Le Cardinal Sarah voit en l’Afrique le poumon spirituel de l’humanité. Sous condition.

En visite en Côte d’Ivoire, le Cardinal Sarah voit en l’Afrique le poumon spirituel de l’humanité. Sous condition.

Par Jean-Michel Lavoizard

La semaine du 24 février a été mar­quée, en Côte d’Ivoire, par des confé­rences-débats de haute volée intel­lec­tuelle et spi­ri­tuelle, orga­ni­sées par « l’Association des Anciens du Petit Séminaire de Bingerville », près d’Abidjan, à l’occasion de son Jubilé d’or. La pré­sence de Son Éminence Robert Sarah, ori­gi­naire de Guinée Conakry et sémi­na­riste ici en 1957, a com­blé les attentes géné­rales envers cette haute auto­ri­té morale qui voit en l’Afrique le pou­mon spi­ri­tuel de l’humanité ; sous condition.

Créé car­di­nal par le pape Benoit XVI dont il se dit le fidèle pro­lon­ga­teur de la pen­sée doc­tri­nale, Robert Sarah a occu­pé de 2014 à 2021 la fonc­tion de pré­fet de la Congrégation pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments. Retraité inlas­sa­ble­ment actif et enga­gé, à quatre-vingts ans il est l’auteur à suc­cès d’essais pro­fonds, lucides et éclai­rants, ain­si que de prises de posi­tions cou­ra­geuses car à contre-cou­rant de l’air du temps. Son franc-par­ler, mai­tri­sé et res­pec­tueux, dérange par­fois ceux qui ne l’ont pas lu, ou mal entendu.

Choisi très jeune et édi­fié par le car­di­nal Ratzinger deve­nu Pape Benoit XVI, la foi du car­di­nal Sarah est indé­fec­ti­ble­ment fidèle à la Révélation, au Magistère et à la Tradition. Elle s’est affer­mie face au spec­tacle conti­nuel d’influences per­son­nelles néfastes et de cou­rants doc­tri­naux délé­tères autour et au sein de l’Église, qui ont tra­hi l’esprit et par­fois la lettre du Concile Vatican II (1962−65). Conservateur ouvert et accueillant, ora­teur cha­ris­ma­tique, d’une radi­ca­li­té assu­mée qui plonge à la racine des sujets(1), il cultive en toutes cir­cons­tances un style d’expression simple et sobre, clair et pré­cis, acces­sible à tous. Il endosse avec abné­ga­tion le rôle de gar­dien de l’orthodoxie catho­lique, déca­lé de la doxa idéo­lo­gique de notre époque sur les sujets de socié­té les plus sen­sibles, sans tabou ni totem.

Signes des temps, les confé­rences ont por­té sur le dia­logue inter­re­li­gieux en Afrique(2), ferment de paix dans des socié­tés diver­si­fiées en effer­ves­cence dont les com­mu­nau­tés veulent coha­bi­ter sans renier leurs iden­ti­tés, ain­si que sur la diplo­ma­tie active du Saint Siège, poli­ti­que­ment neutre, qui met son exper­tise en huma­ni­té au ser­vice de l’Espérance et du Bien com­mun. Le car­di­nal Sarah a par­ta­gé de nom­breux témoi­gnages de vie et ensei­gne­ments de foi, empreints de réflexions péné­trantes, docu­men­tées et argu­men­tées. Il actua­lise la révé­la­tion de Saint Jean-Paul II sur la mis­sion évan­gé­li­sa­trice de l’Église en Afrique(3) ; puis de Benoit XVI, qui, en 2009, voyait déjà en ce conti­nent « le pou­mon spi­ri­tuel de l’humanité ».

Toutefois,
lors d’une confé­rence magis­trale sur « Le silence dans la litur­gie et l’inculturation du mes­sage chré­tien »(4), il a édi­fié, par­fois sur­pris, un large audi­toire de laïcs et de reli­gieux afri­cains par des pro­pos sévères sur une « désas­treuse ten­dance » afri­caine à l’exagération dans l’expressivité de la foi, par une musique omni­pré­sente, des chants enva­his­sants, des danses exu­bé­rantes, des bavar­dages creux. Il rap­pelle que ces mani­fes­ta­tions super­fi­cielles d’excitation cor­po­relle, imi­ta­tions de pra­tiques chré­tiennes non catho­liques (mais absentes du culte musul­man), nuisent au recueille­ment néces­saire à un dia­logue intime avec Dieu et au res­sour­ce­ment du fidèle ; à la contem­pla­tion divine et à la res­pi­ra­tion spi­ri­tuelle que seul per­met un silence plein et sub­stan­tiel(5), « col­loque per­son­nel et intime avec Dieu ». De même, l’inculturation ne doit pas se tra­duire par un folk­lore reli­gieux, ni sur­éva­luer les cultures, qui ne sont que des pro­duc­tions humaines. Elle doit pré­ser­ver la force de la cel­lule fami­liale comme acquis fondamental.

Le car­di­nal Sarah appelle ain­si avec force à un renou­veau litur­gique de qua­li­té et à une incul­tu­ra­tion qui laisse Dieu des­cendre et entrer dans les cultures locales pour les trans­for­mer sans en détruire la sub­stance, les rendre com­pa­tibles avec l’Évangile et per­mettre leur com­mu­nion avec l’Église uni­ver­selle, condi­tion néces­saire pour que l’Afrique s’affirme comme pou­mon spi­ri­tuel de l’humanité. Par là, ce conser­va­teur ouvert se montre plus révo­lu­tion­naire que les cou­rants idéo­lo­giques pré­ten­du­ment pro­gres­sistes, de fait régres­sifs(6). Car « le pro­grès est une réa­li­té qui s’augmente et s’améliore tout en res­tant elle-même », nous dit le car­di­nal dans Le soir approche et déjà le jour baisse(7). Nul doute que son pro­chain essai sur l’âme, appor­te­ra un nou­vel appro­fon­dis­se­ment salutaire.

Jean-Michel Lavoizard

Dieu ou rien - Cardinal Robert Sarah Force-du-silence - Cardinal Robert Sarah - avec Nicolas Diat Soir approche Jour baisse - Cardinal Robert Sarah - avec Nicolas Diat

Le dia­logue inter-reli­gieux en Côte d’Ivoire
Mgr Jean-Sylvain Mambé Emien

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Conférence : Le silence dans la litur­gie et l’in­cul­tu­ra­tion du mes­sage chré­tien en Afrique
Cardinal Robert Sarah

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Aris - Jean-Michel LavoizardJean-Michel Lavoizard est le diri­geant-fon­da­teur de la socié­té ARIS – Advanced Research & Intelligence Services.

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Jean-Michel Lavoizard

2 Commentaires 

  1. Étonnamment, les mer­dias ne parlent pas de ce grand homme : il est contre l’immigration !
    Pour lui, les peuples afri­cains doivent déve­lop­per LEUR conti­nent, et non partir !

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  2. Jean Claude
    Je crois qu’il est grand’­temps de relire les Évangiles et sur­tout la Révélation (tout le cha­pitre 17 sur Babylone la Grande) !
    Le but du Christ a tou­jours été d’é­ta­blir son royaume (la prière modèle) pour gou­ver­ner la terre à la place des nations, nor­mal, puisque celles-ci, sous la gou­ver­nance du Diable (père du men­songe) ont lar­ge­ment échoué à rendre les hommes heu­reux, comme cela était pré­vu… avant la déso­béis­sance d’Adam (vieille his­toire, dans Génese).
    Les faits sont là : toutes les reli­gions régressent dans le monde, soit com­bat­tues, soit désaf­fec­tées par leurs fidèles, il s’a­git bien de cette Babylone (départ des fausses croyances sur Dieu) la Grande (sur toute la terre habi­tée, donc toutes les reli­gions).
    Désolé, je n’y suis pour rien, je ne fais que lire bête­ment, et y trouve tel­le­ment d’é­vi­dences (enfin, si on fait abs­trac­tion de l’é­go­cen­trisme humain).

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