La chute de la maison Falco

17 avril 2023 | 4 Commentaires 

Marc-François de Rancon, tou­lon­nais et fidèle lec­teur de Nice Provence Info, nous fait par­ve­nir son ana­lyse de la condam­na­tion, ce ven­dre­di 14 avril 2023, de Hubert Falco par le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Marseille. La cour a condam­né le maire de Toulon à trois ans de pri­son avec sur­sis et cinq ans d’i­né­li­gi­bi­li­té avec effet immé­diat, entraî­nant la perte de ses mandats.

Qui connaît un peu Hubert Falco n’en doute pas : la pri­son avec sur­sis, l’amende, c’est cer­tai­ne­ment une sur­prise et une injus­tice à ses yeux.

Mais le plus terrible est représenté par la peine d’inéligibilité, avec obligation de se démettre de tous ses mandats

Cette condam­na­tion, pour lui, maire de Toulon et Président de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée qu’il a créée, c’est pire que la pri­son. Laquelle lui aurait per­mis de par­tir au moins avec une aura mafieuse de bon niveau, comme son men­tor Maurice Arreckx autre­fois. La plus cruelle des peines dont il a éco­pé, c’est bien la perte de ses man­dats. Avec exé­cu­tion pro­vi­soire. Donc pas d’échappatoires ni de manœuvres dila­toires pos­sibles. On sent que les réqui­si­tions du pro­cu­reur et les déci­sions du juge ont été taillées sur mesure.

C’est sa mort, médiatique et politique, programmée. Car c’était toute sa vie.

Sa plus forte moti­va­tion à conti­nuer à son âge la vie publique rési­dait dans l’exercice de ses fonc­tions élec­tives à Métropole Toulon Provence Méditerranée et sur­tout à Toulon. Il ne résis­tait pas à la cor­vée, un plai­sir pour lui, de faire de temps en temps la tra­di­tion­nelle « tour­née des lam­pa­daires », les élus et anciens élus savent ce que ça veut dire.

À l’é­vi­dence il s’a­git d’une condam­na­tion poli­tique, par le plus petit bout la lor­gnette, c’est-à-dire une condam­na­tion élec­to­rale. Celle qui fait le plus mal, à lui qui s’enorgueillissait – à juste titre au demeu­rant – de « n’avoir jamais per­du une élec­tion ». Nul doute qu’il consi­dè­re­ra de son point de vue, ad vitam aeter­nam, qu’il s’agit d’un déni de démo­cra­tie que de le pri­ver par déci­sion judi­ciaire, donc admi­nis­tra­tive et non popu­laire, de man­dats que les élec­teurs lui avaient confiés et renou­ve­lés, sou­vent avec de larges majorités.

En pré­sence d’une condam­na­tion aus­si ciblée et cise­lée, on a envie de cher­cher d’emblée celui que le pro­verbe désigne : « Is fecit cui pro­dest »(1). Pas sûr que ce soit là que réside la clef de l’affaire. En fait, le plus inté­res­sant, ce n’est pas de savoir qui a signa­lé l’affaire, com­ment l’enquête a été menée ou encore quelle ten­dance de la magis­tra­ture l’a char­gé par ini­mi­tié, idéo­lo­gie ou règle­ment de comptes, mais plu­tôt de com­prendre quels maillons de la chaîne qui l’a­vait tou­jours pro­té­gé ont cette fois fait défaut. Il avait pour­tant comme avo­cat Thierry Fradet, le meilleur défen­seur pos­sible en la cir­cons­tance. Les récents retour­ne­ments de veste poli­tiques d’Hubert Falco, de LR à Macron(2), ont pu certes aga­cer. Mais le maire de Toulon, et aupa­ra­vant de Pignans, avait déjà pra­ti­qué dans le pas­sé des fidé­li­tés par­ti­sanes à géo­mé­trie variable. Et il n’est pas le seul dans la région.

La vraie question demeure : qui avait intérêt ou convenance à arrêter aujourd’hui la cavalcade victorieuse de Hubert Falco qui durait depuis plusieurs décennies ?

Car pen­dant toutes ces années, l’élu, qu’il soit maire, dépu­té, séna­teur, pré­sident du conseil dépar­te­men­tal, secré­taire d’État ou ministre, était pas­sé sys­té­ma­ti­que­ment et mira­cu­leu­se­ment entre les gouttes. À peine mouillé, jamais trem­pé. Pourtant les affaires qui lui étaient repro­chées étaient d’une tout autre nature que la gri­vè­le­rie d’aliments qui l’a fait chu­ter. Même si la tranche de jam­bon, la poi­gnée de grains de riz et les cour­gettes du Conseil dépar­te­men­tal ont pesé plus lourd que les prix du mar­ché sur le Cours Lafayette…

Plus que jamais un ancien diri­geant va pou­voir médi­ter sur la sagesse des Anciens Romains. Qui savaient que la Roche tar­péienne est proche du Capitole. Roche tarpéienne

Hubert Falco, il y a moins d’une décen­nie – les lec­teurs de Nice Provence Info en étaient infor­més grâce aux meilleures sources – était deve­nu à l’instar de son pré­dé­ces­seur Maurice Arreckx le véri­table par­rain du Var, patron du par­ti majo­ri­taire, fai­sant et des­ti­tuant les roi­te­lets locaux à sa guise, n’acceptant aucune ingé­rence dans son fief (Maud Fontenoy doit s’en sou­ve­nir avec une cui­sante amer­tume), pou­vant faire remer­cier les jour­na­listes déplai­sants. Le théo­rème des domi­nos s’appliquant à plein, c’est pour la Maison Falco à une série de chutes en cas­cades à laquelle il faut s’attendre, la Justice ne s’en pri­ve­ra vrai­sem­bla­ble­ment pas. Pour Marc Giraud, c’était déjà fait et ça conti­nue. Jusqu’à pré­sent tous étaient – plus ou moins – sou­te­nus. Maintenant c’est comme la corde sou­tient le pendu.

On doit aus­si s’attendre inévi­ta­ble­ment, dans cette Maison et par­mi ceux qui la fré­quen­taient, à une ava­lanche de renie­ments, de prises de dis­tance, de tirs sur l’am­bu­lance, de décla­ra­tions comme quoi c’é­tait pré­vi­sible et nor­mal, et autres pro­pos de poli­ti­cards ou brèves de comp­toir. Sans par­ler des oppo­sants et des jaloux. Nous ne par­ti­ci­pe­rons pas de cette ignoble curée. Quand on s’est oppo­sé poli­ti­que­ment à Hubert Falco, on a pu appré­cier l’ad­ver­saire. Et l’homme. Le maire a glo­ba­le­ment été bon pour la ville de Toulon (tout comme son pré­dé­ces­seur immé­diat, Jean-Marie Le Chevallier), même si cer­tains de ses choix muni­ci­paux étaient et demeurent contes­tables et cri­ti­quables :
• des options stra­té­giques désas­treuses pour les trans­ports du futur,
• une poli­tique cultu­relle avec carte libre au gau­chisme décons­truc­ti­viste et immi­gra­tion­niste,
• un sys­tème clien­té­liste de sub­ven­tions tous azi­muts aux asso­cia­tions en par­ti­cu­lier à celles qui sont peu recom­man­dables,
• une poli­tique de dis­si­mu­la­tion de l’aug­men­ta­tion de la dette et de la fis­ca­li­té muni­ci­pales par trans­ferts de com­pé­tences à la Métropole et infla­tion des per­son­nels et des sta­tuts de fonc­tion­naires.
Le res­pon­sable poli­tique dépar­te­men­tal, régio­nal et natio­nal n’a jamais trou­vé grâce, en revanche, à nos yeux. Ceci dit, res­pec­tons l’homme, peut-être aus­si for­mel­le­ment et un peu hypo­cri­te­ment qu’il le fai­sait avec ses oppo­sants, mais il était poli et avait – sou­vent hélas sans dis­cer­ne­ment – du cœur.

Chute de la Maison Falco, c’est cer­tain, mais nous n’assisterons pas à la fin immé­diate et simul­ta­née du Système Falco, qui imprè­gne­ra un temps encore la vie poli­tique locale et départementale.

Marc-François de Rancon, 16 avril 2023

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Marc-François de Rancon

4 Commentaires 

  1. Drôle d’ar­ticle ! Il est à la fois injus­te­ment condam­né, mais cou­pable ; auteur de gri­vè­le­rie ali­men­taire et féroce avec les smi­cardes, mais il avait du coeur ; un bon maire, mais immi­gra­tion­niste et gas­pillant les sub­ven­tions aux wokistes ; cor­rom­pu, mais hon­nête. Pour tout lec­teur non tou­lon­nais, c’est illisible.

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  2. La com­pa­rai­son avec Balkany parait per­ti­nente : Balkany était un bon maire, sym­pa­thique, proche de ses admi­nis­trés, flam­boyant, mais pas regar­dant sur le res­pect des règles mises en place par la classe politique…à laquelle il appar­te­nait.
    Des petits poten­tats locaux de cet aca­bit, il y en a un peu par­tout, plus encore peut-être à gauche où ils sont pro­té­gés à la fois par un dis­cours hypo­cri­te­ment mora­li­sa­teur (« le camp du Bien » – sic ! -), et par des orga­ni­sa­tions mili­tantes, qui n’existent plus guère à droite.

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  3. En sou­te­nant Macron et Muselier, il a approu­vé toutes les salo­pe­ries de la « franc-macron­­nar­­de­­rie », de la répres­sion ignoble des GJ à celle des mani­fes­tants anti-retaite à 64 ans. Comme tous les poten­tats locaux vivant de l’argent public, ils s’oc­troient des avan­tages indus sur le dos de la col­lec­ti­vi­té.
    J’ai sou­ve­nir d’une can­tine sco­laire où la Mairie avait repro­ché aux « femmes de ser­vice » (smi­cardes elles !) d’emporter les restes des repas qui, de toutes façons, auraient été jetés. Que les Toulonnais aient de bonnes rai­sons d’ai­mer leur Maire est autre chose.
    Après tout Balkany aus­si était un Maire appré­cié, puisque réélu après sa peine d’inéligibilité.
    La foule vote Barabbas !

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