L’Hebdo Varois 12–2016
Le 29 avril 2016 s’est tenue à l’hôtel de ville la réunion mensuelle des édiles toulonnais. Rien de bien saillant au menu. D’ailleurs, mis à part une question incisive du Front National sur la présence soupçonnée d’une mosquée salafiste en plein cœur du parc HLM de la ville, les débats ne furent guère empreints de polémique. Joutes oratoires classiques, plus médiatiques que vraiment politiques. Jusqu’au dernier point de l’ordre du jour..
Ce n’était pourtant pas le sujet a priori le plus susceptible de mettre de l’animation au sein de l’auguste assemblée. Benoît Pelletier, conseiller municipal de la majorité Les républicains et alliés, a brièvement présenté le projet dont il était le rapporteur. Un concours photographique, destiné principalement à augmenter la notoriété de la ville. Il était écouté d’une oreille un peu dissipée par ses collègues, qui attendaient que le maire Hubert Falco lève la séance quelques instants plus tard.
Une dénomination fatale
C’était sans compter l’intervention dans la foulée d’un conseiller FN, visiblement agacé par le titre du concours : « Toulon for ever ». Ce qui aurait dû demeurer le dernier acte de la chambre d’enregistrement a pris pendant quelques minutes une tournure plutôt humoristique. Nous reproduisons ci-dessous le verbatim de son intervention :
« Toulon for ever. For ever… Faux rêveur… Rêveur… » Notre collègue nous propose une initiative intéressante, qui valorise l’image de notre ville. Alors, bien sûr, nous l’appuyons. Et nous exprimerons un avis favorable. Mais tout de même ! Toulon for ever… Pas : « Toulon toujours ». Pas : « Toulon pour toujours ». Non, « Toulon for ever ». Dommage ! What a pity ! Pourtant c’est un beau challenge. Où il y aura un winner et plusieurs loosers. Avec la mairie de Toulon, un sponsor très fashion et très geek à la fois. Le debriefing se fera sous forme de brain-storming, à l’open-bar. De la part de notre Groupe, il n’y aura pas de boycott, ni de black-list. Le leader recevra une standing ovation. Pour le concours de photos, les selfies avec les followers seront welcome. Alors Benoist, pour votre to-do list, vous devrez caler dans votre planning un timing pour un training avec votre coach. Afin de donner une french touch à votre projet. Parce que les anglicismes, voyez-vous, ça fait trop… has been ! Bon… sérieux : monsieur le Maire, mes chers collègues, la semaine dernière un député Les Républicains a posé une question écrite au ministre de la culture et de la communication, au sujet d’un événement pour lequel les organisateurs font peu de cas de la langue française. Il a dénoncé le sabir international, illustration des infractions à la loi Toubon. Pour Jacques Myard, puisqu’il s’agit de lui, ce type de déviances constitue une violation de l’article 2 de notre loi fondamentale : « La langue de la République est le Français ». Moi, je trouve qu’il a raison, Monsieur Myard. Surtout pour les manifestations officielles organisées en France, par une collectivité publique française. Merci d’y veiller et d’y faire veiller, Monsieur le Maire, afin que notre rôle de township counsellor, de conseiller municipal, ne devienne pas un bullshit job, un emploi de m… vous n’avez pas besoin de traduction. » |
Moment de détente, mais message passé
Hubert Falco et ses adjoints ont choisi le camp de leur majorité et du public, c’est-à-dire des rieurs. Aucun incident en réaction, au contraire en retour des bons mots du maire sur le même registre. Pouvait-il en être autrement, au risque de passer pour mauvais joueur ?
En tout cas plusieurs personnes du conseil ou de l’assistance se félicitaient, à l’issue de la réunion, que la petite musique de la défense de la langue française se soit invitée par effraction dans les débats.
Marc FRANÇOIS, Toulon, 30 avril 2016
[NDLR] Notre image à la une : gravure représentant l’Académie française