« Momies shows » : la malédiction des pharaons ?
« Le châtiment éternel pour celui qui ouvrira ce sarcophage… »
Au Caire en Égypte, 22 momies royales (dont Ramsès II et, par la grâce du spécialiste des découvertes miraculeuses et inattendues, Zawi Hawas, la reine Hatshepsout) ont défilé à travers les rues dans des chars noirs, dorés, ailés et copiés sur des blindés militaires et auréolés d’une lumière bleue-verte, couleur préférée du dieu Osiris pour rejoindre leur dernière demeure d’éternité, le Musée National de la Civilisation Égyptienne.
Coïncidence : le nouveau pharaon égyptien a choisi une date symbolique, celle de la période de Pâques, commémorant ainsi « l’Exode » et un passage qui devait mener le peuple hébreu loin de la terre d’Égypte… Certains commencent à murmurer que le président et ses compagnons pourraient bien subir le sort de l’ancien pharaon, englouti avec son armée dans les eaux de la mer… parce que, c’est bien connu, les anciens pharaons et pharaonnes aiment lancer des malédictions contre ceux qui osent les déterrer de leurs cavernes où ils sont protégés pour l’éternité et pour certains depuis plus de trois mille ans, seulement dérangés parfois, par des voleurs sacrilèges qui ne craignaient pas, pourtant à leurs dépens, de soulever le voile de leur cachette éternelle. Et, si ces rois et reines étaient spécialistes des formules magiques qu’ils lançaient parfois de façon détestable contre leurs ennemis, la question est de savoir : comment, vont-ils résoudre ces nouvelles profanations ?
Il leur faudra déjà dissoudre la puissante couche d’azote censée les protéger des agressions extérieures, puis affronter les étonnements, les sarcasmes peut-être, d’un large public de touristes auxquels ils ne sont pas habitués. Il faut dire que le monde moderne ne se pose même pas ces questions d’ordre magique, elles étaient juste bonnes pour les temps anciens et le XIXe siècle. Mais ces temps sont révolus, maintenant on peut exposer sans risque tous ces personnages autrefois faits de chair, d’os et d’âme comme tout le monde des vivants, même s’ils sont nus, décharnés, squelettiques, noircis, défigurés, parfois un peu découpés en morceaux.
En fait, et tant pis si cette hypothèse fait ricaner le plus grand nombre, la croyance ancienne était que ces momies portaient encore en elles des étincelles de vie et qu’il était dangereux et surtout indécent de les sortir de leur sarcophage pour les montrer comme des monstres de foire. Des écrivains du XIXe siècle en particulier ont abordé ce sujet comme Bram Stoker, l’auteur de Dracula dans « Le Joyau des sept étoiles », ceux qui liront ce – roman – y apprendront qu’une ancienne reine d’Égypte extraite de son repaire ne recule devant rien pour se venger. Pour d’autres auteurs, c’est le grand mage Imhotep qui risque de se fâcher gravement si, par malheur, un émule du grand découvreur et néanmoins archéologue égyptien, venait à retrouver son antre, parce qu’il possède « Le Livre de Thôt », celui qui permet de ressusciter les morts et en particulier les momies, et qu’il sait très bien s’en servir…
C’est aussi ce que décrit l’auteur Paul Brunton dans « L’Égypte secrète » quand il évoque les momies qui « dorment » dans les vallées perdues d’Égypte. Ces momies sont cachées dans ces gorges profondes et brûlantes entourées des collines roses et déchiquetées dans des lieux encore ignorés, dans ces collines stériles qui sont entourées de brume à l’aube et dont aucun son ne rompt le silence. Elles sont pourtant parcourues par de sombres corridors qui s’enfoncent à travers des labyrinthes vers des chambres sépulcrales, dans l’obscurité des souterrains de la mort. On peut y voir des hiéroglyphes représentant des serpents sinueux, des chauve-souris, des scarabées et, surtout, le voyage du défunt vers l’autre monde. Il est peint sur les murs et il reproduit « Le Livre des Portes » dont les formules assurent le voyage de l’âme. L’auteur met alors en scène un adepte de l’ancienne religion égyptienne qui affirme que ceux qui ouvrent les tombeaux s’exposent à de graves dangers qui se répercuteront peut-être même sur le monde. Car les anciens savaient comment faire pour continuer à avoir psychiquement, et par la vertu de la magie, un lien durable avec le monde même après leur disparition physique. Ils s’employaient donc à châtier les profanateurs. Et chaque momie qui est ainsi transportée dans un musée du monde, emporte avec elle ce lien invisible qui peut exercer une influence désastreuse sur l’avenir des nations. Et l’homme moderne, dépourvu de magie, est désarmé face à cet ennemi invisible. « Qu’on ne touche pas aux tombes ! Que le monde renonce à les ouvrir ! »
Sinon, il faudra s’attendre à voir le scénario du film « La Momie » et Boris Karloff, à la fois momie morte et vivante, s’emparer de votre esprit, de votre enveloppe charnelle peut-être, pour, enfin, pouvoir s’introduire dans le monde épouvantablement moderne et détestable des vivants.
Alexandra Schreyer
[NDLR :
• notre illustration à la une : tête de Ramsès II
• Alexandra Shreyer est licenciée en sciences humaines (sociologie, ethnologie), professeur d’histoire- géographie et auteur de deux livres
Jules Verne et Arsène Lupin, tome 1. À la recherche des écrits perdus et
Jules Verne et Arsène Lupin, tome 2 : Le secret de l’aiguille creuse et l’or de Jérusalem ]
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