Pour la mairie de Cagnes-sur-Mer, il y a les bons et les mauvais terroristes
Conseil municipal du 6 octobre 2023, extrait de Nice-Matin :
Voilà un bout de temps que l’élu Reconquête !, Jean-Paul Perez, de Cagnes-sur-Mer a fait une demande précise au maire : installer une stèle au cimetière de La Buffe pour les 60 ans « du retour en France des pieds-noirs ». Favorable à cette idée, Louis Nègre a alors demandé à son opposant de lui soumettre des noms et une phrase à inscrire sur la stèle. Les voici : « A nos morts pour l’Algérie française, militaires, civils, harkis. Aux fusillés : Bastien Thiry, Roger Degueldre, Claude Piegts, Albert Dovecar. » Avec cette phrase : « Le temps passe sans que la mémoire ne s’efface, n’oublions jamais.« Le maire n’a pas accepté cette proposition. De son côté, Jean-Paul Perez n’est pas étonné. Il confie, quelques jours après le conseil municipal : « Je savais qu’il refuserait parce que, pour le gouvernement français, ils sont considérés comme des terroristes.« L’opposant d’extrême droite informe qu’il a rendez-vous avec le maire à ce sujet, le 20 octobre. La conséquence de ce désaccord entre Louis Nègre et Jean-Paul Perez ? Le report du vote d’une délibération. Car celle-ci doit être adoptée à l’unanimité et l’opposant comptait bien s’y opposer. La délibération en question portait sur la volonté de parrainage militaire d’une unité opérationnelle des forces armées. Le 1er régiment de chasseurs d’Afrique (RCA) basé au camp militaire de Canjuers (Var). |
Avant le Conseil municipal suivant qui s’est tenu le 14 décembre :
Afin de motiver cette demande de M. Perez, M. Lebon, interrogé sur le sujet par la Mairie, a adressé cette lettre au Maire
À l’attention de M. Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer Objet : stèle des fusillés pour l’Algérie française Pour donner suite à la conversation téléphonique que j’ai eue avec M. Lucas ce jour, s’agissant de mon positionnement dans le groupe Alliance des droites. Une plaque existe déjà mais ne peut rester en l’état. On y lit une liste de prénoms qui n’a aucun sens. Peut-on imaginer sur nos monuments aux morts Pierre, Paul, Jacques… morts pour la France ?Ces hommes ont été fusillés en 1962 et 63 par un tribunal militaire de l’État français pour être restés fidèles à leur engagement. Ces hommes d’honneur étaient des militaires français, morts pour l’Algérie qui était française. L’Histoire est complexe, faite de trahisons des deux côtés. Beaucoup de nos compatriotes portent encore les souffrances qu’ils ont dû endurer pour abandonner un pays qu’ils ont entièrement créé. On y lit : • Roger : pour Lt Roger Degueldre. Légionnaire. Son exécution a été un summum d’ignominie. Pour cette seule raison, je resterai toujours contre la peine de mort. (Les trois premiers officiers ayant refusé l’ordre de former le peloton d’exécution, ils sont sanctionnés, rayés des cadres et mis aux arrêts. Les officiers suivants qui ont refusé l’ordre ont également été sanctionnés. Une balle seulement sur les onze du peloton d’exécution l’aurait atteint. Les soldats ont tiré à côté. Le sous-officier chargé de lui donner le coup de grâce s’y reprendra à six fois et devra aller chercher un second revolver avant que Degueldre ne meure.) • Albert : pour Sgt Albert Dovecar. Légionnaire. Il sort de sa cellule le 7 juin 1962, coiffé de son béret vert, revêtu de sa tenue camouflée sur laquelle sont accrochées ses décorations, il noue autour de son cou le foulard vert du 1er REP qui porte l’inscription : « On ne peut demander à un soldat de se parjurer. » • Claude : pour Claude Piegts. Pied-noir qui s’engage auprès du légionnaire Degueldre pour sauver son pays. Il est des hommes dont le mot patrie a encore un sens. - Bastien : pour Col. Jean Bastien-Thiry(1). On notera ici l’erreur de prénom Bastien pour Jean. Brillant polytechnicien, ingénieur de l’armement(2). Comme tous les condamnés pour leurs actions pendant la guerre d’Algérie, il est amnistié post mortem en 1968, et réintégré dans ses distinctions, grades et prérogatives en 1974 et 1982. Il est donc largement temps de rendre l’hommage que méritent ces hommes, sur-décorés, qui ont donné leur vie à la France. Je propose qu’une plaque de ce type (imageci-dessous) remplace celle en place au cimetière. Je suis prêt à me rapprocher de vous avec M. Perez dans ce sens. Je vous prie de recevoir, M. le Maire, mes sentiments les meilleurs. |
Ne donnant pas de réponse, ni positive ni négative, à cette requête du souvenir et supposant que la délibération sur le parrainage d’un Régiment de Canjuers n’obtiendrait pas l’unanimité, cette délibération n’a pas été mise à l’ordre du jour. Dommage, on ne saura rien des enjeux et motivations de cette demande de parrainage. L’ex-députée et conseillère municipale Laurence Trastour, correspondant Défense et spécialiste de la chose militaire, ne l’a pas entendu de cette oreille. Elle est intervenue en Conseil. Elle s’est emmêlé les crayons, parlant de « 1er RPIMa » (Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine, sis à Bayonne) pour les 3e RAMa et 1er RCA de Canjuers ou encore le 21e RIMa de Fréjus. Bref, sans doute l’émotion. Il faut dire que tous ces sigles sont bien compliqués pour qui y est étranger.
Il s’en est suivi un bien triste débat houleux de 14 minutes qui a été enregistré jusqu’à mon intervention sur le sujet. Ce fut à qui serait plus patriote que l’autre.
Cette guerre d’Algérie qui, rappelons-le, a opposé des Français contre des Français a laissé des traces indélébiles chez nos compatriotes. L’Algérie, département français, avait encore de 1958 à 1962 71 députés à l’Assemblée nationale. Avant que soit fait table rase de 130 ans d’Histoire de France par de Gaulle.
Et puisqu’il est question de terrorisme et de gaullisme, les bons seront les résistants pour que la France reste la France, les mauvais ont aussi été des résistants pour que la France reste la France. On ne s’entendra plus sur le sujet. De TOUS les côtés il y a eu des trahisons impardonnables.
Vaste débat, la République a tranché, les « mauvais » ont été amnistiés, n’en déplaise aux Gaullistes sélectifs. Ils méritent d’être honorés.
Michel Lebon
Notre illustration à la une.
Lire dans nos colonnes : Bastien-Thiry ou l’honneur d’avoir osé du 11 mars 2017
Et ce n’est pas à cause de ceux qui voulait en faire un BEAU pays où il fait bon vivre si depuis ces temps l’Algérie est devenue un cloaque (en-dehors des villes), au mépris de tout l’ouvrage de dingue de Français bien intentionnés qui conduisaient, entre autres, de beaux et grands fermages avec l’aide d’autochtones respectés qui se sont vus abandonnés et pourchassés pour cause de « complicité avec l’ennemi ».