L’origine de celui-ci étant en grande partie anthropique (accroissement des GES). Tel n’était pas notre propos dans l’article initial de Nature et Patrimoine.
Par ailleurs, les figures originales que nous avons produites sont ici reprises sans mention de leur source et sans que nous ayons reçu aucune demande en ce sens.
Nous vous remercions par avance de modifier le contenu de cet article qui se prévaut de nos résultats et recherches en les réinterprétant de façon ostensiblement orientée. A défaut, une suppression pure et simple de cet article est à envisager.
Cordialement,
François Amelot et Sylvain Coutterand
Prénom : François
Nom : Amelot
Le géographe Sylvain Coutterand, membre associé au labotoire EDYTEM-CNRS (Université de Savoie) et François Amelot, géologue au CNM (Centre de la Nature Montagnarde), se sont livrés à un joli travail de recherches pour retracer 12 000 ans d’histoire de la Mer de Glace, le plus grand glacier de l’espace Mont-Blanc. En s’appuyant sur des travaux récents, ils ont réussi à reconstituer les grands traits de son évolution tourmentée depuis la fin de la dernière glaciation globale (le Würm) du Pléistocène. Ils nous retracent ainsi l’histoire des temps post-glaciaires (l’holocène) qui se terminent avec le Petit Âge Glaciaire (XVe siècle).
On découvre que, contrairement à ce que certains s’obstinent à nous faire croire, nombreux furent les réchauffements climatiques par le passé et notamment au cours des 15 000 dernières années. Celui que nous vivons est donc loin d’être unique ou exceptionnel. Sylvain Coutterand et François Amelot nous apprennent qu’il y a 14 500 ans, les interstades chauds du Bølling et de l’Allerød avaient déjà porté un coup fatal aux derniers glaciers würmiens.
2 000 ans plus tard, un net et brutal refroidissement se produisit à nouveau faisant progresser les langues glaciaires de plusieurs kilomètres. Toutes les hautes vallées en portent les traces. Le site de Chamonix se trouvait alors totalement enseveli ! (voir reconstitutions ci-dessous)
Viendra ensuite la période holocène, qui a débuté il y a 11 700 ans, marquée par une variabilité climatique faible. Une déglaciation s’est à nouveau produite pour donner aux glaciers une taille proche de celle que nous connaissons aujourd’hui. La découverte de bois subfossiles aux fronts de glaciers montre même que les espaces actuellement sous la glace ont été colonisés par des arbres (centenaires pour certains). Ce qui indique qu’à l’optimum climatique holocène (entre ‑7 500 et ‑6 500 ans), de nombreux glaciers alpins avaient carrément disparu ! Nous n’en sommes pas encore là !
À la fin de l’holocène, période dite néo-glaciaire, les épisodes climatiques froids – dont le plus récent appelé Petit Âge Glaciaire (PAG) – se sont multipliés et les fronts des glaciers ont réavancé. Cette période a cependant été entrecoupée d’épisodes plus chauds, notamment à l’âge de Bronze, il y a 3 200 ans, puis à l’époque romaine. Selon Schlüchter, durant ces périodes chaudes « les langues glaciaires s’arrêtaient à une altitude supérieure d’au moins trois cents mètres à l’actuelle ».
« Force est de constater, nous disent les chercheurs, que l’image traditionnelle d’une chaîne alpine continuellement englacée depuis la fin de la dernière glaciation est à relativiser. Les premières études des glaciers, menées au cours de la crue du Petit Âge Glaciaire, ont alimenté une image traditionnelle de glaciers plus vastes qu’aujourd’hui. Cependant, selon les chercheurs Bernois, “les glaciers alpins ont été moins étendus que maintenant durant plus de la moitié de ces dix derniers millénaires !” (Schlüchter et Joerin, 2004) ».
À partir de 1870, intervient le grand recul de la Mer de Glace. La langue glaciaire perdra plus de 800 mètres en une quinzaine d’années et disparaîtra aux yeux des Chamoniards après 1900. Depuis les années 90, les étés chauds se succédant, on a assisté à un nouveau retrait de 750 m et une perte de 60 m d’épaisseur de glace sous la gare du Montenvers.
En conclusion, Sylvain Coutterand et François Amelot ne se montrent pas plus pessimistes que ça : « Aujourd’hui, la situation de la Mer de glace est proche l’étiage de la période médiévale. La modification rapide des paysages nous impressionne et nous préoccupe, à juste titre. Cependant, l’état du glacier est bien meilleur qu’à l’âge du Bronze ou lors de la période romaine !». Si l’on considère, par ailleurs, les travaux de la physicienne ukrainienne spécialiste du soleil, Valentina Zharkova, qui prévoit un refroidissement sérieux entre 2020 et 2055, on peut se rassurer sur l’avenir de nos glaciers…
Et de la planète en général, par conséquent.
Charles André
Comme toujours, quand un scientifique dérange parce qu’il s’écarte de la doxa, il suscite le plus grand scepticisme. C’est bien rodé.
Ceci dit, juste avant ce dernier paragraphe, ils indiquent :
Depuis, les étés chauds des années 90 et de la dernière décennie ont provoqué un retrait de 750 m (Fig. 14) et une perte de 60 m d’épaisseur de glace sous la gare du Montenvers (190 m de perdus depuis 1852). Les modélisations du Laboratoire de Glaciologie de Grenoble montrent que le glacier pourrait avoir perdu encore 800 m de longueur d’ici 2030.
Quant aux prévisions de Valentina Zharkova et al. , certains sont (de façon argumentée) très sceptiques (http://cc.oulu.fi/~usoskin/personal/JASTP_Zharkova_2018.pdf)