Le Midi Blanc est de retour
Pour paraphraser Alphonse Daudet dans la langue de Mistral : « Quau noun a vist la Prouvènço au tèms di Rèi, n’a rèn vist. » Et pour avoir un aperçu de cette belle Provence royaliste, il fallait assister ce dimanche 11 juin au « Midi Blanc », rencontre organisée d’une main de maître par les sections provençales de l’Action Française. Pas de panique cependant si vous avez raté l’événement cette année, forts d’être parvenus à se rassembler en nombre, les royalistes de Provence comptent bien inscrire dans la durée ce rendez-vous politique majeur à l’agenda de notre belle région.
Réunis dans le cadre enchanteur d’une vieille bastide varoise entourée de vignes et d’oliviers, il faisait bon flâner ce dimanche sur les graviers de la cour, à l’ombre de vieux tilleuls en fleur. Au milieu de stands tenus par des militants de l’Action Française, tout en feuilletant des revues royalistes et autres rééditions d’ouvrages de Maurras et ses disciples, on pouvait d’ores et déjà apercevoir Renaud Camus déambuler entre des sympathisants arrivant toujours plus nombreux. Impeccablement vêtu d’un pantalon beige et d’une veste tout aussi blanche que sa barbe, l’écrivain de 76 ans, connu pour avoir le premier donné son véritable nom au « Grand Remplacement »(1) en cours, a répondu présent à l’événement et s’apprête à inscrire ses pas dans le sillage prestigieux des Boutang, Raspail et autres Volkoff, venus en leur temps eux aussi porter leur art oratoire inspiré devant une assemblée royaliste.
Avant la conférence inaugurale de Renaud Camus tant attendue par un public que l’on devine acquis à sa cause, c’est le président de la Fédération royaliste de Provence, Jean Gugliotta, qui prend place sur l’estrade, cerné par deux bannières provençales et un drapeau de l’Action Française, pour annoncer la bienvenue aux sympathisants royalistes venus en masse pour ce renouveau du « Midi Blanc ». Il enjoint l’audience à renouer avec notre longue tradition royaliste dans cette Provence si chère au cœur de Maurras et à lutter contre le mythe d’une Provence uniformément rouge. Il clôture son discours en nous intimant de « voir Berre », comme l’écrivait le maître de Martigues, c’est-à-dire voir le chemin qui conduit chez nous. Et dans ce Midi Blanc, en ce dimanche matin, on se sent en effet comme à la maison.
C’est donc au tour de Renaud Camus de prendre la parole et de dérouler son habituel et implacable diagnostic sur les petits et grands remplacements à l’œuvre dans notre pays et qui partout assaillent notre civilisation. Concernant ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « Grand Remplacement », l’auteur prend bien soin de rappeler à son public qu’il ne s’agit là en aucun cas d’une « théorie »(1) , comme ses nombreux détracteurs aiment à la présenter, mais bel et bien d’un simple constat sensible qu’il ne s’abaissera jamais à démontrer à l’aide de chiffres : « Doit-on après tout fournir des preuves chiffrées pour prouver qu’un tremblement de terre ou un tsunami ont bien eu lieu ?» En s’en prenant aux négationnistes modernes qui feignent de nier la chose pour lui permettre de mieux s’accomplir, Camus nous explique que le grand remplacement sera parfaitement accompli en France le jour où il n’y aura plus un seul étranger sur notre sol (les innombrables vagues de naturalisations aidant).
Après avoir souligné qu’il s’agissait sous nos yeux de la première colonisation de l’histoire à s’effectuer aux frais des colonisés, Camus embraye sur l’autre volet de son analyse, tout aussi pertinent bien que généralement moins médiatisé, je veux parler de son « Petit Remplacement », corollaire pourtant indispensable à son « Grand Remplacement ». Car pour l’auteur, notre société est marquée du sceau maudit de l’interchangeabilité de toute chose et de tout être. Et son « Petit Remplacement » témoigne de l’avènement moderne du « bidon », de cet univers du faux réel prophétisé déjà par Guy Debord à la fin des années soixante et perçu par Céline lui-même, notre écrivain génial à la perspicacité foudroyante et au flair infaillible, encore dix ans plus tôt, dans son D’un château l’autre, où il notait déjà que tout était devenu « tocard et con ». Avec comme figure de proue celle du « trans », notre époque n’en peut plus de révérer tout ce qui n’est plus ce qu’il a un jour été. Pour les maurrassiens les plus lucides de l’assemblée, le « petit remplacement », c’est le constat douloureux que le « pays réel » n’existe plus (ce qu’avait déjà en partie acté Boutang) et que l’étang de Berre bucolique de Maurras a lui aussi été remplacé par un étang pétrochimique nettement moins idyllique.
Renaud Camus vient finalement mettre un terme à sa conférence avec des accents de dissidents soviétiques, continuant de croire qu’une étincelle de vérité, portée par quelques rares individus courageux, restera toujours le meilleur moyen de mettre à bas un monde construit à l’image du nôtre sur un mensonge intégral. De la même manière, il enjoint également son auditoire à s’inspirer des combats anticoloniaux du siècle passé, nous rappelant au passage cette réalité usurpée que les « indigènes » (je n’irai pas ici jusqu’à dire « de la république »), en réalité, c’est quand même bien nous. Enfin, en se réclamant du seul écologisme conséquent qu’il soit, c’est-à-dire anti-consumériste, favorable à la biodiversité humaine et malthusien (avec l’idéal pour lui d’une France à 50 millions d’habitants), Camus vient clôturer plus d’une heure de discours sous un tonnerre d’applaudissements. Une bonne partie du public restera pourtant quelque peu flouée par cette dernière injonction malthusienne, trouvant là une aporie(2) considérable dans la pensée camusienne et un écueil dans sa stratégie de lutte contre le « Grand Remplacement ». Elle ne manquera pas de lui faire vigoureusement savoir durant toute la séance de questions qui lui sera accordée.
Mais l’heure du déjeuner, sans crier gare, est déjà arrivée jusqu’à nous, et c’est un verre de vin à la main que les participants se dirigent à l’unisson vers les deux tables immensément longues qui ont été soigneusement dressées pour ce moment crucial de la journée et si cher à ce bon Léon Daudet, le banquet. Au menu, grillades et vins de la propriété, avec de nombreux chants venant régulièrement entrecouper le repas. Des traditionnelles chansons royalistes à notre hymne mistralien du Félibrige, l’éternelle Coupo Santo(3), sans oublier au passage quelques chants militaires à la gloire de l’Algérie française, les pieds noirs et leurs descendants ayant toujours pu fidèlement compter sur les royalistes français pour trouver, en leur compagnie, un ultime refuge politique inespéré, plus que jamais depuis la disparition du Front National historique.
Après toutes ces réjouissances et bons moments de convivialité, il faut malgré tout penser à reprendre le cercle de conférences. Et à une heure où la sieste du dimanche est quasiment institutionnelle en Provence, c’est au très sympathique Thomas Taquin, historien aussi passionné qu’érudit, que revient la lourde tâche d’aborder le sujet de « Toulon sous la Révolution française » face à un auditoire en pleine digestion et bercé par la douceur rafraîchissante des vents annonciateurs d’orages. Mais que grâce lui soit rendue, Thomas Taquin relèvera ce défi avec brio, parvenant à rendre passionnante sa narration, depuis l’insoumission d’une partie du peuple toulonnais restée fidèle à l’Ancien Régime jusqu’à la grande répression sanglante de décembre 1793, où la ville bascula définitivement du côté des révolutionnaires.
La journée prendra fin avec la bénédiction d’Hilaire de Crémiers, royaliste notoire et proche du prince Jean, qui ne manquera pas d’appuyer encore un bon coup sur l’ignominie congénitale de la république et de tous les républicains ayant existé jusqu’à nos jours, sans oublier au passage les demi-républicains contrariés qui continuent d’ajouter piteusement « et surtout vive la France » après avoir lâchement répété avec la canaille « vive la république ». Car depuis la mort de Louis XVI, pour Hilaire de Crémiers, les hommes politiques qui se sont succédé, de Napoléon à notre grotesque Macron, en passant par l’intouchable de Gaulle, auront tous vainement trimballé avec eux leur amour-propre démesuré dans une quête aussi perpétuelle qu’inatteignable de légitimité, oubliant toujours de s’effacer devant la patrie qu’ils étaient censé servir. Et alors que notre orateur commence à peine à s’échauffer, et que notre petit Macron en prend toujours plus violemment pour son grade, l’orage que l’on sentait poindre depuis quelques instants déjà, vient hâter prématurément la fin de son discours. En se réfugiant chacun comme il le peut à l’abri des arbres alentour, nous parvenons tout juste à entendre la voix d’Hilaire de Crémiers nous haranguer, dans une ultime ruade, que la France est plus que jamais exsangue et que son effondrement imminent est finalement bien souhaitable.
La journée venait de prendre fin et chacun de nous pouvait dès lors rentrer chez soi le cœur léger. Après l’aridité interminable de tous ces mois de sécheresse que avions connue, la douceur salvatrice de la pluie renouait à nouveau avec le sol provençal.
Tom Benejam
15 juin 2023
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3 Commentaires
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Note :
Lire dans nos colonnes : Le Grand Remplacement n’est plus une théorie… du 12 octobre 2019
Note :
Aporie : Contradiction insoluble dans un raisonnement
Que la FRANCE sentirait bon si de telles réunions perduraient !!!
Pourquoi ? La France elle sent mauvais ?
Ceux qui la gouvernent, oui.