Certes le com­por­te­ment des élus en France glisse trop sou­vent de la rubrique poli­tique aux faits divers et à la chro­nique judi­ciaire. Mais dans le Var c’est presque une marque de fabrique. Quelques exemples d’une année 2015, ordi­naire en somme.

L’année 2014 s’était ter­mi­née sur le scan­dale, vite étouf­fé, des ver­se­ments d’argent à une tren­taine de séna­teurs. C’était l’affaire natio­nale impli­quant les groupes UMP et URS (Union répu­bli­caine du Sénat), c’est-à-dire une poi­gnée de séna­teurs UMP et cen­tristes. Déjà le Var était cité, l’un des séna­teurs du dépar­te­ment se trou­vant par­mi les béné­fi­ciaires de cette manne. Et pas le moindre : Hubert Falco en per­sonne, ancien ministre, séna­teur-maire de Toulon. Il s’en était tiré en sobrié­té, se conten­tant de répondre qu’il s’agissait d’un « com­plé­ment d’indemnité ». Depuis lors ni la jus­tice ni la presse ne semblent avoir accor­dé plus d’importance à ces trans­ferts d’espèces et de chèques au pro­fit d’élus de la république.

Les années se suivent et se ressemblent

L’année 2015 n’est pas finie et d’ores et déjà l’on sait que le flot d’affaires ne s’est pas tari, cou­vrant tout le dépar­te­ment. Citons-en quelques-unes, la mémoire finis­sant ici par clas­ser comme habi­tuels des actes qui n’ont pour­tant rien de nor­mal ni de légal.

Luc Jousse, maire de Roquebrune-sur-Argens, condam­né en pre­mière ins­tance et une nou­velle fois en appel pour détour­ne­ment de fonds, avec amende et inéli­gi­bi­li­té. Selon son habi­tude, l’intéressé dit être vic­time d’un achar­ne­ment judi­ciaire. Et pousse la contre-offen­sive en for­mant un pour­voi en cas­sa­tion. Dernière chance ou baroud désespéré ?

Ferdinand Bernhard, maire de Sanary, mis en exa­men pour favo­ri­tisme, détour­ne­ment de fonds et prise illé­gale d’intérêt. La cour d’appel a accep­té de bais­ser sa cau­tion de 80 000 à 60 000 €, alors qu’elle consta­tait qu’il avait mini­mi­sé ses reve­nus décla­rés, ceci dans un rap­port de un à quatre tout de même.

Marc Giraud, ancien maire de Carqueiranne et pré­sident du Conseil dépar­te­men­tal, mis en exa­men pour détour­ne­ment de fonds publics à l’issue d’une garde à vue infli­gée conco­mi­tam­ment à son direc­teur de cabi­net et à l’ancien direc­teur géné­ral des ser­vices de la ville. Auparavant c’est Patricia Arnould, fonc­tion­naire char­gée d’une « mis­sion sociale » à Carqueiranne, adjointe au maire de La Crau et élue en binôme avec Marc Giraud au Conseil dépar­te­men­tal, qui avait été mise en exa­men par le juge.

Gabriel Tambon, maire du Castellet, condam­né pour har­cè­le­ment et des­ti­tué par le Tribunal cor­rec­tion­nel de Toulon. Avait réci­di­vé. Désormais inter­dit d’exercer toute fonc­tion publique.

François de Canson, maire de La-Londe-les-Maures, mis en cause par la Chambre régio­nale des comptes pour irré­gu­la­ri­tés dans la ges­tion de la SEM (Société d’économie mixte) dont il est paral­lè­le­ment le pré­sident-direc­teur géné­ral. La CRC a rele­vé des ano­ma­lies et irré­gu­la­ri­tés dans le recru­te­ment du per­son­nel, la pas­sa­tion des mar­chés, l’octroi de réduc­tions tari­faires ou d’exonérations à des usa­gers et des com­mer­çants, ain­si que dans l’attribution des anneaux portuaires.

La ville d’Hyères, dont le maire est Jean-Pierre Giran, condam­née dans une affaire de DSP (Délégation de ser­vice public) concer­nant une conces­sion de plage, la CAO (Commission d’appel d’offres) de la muni­ci­pa­li­té étant sévè­re­ment cri­ti­quée au pas­sage. Le maire n’a pas fait appel.

Josette Pons, dépu­tée du Var et maire de Brignoles, sous le coup d’une plainte du pro­cu­reur de Paris, qui avait été sai­si par la Haute auto­ri­té pour la trans­pa­rence dans la vie publique. Il existe un doute sérieux quant à l’exhaustivité, l’exactitude et la sin­cé­ri­té de sa décla­ra­tion de situa­tion patrimoniale.

Ajoutez à ceci les pali­no­dies indignes et bur­lesques des diverses fac­tions se déchi­rant au sein du conseil muni­ci­pal de Bandol. Au point que même Var-Matin, peu sus­pect pour­tant d’antipathie pour les mou­vances appar­te­nant peu ou prou à la sphère d’influence Falco, finit par se dou­ter d’un énième coup de com du maire Jean-Paul Joseph : la mise en scène de la démis­sion col­lec­tive du conseil muni­ci­pal. Pendant ces pagno­lades – le talent en moins par rap­port au Maître – la ges­tion de la com­mune et les pro­blèmes des ban­do­lais peuvent attendre.

Peccadilles à côté de ce qui pré­cède : la condam­na­tion pour exhi­bi­tion sexuelle avec inéli­gi­bi­li­té de l’adjoint aux finances du maire de Fayence, ou encore l’attitude pué­rile et pitoyable de cette jeune conseillère muni­ci­pale de Toulon, qui a ten­té d’intimider un com­mis­saire de police lors d’un contrôle de pré­ven­tion rou­tière, en pré­sence du direc­teur de cabi­net du pré­fet du Var et d’un jour­na­liste de Var-Matin…

Tous les bords poli­tiques sont atteints

Mais la droite, au sens large du terme, ne pos­sède pas le mono­pole de la déviance ou de la condam­na­tion. Pour faire bonne mesure, la gauche et le Front National sont – un peu – tou­chés. Mais très peu en com­pa­rai­son. Il est vrai que leur nombre d’élus est retreint, au regard de l’ensemble Les Républicains (élus sous l’étiquette UMP) – UDIMODEM – divers droite.

Citons par exemple Joël Canapa, ex-can­di­dat PRG-PS (Parti Radical de Gauche – Parti Socialiste) aux muni­ci­pales à La Garde, ancien direc­teur géné­ral de l’office HLM de La-Seyne-sur-Mer Terres du Sud Habitat, qui s’est bien tiré d’une affaire de sur­fac­tu­ra­tion. Il a éco­pé d’une simple amende de 10 000 €, alors que les réqui­si­tions du pro­cu­reur s’élevaient à trois ans de pri­son avec sur­sis, 120 000 € d’amende et inter­dic­tion d’exercer une fonc­tion publique.

Ou encore David Guis, élu Bleu Marine au conseil muni­ci­pal de Sanary, qui n’a pas quant à lui béné­fi­cié de la même clé­mence. Pour avoir por­té comme colis­tières deux per­sonnes âgées dans des condi­tions que le juge a consi­dé­rées comme abu­sives, il a éco­pé de 2 000 € d’amende et 3 000 € avec sur­sis pour faux et usage de faux, obten­tion frau­du­leuse de docu­ment admi­nis­tra­tif et ins­crip­tion indue sur une liste élec­to­rale. L’une des vieilles dames a beau avoir 102 ans d’âge, l’addition paraît lourde en vis-à-vis de la peine infli­gée à Joël Canapa.

Un cli­ché récur­rent pour l’image du Var

Circonstance aggra­vante pour la cré­di­bi­li­té et la pré­somp­tion de bonne foi de plu­sieurs édiles de droite épin­glés, cer­tains d’entre eux font sup­por­ter leurs frais de défense, notam­ment d’importants hono­raires d’avocats, par la com­mune. C’est-à-dire qu’ils font finan­cer leurs sup­po­sées ou avé­rées tur­pi­tudes par le citoyen-contri­buable. Moralement indé­fen­dable, cette pra­tique ne pour­rait être juri­di­que­ment fon­dée que dans l’hypothèse d’une faute non inten­tion­nelle com­mise dans l’exercice des fonc­tions d’élu. Ce qui est rare­ment le cas de figure, du moins dans les exemples rap­por­tés ci-des­sus. Or il aura fal­lu du temps, par exemple, pour que le pré­fet Pierre Soubelet réagisse, en dépo­sant enfin une requête contre une déci­sion des élus de Roquebrune des­ti­née à faire payer encore une fois les frais de jus­tice de Luc Jousse par la ville. Les conseillers muni­ci­paux de Roquebrune-sur-Argens igno­raient-ils que, ce fai­sant, ils enga­geaient leur res­pon­sa­bi­li­té personnelle ?

En tout état de cause ces façons de vivre la poli­tique dans le Var ne sont pas près de redon­ner confiance aux citoyens envers le per­son­nel poli­ti­cien. La dérive de la poli­tique vers les faits divers et les cours de jus­tice n’indigne plus vrai­ment, à com­men­cer par les médias, en par­ti­cu­lier Var-Matin. Les gardes à vue s’égrènent en cha­pe­let avec les mises en exa­men et les condam­na­tions, dans une atmo­sphère de déjà vu confi­nant à la rési­gna­tion. L’image du Var n’en sort ni gran­die ni embel­lie. Bien sûr on n’est pas reve­nu aux erre­ments mafieux de l’époque Arreckx-Fargette, ni aux crimes de sang comme l’assassinat de Yann Piat, mais l’ombre por­tée de ce pas­sé encore récent semble avoir lais­sé des traces dif­fuses de conta­mi­na­tion. La cor­rup­tion consti­tue-t-elle un fac­teur cultu­rel, voire struc­tu­rel de la poli­tique varoise ? En tout cas l’attractivité du ter­ri­toire n’en paraît pas renforcée.

Toulon, François LEBOURG, 9 novembre 2015