L’Hebdo Varois 16–2016

À deux reprise cet été 2016, il a été question dans les médias d’incidents et de violences à Toulon, des femmes ayant été agressées alors que, et parce que, elles portaient un short. Ces exactions ont fait l’objet de plus de reprises dans la presse nationale que dans le journal officiel local, Var-Matin. Sans les communiqués politiques, l’organe bien-pensant du département se serait même montré volontiers plus discret encore. Pourtant les formulations neutres et aseptisées que ce dernier a employées ajoutées à la faible visibilité donnée au traitement, avaient été choisies avec suffisamment de soin pour tenter de banaliser en faits-divers ces événements. Qui, il est vrai, bousculent un peu trop aux yeux de certains le politiquement-correct obligatoire et le vivre-ensemble sacralisé.

Un été particulièrement chaud et ensoleillé dans le Var

C’est bien connu, nous sommes dans le Var – et à Toulon en par­ti­cu­lier – les cham­pions de France du nombre de jour­nées de soleil par an. Il est exact qu’après une fin d’hiver et un prin­temps plu­tôt humides, l’été varois qui se pro­longe encore à la mi-sep­tembre s’est révé­lé sec, lumi­neux et chaud. Au point de voir fleu­rir, plus encore que de cou­tume sai­son­nière, les tenues court-vêtues. Notamment le short qui, lorsqu’il est bien por­té, ajoute à la fré­quen­ta­tion de nos rues l’esthétique plas­tique des corps. Dans la plu­part des cas du moins, l’autocensure n’étant pas tou­jours aus­si bien répan­due que le bon sens est dit-on par­ta­gé. Sans par­ler du confort de ce vête­ment sous la cani­cule pour ceux, en l’occurrence celles, qui le portent. Tout irait ain­si pour le mieux dans le meilleur des mondes médi­ter­ra­néens. Sauf que ça ne plaît pas, pré­ci­sé­ment, à tout le monde. On ne parle pas ici des tra­di­tion­nels regards répro­ba­teurs des jalouses ou des puri­tains. Il s’agit de pas­sages à l’acte, avec vio­lences ver­bales et sou­vent phy­siques. C’est nou­veau, c’est récur­rent, c’est inquiétant.

Une première alerte en juin était déjà symptomatique

À la mi-juin, une jeune femme en short, à la tenue décente et car­ré­ment cou­rante à Toulon, avait été prise à par­tie dans le bus, ligne 3, entre les plages du Mourillon et le centre ville. Agressée, insul­tée, mena­cée, elle n’avait dû son salut qu’à sa des­cente pré­ma­tu­rée à un arrêt, pour trou­ver un répit au milieu d’un groupe de per­sonnes qui atten­daient le bus. Les cinq filles qui la pour­sui­vaient de leur haine l’ont encore har­ce­lée un quart d’heure avant de par­tir, non sans lui avoir cra­ché des­sus. Cet inci­dent n’avait été dénon­cé avec vigueur que par le Front natio­nal, avec un com­mu­ni­qué expli­cite et la pré­sence d’une élue à la marche des shorts orga­ni­sée en réac­tion… par Cécile Muschotti, can­di­date mal­heu­reuse de la gauche aux élec­tions régio­nales dans le Var !

C’est dire si les droits des femmes fai­saient consen­sus aux deux extré­mi­tés de l’éventail poli­tique, sans pour autant sou­le­ver l’enthousiasme des autres par­tis, ni des foules, la marche n’ayant réuni qu’une cen­taine de personnes.

Plus violente encore, une nouvelle agression

Après le 15 juin, c’est le 5 de ce mois sep­tembre 2016 qui a vu se renou­ve­ler l’intolérance. Dans un autre quar­tier, sur un mode plus col­lec­tif et bru­tal. Une famille ter­mi­nait une balade en patins à rou­lette et en vélos, quand en ren­trant elle est pas­sée à proxi­mi­té de la cité des Œillets. Et là c’est le guet-apens. Une dizaine de per­sonnes s’en prend aux femmes du groupe fami­lial, à cause de leurs tenues – des shorts dira la pre­mière ver­sion média­tique – jusqu’à ce que leurs hommes demandent du res­pect. Aussitôt « la bande venue de la cité va fondre sur eux et les pas­ser à tabac » rap­porte Var-Matin. Déferlement de vio­lence bar­bare sur les hommes de la famille, frap­pés sau­va­ge­ment jusqu’après avoir été mis à terre. Des ITT (inca­pa­ci­té tem­po­raire de tra­vail) de cinq à trente jours témoignent de l’effroyable achar­ne­ment des sau­va­geons. Commis devant les enfants des deux couples, âgés de 10 à 14 ans. Nouveau com­mu­ni­qué, encore plus indi­gné, du FN Toulon. Suivi d’un pre­mier com­mu­ni­qué sur le sujet du maire, Hubert Falco, expri­mant son sou­tien aux vic­times de cette odieuse agression.

Les faits parais­saient clairs et bien éta­blis. Version dif­fé­rente tou­te­fois quelques jours plus tard, confir­mée par les vic­times elles-mêmes : il appa­raî­trait que les femmes du groupe fami­lial en pro­me­nade vélo-rol­ler n’étaient pas habillées en short. Mais en « tenue de sport », ont-elles tenu à préciser.

Quelques questions au-delà du short

On est alors en droit de s’interroger sur les faits et leur signi­fi­ca­tion, au-delà de la mode ves­ti­men­taire estivale.

Par exemple sur les moti­va­tions de la famille vic­time, réité­rant ses pro­pos sur la sau­va­ge­rie et la bru­ta­li­té de l’agression, confir­mant les pro­pos sexistes pro­fé­rés par la bande des Œillets, mais pro­cla­mant subi­te­ment « c’était pure­ment gra­tuit et nos tenues ne sont pas en cause ».

Ou sur le silence des médias, au pre­mier rang des­quels Var-Matin, sur l’identité des deux pre­mières per­sonnes inter­pe­lées aux Œillets. Comme sur les carac­té­ris­tiques de popu­la­tion des bandes des Œillets en par­ti­cu­lier, et du quar­tier Sainte-Musse en géné­ral. Ainsi que sur l’apparence com­mu­nau­taire de la bande de filles qui avait agres­sé la jeune Maude dans le bus en juin. Faut-il relier cette pru­dence dans l’anonymat – dont ne béné­fi­cient pas tous les auteurs pré­su­més de faits divers délic­tueux dans les mêmes colonnes – à l’empressement de Var-Matin à affir­mer que les deux per­sonnes arrê­tées et défé­rées au Parquet mar­di 6 sep­tembre der­nier sont « deux jeunes tou­lon­nais de 17 et 19 ans » ?

On peut aus­si se deman­der pour­quoi Var-Matin, si dis­cret sur beau­coup d’aspects de ces deux affaires, ouvre aus­si faci­le­ment ses colonnes à la même Cécile Muschotti, orga­ni­sa­trice de la marche des shorts au suc­cès très rela­tif. Vexée peut-être d’avoir été un peu récu­pé­rée par la pré­sence d’une seule élue – FN ! – à sa manif, sou­cieuse sans doute de ne pas se trou­ver de nou­veau sur une même ligne objec­tive que le Front National, la « res­pon­sable socia­liste dépour­vue de man­dat » comme se plaît à l’appeler le FN, n’a trou­vé rien de mieux pour répa­rer sa cré­di­bi­li­té que d’attribuer la culpa­bi­li­té de ces ignobles agres­sions… au Front National ! Avec une rhé­to­rique tor­tu­rée dans l’esprit mais directe dans l’expression : le FN, par son posi­tion­ne­ment, est selon elle plus par­ti­cu­liè­re­ment res­pon­sable de ces lyn­chages, car il a répan­du un cli­mat d’agressivité et d’intolérance expo­sant les femmes en pre­mière ligne. Les limites des contor­sions idéo­lo­giques pos­sibles grâce à la dia­lec­tique mar­xiste-léni­niste ont été ain­si repous­sées. Par une socia­liste, rétro­gra­dant les com­mu­nistes his­to­riques en deuxième division.

Y a‑t-il une équation de type multiculturel = multiconflictuel ?

Les vraies ques­tions vont bien au-delà de la liber­té ves­ti­men­taire et même des droits des femmes. Elles tiennent plu­tôt aux valeurs enra­ci­nées de tolé­rance et de res­pect de notre socié­té. Lesquelles semblent ne pos­sé­der aucune signi­fi­ca­tion pour cer­taines com­mu­nau­tés aux mœurs dif­fé­rentes et incon­ci­liables avec les nôtres, arri­vées récem­ment chez nous, et ne pou­vant – ni sou­vent ne vou­lant – s’assimiler à notre culture fran­çaise plus que mil­lé­naire. Le mot d’ordre « pas d’amalgame » conti­nue ain­si de don­ner qua­si­ment carte blanche aux auteurs d’exactions qui ne devraient pas être tolé­rées, au risque de frac­tu­rer la socié­té en émiet­te­ments com­mu­nau­ta­ristes. C’est en tout cas le res­sen­ti de la plu­part de nos conci­toyens, qui ne com­prennent pas la poli­tique de l’autruche menée par les par­ti­sans du poli­ti­que­ment cor­rect, cou­verte par l’omerta média­tique bien-pen­sante. Il suf­fit de prendre le bus à Toulon tous les jours pour s’en rendre compte.

La ques­tion des shorts, pour autant qu’ils aient été ou non por­tés en la cir­cons­tance, n’est-elle pas secon­daire, ou seule­ment révé­la­trice d’un pro­blème de socié­té plus pro­fond ? À savoir une immi­gra­tion incon­trô­lée, en majo­ri­té adepte d’une reli­gion incom­pa­tible avec les fon­de­ments de notre droit et nos liber­tés publiques. C’est-à-dire le choc, occul­té tant bien que mal jusqu’à pré­sent, entre une culture équi­li­brée et inté­grante, par­ta­gée par une popu­la­tion autoch­tone gros­so modo homo­gène depuis des siècles, et une vague migra­toire d’une ampleur jamais connue jusqu’à pré­sent, ne par­ta­geant aucune des valeurs essen­tielles du pays d’accueil. Voire vou­lant y impo­ser ses mœurs, demain ses cou­tumes, après-demain ses lois.

La ques­tion intègre certes, mais dépasse le fait reli­gieux. Elle se tra­duit par des com­por­te­ments de tous les jours. Les « affaires des shorts » ne sont que l’expression d’un affron­te­ment cultu­rel que les membres de la popu­la­tion de souche ne dis­cernent pas bien : pour nous, pour nos com­pagnes, s’habiller en toute liber­té, tout en se gar­dant de la licence et en essayant de se tenir au bon goût, ça fait par­tie de l’habitude, c’est nor­mal. Nous ne voyons rien de cho­quant, encore moins de pro­vo­quant, à agir libre­ment, c’est une ques­tion que nous ne nous posons pas a prio­ri. Il en est de même quand, ins­tinc­ti­ve­ment, nous fai­sons atten­tion à res­pec­ter la culture des autres, lorsque nous sommes en voyage chez eux. En revanche, pour les com­mu­nau­tés inas­si­mi­lées sur notre sol, la réci­proque n’existe pas, ça ne fait pas par­tie de leur logi­ciel. L’islam consti­tue pour cer­tains ara­bo-musul­mans, ain­si que chez nombre de conver­tis euro­péens de fraîche date, un tout, une loi suprême, qui com­porte certes des aspects reli­gieux, mais qui sur­tout doit être vécue par tous, en tous temps, en tous lieux. Les racailles qui ont agres­sé Maude ou la famille en balade ne l’ont vrai­sem­bla­ble­ment pas fait avec les mêmes mots d’ordre mor­ti­fères et la même illu­mi­na­tion trans­cen­dan­tale que les auteurs des atten­tats de Paris, Nice ou Saint-Etienne-du-Rouvray. Peut-être même n’ont-ils pas eu de réflexe reli­gieux à pro­pre­ment par­ler. Mais, consciem­ment ou incons­ciem­ment, ils étaient ani­més de la même néga­tion de l’autre. C’est inquié­tant parce que « l’autre » c’est nous, et qu’ils sont chez nous.

Le réel vient fra­cas­ser le tri­angle d’or idéo­lo­gique, aus­si chi­mé­rique qu’utopique : poli­ti­que­ment cor­rect-vivre ensemble-pas d’amalgame.

Marc FRANÇOIS, Toulon, 12 sep­tembre 2016