La réforme des caisses de retraite

Réforme des retraites : améliorer la vie plutôt que la fin de vie

La retraite heu­reuse pour tous, mais com­bien et à quel âge ?
Dans cette usine à gaz de l’ou­ver­ture des droits à la retraite, chaque cor­po­ra­tion y argu­mente becs et ongles de son épui­sant métier. Et depuis des décen­nies, la prime au gré­viste fait foi et loi. Alors, aucun gou­ver­ne­ment n’ar­ri­ve­ra jamais à mettre de l’ordre dans ces régimes spé­ciaux. On s’a­vance vers une nou­velle pirouette, la notion de « régime par­ti­cu­lier » afin de ne pas heur­ter les che­mi­nots, les poli­ciers, les jour­na­listes, les petits rats et les gros bras, etc., mais sur­tout les hommes poli­tiques qui béné­fi­cient du meilleur régime spé­cial.
Et bien soit ! mais quid de ces métiers d’une vie, pénibles ? dont la seule déli­vrance est d’en finir une fois pour toutes.

Il y a des métiers qu’on ne peut plus faire à par­tir d’un âge cer­tain :
• Petit rat de l’Opéra, à 42 balais dur de lever la jambe en tutu pour tenir le ballet.

• Le bif­fin en com­pa­gnie de com­bat, pas facile de cra­pa­hu­ter plus de 15 ans dans le dje­bel avec des rhu­ma­tismes.
• Idem pour Miss France épui­sée au bout d’un an et que l’on doit renou­ve­ler, acteur por­no, sau­teur de haies…

Il y a des métiers pénibles qu’on ne peut exer­cer long­temps sans meur­trir son corps :
• Le démé­na­geur de pia­no.
• Le maçon sujet aux intem­pé­ries.
• Le sur­veillant de can­tine expo­sé au bruit.
• Le chauf­feur de loco­mo­tive (cor­rec­tion : le der­nier train à vapeur a cir­cu­lé en France en 1974, il y a 45 ans)

Il y a des métiers dan­ge­reux :
CRS expo­sé aux cock­tails Molotov lan­cés par les racailles.
• Le net­toyeur de cen­trale ato­mique vétuste.
• Idem pour le pom­pier, le tra­pé­ziste, le pilote de F1.

Il y a des métiers à haute expo­si­tion au stress :
• L’artisan ou le petit patron.
• Conducteur de loco­mo­tive élec­trique qui doit main­te­nir sans le lâcher son volant « l’homme mort ».
• Idem gar­dien de pri­son, le jour­na­liste de BFMTV.

Il y a des métiers « chiants » (par­don­nez l’ex­pres­sion) :
• Éboueur, égou­tier, videur de fosse sep­tique.
• Toiletteur en EHPAD.
• Idem plon­geur de res­tau­rant, tra­vailleur à la chaîne… La liste est longue, ces métiers « ubé­ri­sés » sont de plus en plus nom­breux mais ne béné­fi­cient d’au­cun régime spé­cial ni demain d’au­cun régime particulier.

Il y a aus­si des métiers pénibles, stres­sants, dan­ge­reux qu’on ne peut exer­cer long­temps et vivre vieux.
• Agriculteur à cause de la forte mor­ta­li­té liée aux sui­cides.
Mineur de fond (il n’y en a plus en France, nous y avons recours dans d’autres pays).

Sinon, à l’in­verse, il y a des siné­cures laïques qui béné­fi­cient d’a­van­tages déme­su­rés :
• Sénateur.
• Président d’un comi­té Théodule, comme Delevoye.
Ce sont ceux-là mêmes qui sont en charge de la réforme des retraites ! Ils sont dans le fro­mage et comptent bien y rester.

• Et pour­quoi ne pas per­mettre aux hommes de par­tir 6 ans avant les femmes ? Espérance de vie 79 ans pour les hommes, 85 ans pour les femmes. Qu’en pense Marlène Schiappa, secré­taire d’État char­gée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions ?
• Et pour­quoi ne pas tenir compte des années d’é­tudes pro­fes­sion­nelles(1) qui retardent d’au­tant le cumul des annui­tés de tra­vail.
• Et pour­quoi ne pas prendre en compte le han­di­cap, la jeu­nesse dif­fi­cile et que sais-je encore ?

Il ne sera jamais possible de démêler tout ça. À chaque métier sa croix.

Alexandre tranchant noeud gordien

Qui sera capable de tran­cher le nœud gordien ?

Une seule solu­tion, l’ou­ver­ture des droits à la retraite au même âge, pas avant, pour tout le monde (60 ans ? 65 ans ? plus?) • • Pourquoi alors pas­ser bru­ta­le­ment du plein emploi à la retraite, de tout à rien ?
• Pourquoi ne pas faire des cinq der­nières année une pré-retraite payée de façon iden­tique, mi-salai­re/­mi-retraite ?
Si cer­tains métiers sont répu­tés pénibles, leur temps de tra­vail doit être tout sim­ple­ment dimi­nué. Au lieu de mettre bête­ment tout le monde à 35 heures, il eut fal­lu adap­ter les horaires par type de métier, de 20 ou 30 heures (pour­quoi pas) à 40 heures.

Le grand prin­cipe fon­da­teur de la retraite par répar­ti­tion est invo­qué comme un socle indis­cu­table, au nom de la soli­da­ri­té natio­nale. Mais dans le même temps nos fron­tières sont abo­lies :CGT - PCF - Nice - 5 décembre 2019

Qui est solidaire de qui ?

Jouissez sans entraves - Mai 68 - Henri Cartier-Bresson

L’une des idées-forces de Mai 68.

Selon ce prin­cipe les jeunes géné­ra­tions doivent être sai­gnées pour payer les retraites des soixante-hui­tards-baby-boo­mers qui ont vécu sans entraves et qui pré­tendent aujourd’­hui rece­voir beau­coup plus que ce qu’ils auront coti­sé pour leurs anciens peu nom­breux de l’époque.

Est-ce au petit employé étran­glé de charges, de coti­ser pour le cumu­lard-pen­sion­né ? Il doit déjà payer pour les chô­meurs, les inter­mit­tents du spec­tacle, les immi­grés, les RMistes, la CMU, les sub­ven­tions à la presse, aux syn­di­cats, etc. Ce racket ignoble ne pour­ra pas perdurer.Mélenchon - retraite 8500 euros

Tout le monde doit avoir le même montant de pension à partir du même âge, celui de la fraternité des générations

Ce qui ne peut s’ap­puyer que sur une soli­da­ri­té natio­nale inter­gé­né­ra­tion­nelle. Peu importe le par­cours pro­fes­sion­nel même chao­tique ou par­tiel­le­ment inter­rom­pu.
À cha­cun au long de sa vie, pour ceux qui auront gagné plus d’argent, de capi­ta­li­ser libre­ment d’une manière ou d’une autre en caisse de retraite com­plé­men­taire, biens immo­bi­liers, rente via­gère, etc.
La retraite actuelle ne fait que pro­lon­ger, voire accen­tuer encore, les injus­tices de la vie active : les plus pei­nards béné­fi­cient sou­vent des retraites les plus confor­tables. C’est la double peine.

Le meilleur moyen de résoudre ce dou­lou­reux pro­blème des retraites, c’est de trou­ver les solu­tions de bien-être au tra­vail, de favo­ri­ser les pas­se­relles, les recon­ver­sions. Faire en sorte que la retraite ne soit plus le but ultime d’une vie gâchée, d’une vie per­due en vou­lant la gagner. C’est effrayant de voir tous ces jeunes dans la rue pour défendre leur retraite alors qu’ils devraient se pré­oc­cu­per de leur vie active. Mais le racket qu’ils subissent au béné­fice des vieux les rend anxieux.

En conclu­sion : il convient de s’o­rien­ter vers la sup­pres­sion de tous ces régimes spé­ciaux et d’a­mé­lio­rer la vie au tra­vail plu­tôt que la fin de vie. Le but, c’est le che­min.

Michel Lebon

(1) Je parle bien ici des études pro­fes­sion­nelles, pas de l’ENA, où l’on est déjà payé !