Astérix et Obélix : le casse de l’année n’aura pas lieu
Le dernier film de Guillaume Canet « L’Empire du Milieu » a inspiré Tom Benejam qui fait un rapprochement avec le « Milieu », le « Milieu parisien » et ses méthodes particulières pour rafler la mise, et monter un nouveau casse. Nous sommes bien loin loin des méthodes autrement audacieuses — voire morales — d’un certain Albert Spaggiari, notre héros niçois.
N’est pas Albert Spaggiari qui veut…
Ici pas de passé scabreux, d’engagement chez les paras en Indochine et encore moins d’accointances malheureuses avec l’OAS. Tout juste quelques petits pétards de temps en temps. Quand on pratique le vol dans le milieu du cinéma en France, c’est avec les mains blanches. La réception d’un César ou d’une Légion d’honneur est alors un risque que l’on encourt bien plus sérieusement qu’un séjour aux Baumettes.
Avec un budget de soixante-cinq millions d’euros, et déjà cinq-cent-mille euros en poche pour l’écriture du scénario, Guillaume Canet amorce pourtant son casse avec sérénité, en tout cas dans de bien meilleures dispositions que notre pauvre Spaggiari. Mais voilà, pour toucher le million d’euros supplémentaire, sept millions de spectateurs volontaires sont nécessaires… Rien d’impossible jusque-là me direz-vous, surtout dans un pays où près de dix millions de personnes ont voté Macron un an plus tôt. Certes. Surtout qu’en choisissant de mettre en scène Astérix et Obélix tout en parsemant son film de blagues bien lourdes, Guillaume Canet est persuadé d’avoir tout bien mis en place pour ferrer convenablement le Français moyen. L’assurance de prendre son chèque et de permettre à ses petits copains de prendre le leur semblait jouée d’avance.
Mais patatras ! La sauce ne prend pas…
Et leurs blagues précautionneusement graveleuses ne font rire que leur entre-soi. S’il fait de moins en moins mystère que le cinéma français déteste le Peuple bien que vivant essentiellement de son argent, on constate ici qu’il se retrouve irrémédiablement coupé de lui, en sécession totale. Bien protégé, en quasi-autarcie, il lui faut pourtant s’y confronter de temps à autre. Au moins tous les cinq ans déjà, pour lui sommer de voter correctement au deuxième tour ; et désormais régulièrement, avec toujours plus d’insistance, pour lui rappeler d’aller au cinéma, payer quatorze euros sa place. Hier Kad Merad pleurnichant sur le plateau de Yann Barthès, Guillaume Canet aujourd’hui…
Quatre ans de travail quand même… Pouvez-vous imaginer ? Le travail en France ne paie pas, c’est indéniable. À quelques millions d’euros près, Guillaume Canet aurait pu débarquer sur votre rond-point samedi prochain.
Incontestablement, les médias parviennent encore à faire avaler à une bonne partie de la population plutôt crédule que ces gens-là ont du talent. Pris un par un, on vous fait croire qu’un tel est un chanteur à texte inégalable et celui-là un humoriste hors du commun. Mais réunir ensemble, dans un seul film, toutes ces vedettes de pacotille en plus de la caste cinématographique habituelle, cela relève de la prouesse culottée, et pour finir d’une farce à trop grosses ficelles. Il y a quelque chose ici qui tient du film engagé. Et même radicalement engagé, si l’on regarde le casting de plus près. Certes, d’Orelsan, on ne connaît guère que les délires capillaires et le flegme lymphatique ; et même si l’on sait aujourd’hui que deux hommes invertis en valent au moins quatre, et que McFly et Carlito sont volontiers reçus par notre bon président pour quelques galipettes décontractées dans les jardins de l’Élysée, on ne saurait pour autant définir avec précision la pensée politique d’un Big Flo ou d’un Oli. Et pourtant, c’est tout un monde, toute une manière d’exister et de penser qui sont charriés devant nos yeux. C’est le parfait manifeste d’un adoubement de l’époque que signe ici Guillaume Canet.
Et la sensation de naufrage collectif qui ressort de ce film n’en est que plus rassurante
Puisse-t-il avoir ouvert les yeux des Français et ce naufrage se répandre à l’avenir individuellement sur chacun de ces notables !
Son inclination pour les égouts, en l’occurrence ceux du cinéma français, est peut-être dans toute cette histoire le seul côté spaggiarien de Guillaume Canet. Et je pense même, en réalité, que ce dernier aurait dû voir les choses en bien plus grand ; qu’en bon bourgeois besogneux, il a manqué dans ce film cruellement d’ambition. Mon petit doigt me dit que si Zelensky avait bénéficié du rôle tenu par Ibrahimovic, les dix, quinze voire soixante millions d’entrées étaient très largement à portée de main… Le cachet du plus grand acteur au monde aurait été amorti et la conscience morale de la France sauvée pour les siècles des siècles.
Alors cher Guillaume Canet, arrêtez de travailler, épargnons-nous à l’avenir des peines mutuelles, continuez à filmer tranquillement vos petites vies minables dans vos Petits Mouchoirs.
Le trois, le quatre, le cinq et même le six si vous voulez. Vous avez votre public pour ça. Mais par pitié, laissez les pauvres Gaulois en paix.
Tom Benejam
N’est pas complice d’un Spaggiari qui veut, surtout lorsqu’il enleva son casque de motard sous le palais de justice avant son forfait, pour en venir à prendre ultérieurement Nice sous ses griffes. Petite anecdote… Un trudeau bis
Le monde du cinéma et de la politique ont bien des points communs…
Merci pour la tirade.
Quelle belle ode à notre « très cher » cinéma français !
Cette lecture m’a fait beaucoup de bien, comme un grand bol d’air frais.
Sublimatif ! C’est même pas une caricature tellement que c’est réel !…