Le Gallou, journalistes et pluralisme

27 février 2017 | Aucun com­men­taire

Jean-Yves Le Gallou, homme politique, président de la fondation Polémia, constate une crise de confiance profonde entre les médias et l’opinion. Il leur a écrit le 20 février 2017 une lettre ouverte « journalistes : et si vous redécouvriez le pluralisme ? ». Les plus lucides s’en préoccupent. Mais sont–ils prêts à adopter les mesures qui s’imposent pour reconquérir la considération des Français ?


Beaucoup de jour­na­listes sont mal­heu­reux. Ils ont l’impression – plu­tôt juste, d’ailleurs – d’appartenir à une pro­fes­sion détestée.

Les plus sots ont déci­dé de s’en prendre à la réin­fo­sphère, aux médias alter­na­tifs et aux réseaux sociaux qui leur ont fait perdre le mono­pole de l’information. Au lieu de se remettre en ques­tion, ils réagissent comme des chauf­feurs de taxi furieux de la concur­rence d’Uber et des chauf­feurs pri­vés. C’est stu­pide. Ce n’est pas en label­li­sant les sites des médias offi­ciels de pas­tilles vertes qu’on les cré­di­bi­lise : bien au contraire ! A la fin de l’Union sovié­tique la Pravda arbo­rait la pas­tille verte pen­dant que les auteurs des samiz­dats étaient mar­qués au fer rouge. Cela n’a pas suf­fi à sau­ver le régime communiste.

Jean-Michel Apathie

Jean-Michel Apathie (cap­ture d’é­cran YouTube)

Les jour­na­listes les plus lucides devraient, eux, s’interroger sur la manière dont la majo­ri­té de leurs confrères exercent leur pro­fes­sion à coups de mora­line : en pré­ten­dant dire le « bien », au lieu de cher­cher à décou­vrir le vrai, à décrire les faits.

Ce qui manque aux médias c’est le pluralisme. Pluralisme intellectuel et pluralisme politique.

Il y a quelques années encore il était pos­sible de regar­der ou d’écouter Zemmour, Ménard ou Taddei. Ils ont été chas­sés ou mar­gi­na­li­sés. Qui plus est à la suite de cam­pagnes de presse mon­tées par des gen­tils « confrères » ! Ménard et Zemmour pour­chas­sés par le soviet d’i‑télé. La tête de Zemmour mena­cée par le SNJ au Figaro. Tous les Français qui sui­vaient ces jour­na­listes en ont tiré les consé­quences. Et sont par­tis voir ailleurs… sur Internet !

Certes, il y a encore des débats dans les médias offi­ciels, mais uni­que­ment dans l’entre-soi. Dans l’entre-soi de gens qui par­tagent les mêmes convic­tions : mon­dia­listes, libre-échan­gistes, immi­gra­tion­nistes, isla­mo­philes et déconstructionnistes.

Les « experts » invi­tés à s’exprimer pensent tous la même chose. C’est bien qu’il y ait des gens pour pré­tendre que l’immigration est une chance pour la France, l’islam une reli­gion de paix et que la mon­dia­li­sa­tion est heu­reuse. Mais à une condi­tion : que l’opinion adverse ait aus­si droit de parole. Car dans la pen­sée euro­péenne il ne peut y avoir d’approche de la véri­té et de la réa­li­té que dans la libre confron­ta­tion des points de vue.

Yann Barthès

Yann Barthès, jour­na­liste, ani­ma­teur et pro­duc­teur de télé­vi­sion – boni­men­teur de talent.

C’est pour cela que les débats contra­dic­toires sont abso­lu­ment essen­tiels. Mais cer­tains intel­lec­tuels soli­loquent chaque semaine pen­dant que d’autres ne sont jamais invi­tés. Pourtant, qui ose­rait affir­mer qu’Alain de Benoist, Renaud Camus, Richard Millet, Jacques Sapir, Hervé Juvin, Bernard Lugan, Christophe Geffroy et tant d’autres n’auraient rien d’intéressant à dire ?

Ce néces­saire plu­ra­lisme vaut aus­si pour les repor­tages qui doivent appor­ter l’éclairage de dif­fé­rents points de vue sur un même sujet : gou­ver­ne­ment et mani­fes­tants, par­tie civile et défense dans les pro­cès, intel­lec­tuels de gauche et de… droite.

C’est encore plus vrai sur les ques­tions inter­na­tio­nales : nous avons besoin de connaître l’optique de Clinton, celle des « rebelles syriens » ou du gou­ver­ne­ment ukrai­nien. Mais une pré­sen­ta­tion équi­table de la façon de pen­ser de Trump, Poutine ou Assad serait aus­si bienvenue !

Dans la cam­pagne pré­si­den­tielle qui s’annonce, il fau­drait aus­si un vrai plu­ra­lisme de la part des inter­vie­weurs : que cer­taines ques­tions viennent du point de vue poli­ti­que­ment cor­rect ou de gauche, c’est bien, et même très bien ; à condi­tion que d’autres inter­pel­la­tions viennent d’ailleurs et soient anglées d’un point de vue conser­va­teur, catho­lique, natio­nal ou identitaire.

Vous le voyez, tous mes conseils tournent autour d’un vieux fond de sagesse pay­sanne : « Qui n’entend qu’une cloche n’a qu’un son ! »

Cela irrite de plus en plus de Français, de contri­buables, ose­rais-je dire : 2,5 mil­liards de sub­ven­tions publiques pour la presse écrite, 3,5 mil­liards pour l’audiovisuel public, sans par­ler du coû­teux CSA qui ne garan­tit en rien la diver­si­té des chaînes de radios et de télé­vi­sions hert­ziennes ou numé­riques et qui, par là-même, ne rem­plit pas sa mission.

Patrick Cohen

Patrick Cohen, jour­na­liste de radio et télé­vi­sion, pas tou­jours de bonne foi

Je me dois d’appeler votre atten­tion sur un der­nier point : cer­tains de vos confrères nuisent gra­ve­ment par leur com­por­te­ment à l’ensemble de la profession.

C’est ce que j’appelle le syn­drome ABC.

A comme Apathie. A comme arro­gance vis-à-vis des hommes poli­tiques (qui sont tout de même les repré­sen­tants du peuple en démo­cra­tie…) et vis-à-vis du peuple lui-même.

B comme Barthès. B comme bobard et boni­ment sur fond de pro­vo­ca­tion et de manipulation.

C comme Cohen. C comme cen­sure des « esprits malades », c’est-à-dire de ceux qui ne pensent pas bien. Car « la liber­té de pen­sée (sic) il y a des lois qui la règle­mentent », dixit le patron de la mati­nale de France Inter !

Chers journalistes, si vous voulez reconquérir l’estime du public, il va vous falloir du courage.

Du cou­rage pour résis­ter à l’omniprésence de la patrouille du ter­ro­risme intellectuel.

Du cou­rage aus­si pour dénon­cer la double tyran­nie qui s’exerce sur vous : celle des syn­di­cats et des mino­ri­tés enga­gées qui vous contrôlent et celle des mil­liar­daires qui vous payent.

Du cou­rage enfin pour vous réfor­mer avant que le légis­la­teur ne soit contraint d’intervenir « pour garan­tir les expres­sions plu­ra­listes des opi­nions et la par­ti­ci­pa­tion équi­table des par­tis et grou­pe­ments poli­tiques à la vie démo­cra­tique de la Nation », comme l’article 4 de la Constitution lui en fait l’obligation.

Jean-Yves Le Gallou
20/​02/​2017

Source : Polémia

Jean-Yves Le Gallou
Jean-Yves Le Gallou, ENA, inspecteur général de l’administration (ER), ancien député européen est le président de Polémia. Essayiste il a publié de nombreux ouvrages dont «La Tyrannie médiatique» et «Immigration : la catastrophe, que faire ?». Jean-Yves Le Gallou présente chaque semaine sur TVlibertés i-média, émission d’analyse critique des médias.

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