Les 3 Noël (3 sur 3)
Aujourd’hui, dernier volet de notre triptyque « Les 3 Noël »
J’ai reçu ces jours derniers une invitation pour… les soldes du mois de janvier ! Dans quelques boulangeries bien prévoyantes, on trouve déjà des galettes des rois. Autrement dit, un mois d’avance sur le calendrier des futurs événements commerciaux.
Ce sera ensuite la Saint Valentin le 14 février, puis la fête des grands-mères le 7 mars 2021.
Le 4 avril ce sera Pâques, ensuite le muguet du premier mai et la fête des mères le 30 du même mois. Les pères seront fêtés trois semaines plus tard, le 20 juin. On retrouvera des soldes en juillet, heureusement, et en août, on se préparera pour la rentrée des classes qui se déroulera en septembre. Les 3 octobre fêtera les grands-pères, il ne manquait qu’eux, et en novembre la fête des fleuristes, j’ai nommé la Toussaint.
Comme celle-ci se déroule le premier du mois et que le bonhomme en rouge est encore loin dans son pays, on s’est empressé de greffer un Halloween et un Black Friday typiquement américains avant la fin du mois.
Et nous nous retrouvons alors en décembre pour fêter… Noël !
À chaque mois donc sa petite, grande ou énorme « fête » commerciale, organisée par les grandes enseignes. Et chaque mois on peut constater l’avilissement des consommateurs se pressant dans les boutiques ou sur leur clavier afin de ne pas déroger à l’événement marchand du moment.
On voit ces jours-ci des milliers de personnes déambuler dans les magasins, tous atteints de fièvre acheteuse. L’épidémie, que dis-je la pandémie de la Covid-19 est mise entre parenthèses.
Les Pouvoirs publics tolèrent la cohue dans les grands magasins mais pas dans les restaurants !
Les télévisions, les journaux, les sites internet les ont pourtant bien aiguillés depuis des mois. Le choix est embarrassant. Et on les voit, tristes et fatigués, arpenter les rayons à la recherche de la perle si rare, dont une bonne part se retrouvera dans les jours prochains sur des sites spécialisés de revente.
Ils ont touché le treizième, quatorzième, quinzième mois, la prime de Noël, les salaires sont versés plus tôt, les crédits sont plus faciles… Les banques sont bien entendu de la partie.
L’essentiel est que la monnaie circule, vite, plus vite, et si possible sans contact. L’argent circule ainsi plus facilement.
Ces consommateurs hébétés ne se rendent même plus compte à quel point ils sont perfusion de ces puissances d’argent qu’ils ne cessent de dénoncer par ailleurs ! Il faut faire comme tout le monde, rester dans le troupeau, pour ne pas passer pour « has been »(1) ou un « bolosse »(2).
Ils dépenseront en moyenne 749 € pour cette fête de Noël. Il est décidément bien loin le temps où nos grands-parents se contentaient d’une orange et de deux papillotes. L’Argent-Roi est passé par là, et aujourd’hui c’est à lui que l’on fait le plus beau cadeau.
J’évoquai précédemment le Noël religieux puis le Noël familial. Il me restait le plus triste, le Noël marchand. Heureusement, une légère très légère prise de conscience semble se dessiner ça et là, avec des appels à consommer autrement.
C’est peut être à ce prix que l’on reverra Noël comme un vrai jour de fête. Car la joie, l’amour et le bonheur, eux, ne s’achètent pas. Du moins… pas encore.
Patrice LEMAÎTRE
(1) De l’anglais « a été ». Comprendre « n’est plus », autrement dit ringard.
(2) Que nous écrivons délibérément à la française. Selon le dictionnaire Petit Robert le terme est apparu dans les banlieues du Val-de-Marne en 2003. Il fait initialement référence aux clients de dealers, mais qualifie plus largement une personne présentée comme imbécile ou naïve.
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