Pour la mairie de Cagnes-sur-Mer, il y a les bons et les mauvais terroristes

par | 27 décembre 2023 | 1 com­men­taire

Conseil muni­ci­pal du 6 octobre 2023, extrait de Nice-Matin :

Voilà un bout de temps que l’élu Reconquête !, Jean-Paul Perez, de Cagnes-sur-Mer a fait une demande pré­cise au maire : ins­tal­ler une stèle au cime­tière de La Buffe pour les 60 ans « du retour en France des pieds-noirs ».
Favorable à cette idée, Louis Nègre a alors deman­dé à son oppo­sant de lui sou­mettre des noms et une phrase à ins­crire sur la stèle. Les voi­ci : « A nos morts pour l’Algérie fran­çaise, mili­taires, civils, har­kis. Aux fusillés : Bastien Thiry, Roger Degueldre, Claude Piegts, Albert Dovecar. » Avec cette phrase : « Le temps passe sans que la mémoire ne s’efface, n’oublions jamais.« 
Le maire n’a pas accep­té cette pro­po­si­tion.
De son côté, Jean-Paul Perez n’est pas éton­né. Il confie, quelques jours après le conseil muni­ci­pal :
« Je savais qu’il refu­se­rait parce que, pour le gou­ver­ne­ment fran­çais, ils sont consi­dé­rés comme des ter­ro­ristes.« 
L’opposant d’extrême droite informe qu’il a ren­dez-vous avec le maire à ce sujet, le 20 octobre.
La consé­quence de ce désac­cord entre Louis Nègre et Jean-Paul Perez ? Le report du vote d’une déli­bé­ra­tion. Car celle-ci doit être adop­tée à l’unanimité et l’opposant comp­tait bien s’y oppo­ser. La déli­bé­ra­tion en ques­tion por­tait sur la volon­té de par­rai­nage mili­taire d’une uni­té opé­ra­tion­nelle des forces armées. Le 1er régi­ment de chas­seurs d’Afrique (RCA) basé au camp mili­taire de Canjuers (Var).Nice-Matin - 20 octobre 2023 - OAS

Avant le Conseil muni­ci­pal sui­vant qui s’est tenu le 14 décembre :
Afin de moti­ver cette demande de M. Perez, M. Lebon, inter­ro­gé sur le sujet par la Mairie, a adres­sé cette lettre au Maire

À l’at­ten­tion de M. Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer
Objet : stèle des fusillés pour l’Algérie fran­çaise
Pour don­ner suite à la conver­sa­tion télé­pho­nique que j’ai eue avec M. Lucas ce jour, s’a­gis­sant de mon posi­tion­ne­ment dans le groupe Alliance des droites.
Une plaque existe déjà mais ne peut res­ter en l’é­tat. On y lit une liste de pré­noms qui n’a aucun sens. Peut-on ima­gi­ner sur nos monu­ments aux morts Pierre, Paul, Jacques… morts pour la France ?Stèle anonyme OAS - Cagnes-sur-MerCes hommes ont été fusillés en 1962 et 63 par un tri­bu­nal mili­taire de l’État fran­çais pour être res­tés fidèles à leur enga­ge­ment. Ces hommes d’hon­neur étaient des mili­taires fran­çais, morts pour l’Algérie qui était fran­çaise. L’Histoire est com­plexe, faite de tra­hi­sons des deux côtés. Beaucoup de nos com­pa­triotes portent encore les souf­frances qu’ils ont dû endu­rer pour aban­don­ner un pays qu’ils ont entiè­re­ment créé.
On y lit :
Roger : pour Lt Roger Degueldre. Légionnaire. Son exé­cu­tion a été un sum­mum d’i­gno­mi­nie. Pour cette seule rai­son, je res­te­rai tou­jours contre la peine de mort.
(Les trois pre­miers offi­ciers ayant refu­sé l’ordre de for­mer le pelo­ton d’exé­cu­tion, ils sont sanc­tion­nés, rayés des cadres et mis aux arrêts. Les offi­ciers sui­vants qui ont refu­sé l’ordre ont éga­le­ment été sanc­tion­nés. Une balle seule­ment sur les onze du pelo­ton d’exé­cu­tion l’au­rait atteint. Les sol­dats ont tiré à côté. Le sous-offi­cier char­gé de lui don­ner le coup de grâce s’y repren­dra à six fois et devra aller cher­cher un second revol­ver avant que Degueldre ne meure.)
Albert : pour Sgt Albert Dovecar. Légionnaire. Il sort de sa cel­lule le 7 juin 1962, coif­fé de son béret vert, revê­tu de sa tenue camou­flée sur laquelle sont accro­chées ses déco­ra­tions, il noue autour de son cou le fou­lard vert du 1er REP qui porte l’ins­crip­tion : « On ne peut deman­der à un sol­dat de se par­ju­rer. »
Claude : pour Claude Piegts. Pied-noir qui s’en­gage auprès du légion­naire Degueldre pour sau­ver son pays. Il est des hommes dont le mot patrie a encore un sens.
- Bastien : pour Col. Jean Bastien-Thiry(1). On note­ra ici l’er­reur de pré­nom Bastien pour Jean. Brillant poly­tech­ni­cien, ingé­nieur de l’ar­me­ment(2).
Comme tous les condam­nés pour leurs actions pen­dant la guerre d’Algérie, il est amnis­tié post mor­tem en 1968, et réin­té­gré dans ses dis­tinc­tions, grades et pré­ro­ga­tives en 1974 et 1982.
Il est donc lar­ge­ment temps de rendre l’hom­mage que méritent ces hommes, sur-déco­rés, qui ont don­né leur vie à la France. Je pro­pose qu’une plaque de ce type (ima­ge­ci-des­sous) rem­place celle en place au cime­tière. Je suis prêt à me rap­pro­cher de vous avec M. Perez dans ce sens.
Je vous prie de rece­voir, M. le Maire, mes sen­ti­ments les meilleurs.

Stèle OAS - Béziers - Robert Ménard

Stèle OAS - Béziers

Ne don­nant pas de réponse, ni posi­tive ni néga­tive, à cette requête du sou­ve­nir et sup­po­sant que la déli­bé­ra­tion sur le par­rai­nage d’un Régiment de Canjuers n’ob­tien­drait pas l’u­na­ni­mi­té, cette déli­bé­ra­tion n’a pas été mise à l’ordre du jour. Dommage, on ne sau­ra rien des enjeux et moti­va­tions de cette demande de par­rai­nage. L’ex-dépu­tée et conseillère muni­ci­pale Laurence Trastour, cor­res­pon­dant Défense et spé­cia­liste de la chose mili­taire, ne l’a pas enten­du de cette oreille. Elle est inter­ve­nue en Conseil. Elle s’est emmê­lé les crayons, par­lant de « 1er RPIMa » (Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine, sis à Bayonne) pour les 3e RAMa et 1er RCA de Canjuers ou encore le 21e RIMa de Fréjus. Bref, sans doute l’é­mo­tion. Il faut dire que tous ces sigles sont bien com­pli­qués pour qui y est étranger.

Il s’en est sui­vi un bien triste débat hou­leux de 14 minutes qui a été enre­gis­tré jus­qu’à mon inter­ven­tion sur le sujet. Ce fut à qui serait plus patriote que l’autre.

Cette guerre d’Algérie qui, rap­pe­lons-le, a oppo­sé des Français contre des Français a lais­sé des traces indé­lé­biles chez nos com­pa­triotes. L’Algérie, dépar­te­ment fran­çais, avait encore de 1958 à 1962 71 dépu­tés à l’Assemblée natio­nale. Avant que soit fait table rase de 130 ans d’Histoire de France par de Gaulle.

Et puis­qu’il est ques­tion de ter­ro­risme et de gaul­lisme, les bons seront les résis­tants pour que la France reste la France, les mau­vais ont aus­si été des résis­tants pour que la France reste la France. On ne s’en­ten­dra plus sur le sujet. De TOUS les côtés il y a eu des tra­hi­sons impar­don­nables.
Vaste débat, la République a tran­ché, les « mau­vais » ont été amnis­tiés, n’en déplaise aux Gaullistes sélec­tifs. Ils méritent d’être honorés.

Michel Lebon

Notre illus­tra­tion à la une.

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Lire dans nos colonnes : Bastien-Thiry ou l’honneur d’avoir osé du 11 mars 2017

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Michel Lebon

1 commentaire

  1. Et ce n’est pas à cause de ceux qui vou­lait en faire un BEAU pays où il fait bon vivre si depuis ces temps l’Algérie est deve­nue un cloaque (en-dehors des villes), au mépris de tout l’ou­vrage de dingue de Français bien inten­tion­nés qui condui­saient, entre autres, de beaux et grands fer­mages avec l’aide d’au­toch­tones res­pec­tés qui se sont vus aban­don­nés et pour­chas­sés pour cause de « com­pli­ci­té avec l’ennemi ».

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