À Bamako, on célèbre la femme, la moto et la liberté

par | 10 décembre 2021 | 4 Commentaires 

Qui l’eût cru ? A Bamako, au cœur du Sahel sou­mis depuis huit ans à la vio­lence armée quo­ti­dienne de forces de désta­bi­li­sa­tion, s’est tenue les 27 et 28 novembre der­niers la qua­trième édi­tion du fes­ti­val annuel sur le thème « La femme et la moto ».

Dans l’esprit motard des valeurs de soli­da­ri­té, de par­tage et de res­pon­sa­bi­li­té, aucun inci­dent n’a ter­ni ce moment de fête par­ta­gée avec toutes les caté­go­ries de popu­la­tion, consi­dé­rées avec éga­li­té sans éga­li­ta­risme de sexes et de géné­ra­tions, de milieux et de cultures.Festival motards Bamako (2)

Ce témoi­gnage invite le lec­teur étran­ger à ces réa­li­tés à un effort d’ouverture d’esprit sur le phé­no­mène de socié­té crois­sant et mécon­nu d’intégration des peuples par la moto. C’est le nou­veau mot­to des motards, négli­gé par des médias fas­ci­nés par les mau­vaises nou­velles. Cette per­cep­tion sim­pliste brouille peut-être une vision qui inter­di­rait aux popu­la­tions locales de vivre digne­ment et mal­gré tout par elles-mêmes, de sur­vivre éco­no­mi­que­ment et mora­le­ment avec une force de rési­lience que n’ont plus les peuples nan­tis et désa­bu­sés de France et d’ailleurs. Celles-ci ont confié aveu­glé­ment leurs modes de vie et aban­don­né leurs liber­tés à la ges­tion d’États décul­tu­rés et pré­ten­du­ment pro­vi­den­tiels. Leurs citoyens se sont rési­gnés à subir les contraintes sans limites d’une pseu­do-guerre d’une autre nature, contre un virus aus­si peu dan­ge­reux qu’il est conta­gieux. Les grilles occi­den­tales de lec­ture socié­tale ne s’appliquent pas à des cultures afri­caines fon­ciè­re­ment dif­fé­rentes, pas plus que les consi­dé­ra­tions misé­ra­bi­listes dépla­cées au motif que la moto ne serait pas acces­sible à tous ni com­pa­tible avec les enjeux de la COP26, pas plus que les remarques tiers-mon­distes dépas­sées au motif que la moto ne serait pas la prio­ri­té du déve­lop­pe­ment. Évidences vides de sens et d’espérance, dont les popu­la­tions afri­caines n’ont que faire, car la moto est aus­si un moyen d’évasion d’un quo­ti­dien impi­toyable et désespérant.Festival motards Bamako

L’intégration des peuples par la moto avance plus rapidement que par la politique

C’était l’occasion de trans­mettre un mes­sage de vie et d’espoir par des cen­taines de pilotes pas­sion­nés d’engins sans dis­tinc­tion de styles, de cylin­drées ni de prix venus d’Afrique de l’ouest et cen­trale :
• « Riders Club » de Côte d’Ivoire,
• « West Coast Africa » du Burkina Faso,
• délé­ga­tions du Niger et jusqu’au Gabon à l’aimable invi­ta­tion et sous la remar­quable orga­ni­sa­tion du « Club des Motards du Mali ».
Tous ces pilotes sont en contact direct et ami­cal avec les popu­la­tions locales, dans la capi­tale et tout au long de mil­liers de kilo­mètres par­cou­rus à tra­vers d’immenses zones rurales par­fois répu­tées peu sûres du fait de la pré­sence de ce que la ter­mi­no­lo­gie offi­cielle nomme sans dis­cer­ne­ment les « groupes armés ter­ro­ristes » (GAT), dont les moti­va­tions sont au moins autant cra­pu­leuses que religieuses.Festival motards Bamako

De fait, imper­ti­nent n’étant pas l’antonyme de per­ti­nent, il est par­fois pré­fé­rable de ne pas entrer dans des détails gênants qui poin­te­raient la res­pon­sa­bi­li­té par­ta­gée de toutes les par­ties pre­nantes, y com­pris celle des États défaillants et de leurs alliés com­plai­sants ou réti­cents, qui nour­rit la défiance populaire.

Au Mali, le régime de tran­si­tion qui a cou­ra­geu­se­ment des­ti­tué l’ancien pré­sident Ibrahim Boubakar Keita le 18 août 2020, souffre encore de pres­sions poli­tiques et éco­no­miques de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, frus­trée de ne pas avoir pu empê­cher le ren­ver­se­ment salu­taire d’un régime cor­rom­pu qu’elle sou­te­nait. En pré­sence d’autorités publiques, les clubs de motards ont clai­re­ment adres­sé des exi­gences inédites de rede­va­bi­li­té aux diri­geants africains.Festival motards Bamako

Un motard malien, entre­pre­neur en bâti­ment, sou­ligne avec bon sens et convic­tion que, comme toute fon­da­tion, l’intégration, qui ne signi­fie pas, ici, dis­so­lu­tion, se construit par la base, non par le som­met. En Afrique, le mou­ve­ment popu­laire d’adhésion volon­taire sans adhé­rence for­cée à ces Printemps afri­cains se dis­tingue de celui, par adhé­rence volon­taire sans adhé­sion spon­ta­née, des popu­la­tions euro­péennes rési­gnées à la prise de contrôle public de leur vie pri­vée sous la pres­sion de menaces chi­mé­riques, par le contrôle social de régimes tota­li­taires d’un nou­veau genre.

Un exemple de résistance à méditer et à suivre

Jean-Michel Lavoizard


Jean-Michel Lavoizard - MW GS

L’auteur Jean-Michel Lavoizard, a par­ti­ci­pé à ce 4e Festival des motards du Mali au gui­don de sa GS

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Jean-Michel Lavoizard

4 Commentaires 

  1. Un très bel article de syn­thèse et de cou­rage, je suis un motard du Mali et membre de CMM, je confirme que l’au­teur a bel et bien vécu avec nous cette 4eme édi­tion du fes­ti­val des motards du Mali (fmm4) et pré­cise que je fai­sais par­tie de ceux là qui étaient à Zegoua pour rece­voir la GRANDE DÉLÉGATION des RIDER’S de la Côte d’i­voire. Merci J.M. Lavoizard (JM pour les motards).
    Motard un jour motard toujours.

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  2. Ils sont bien sym­pa­thiques ces motards afri­cains. Quatre pho­tos de groupe et on ne voit pas une seule moto et des motards sans casques. Dommage, il doit y avoir des engins col­lec­tors.
    Bôf, il est bon le sable chaud pour les métro­po­li­tains en quête de soleil et d’exotisme.
    Ce M. Lavoizard est bien équi­pé, lui. Sa moto, c’est pas une pétro­lette.
    Quant à la conscience poli­tique de ces bikers qui nous mon­tre­raient l’exemple, il faut y croire.

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  3. Beau pays, le Mali et sa capi­tale mais là encore l’homme blanc est pas­sé par là et y a fou­tu le fout­toir, ter­ro­risme, coups d’Etat, spo­lia­tion des res­sources, etc… Un convoi de l’ar­mée fran­çaise a même fait usage de tirs à balle réelle pour pas­ser en cir­cu­lant sur la route au Burkina, etc… Derrière il y a des morts, des civils…
    Faut pas s’é­ton­ner ensuite si le Francais n’est le bien­ve­nu nulle part et ce même sur son propre ter­ri­toire… La mon­naie le Franc CFA n’est que la main mise, le contrôle des éco­no­mies des anciennes colo­nies.
    J’ai honte d’être fran­çais, j’ai­me­rais vivre au Mali mais ils ont tout pillé et hors de ques­tion que je paye pour les erreurs des autres (enlè­ve­ments, ran­çon etc)…
    Le tou­bab est bien vu si il a de quoi payer, j’ai fait la route Bamako/​Dakar et la cor­rup­tion est pal­pable, vous pas­sez des postes de douanes inexis­tant que contre quelques mil­liers de Franc CFA. Vous deman­dez un reçu : ils grif­fonnent sur un bout de PQ, un mot, c’é­tait risible mais le Malien ne l’en­tend pas comme ça, là bas pas d’eau cou­rante, pas de tout à l’é­gout, pas d’in­dus­trie, tout est impor­té, les tran­si­taires et l’import/​export se frottent les mains mais le peuple, lui, crève la dalle…
    Et la moto, ils roulent tous en 125 cm³ chi­nois car c’est très embou­teillé et vous pou­vez ache­ter de l’es­sence au litre à des mar­chands sauf que la qua­li­té de ce car­bu­rant vous lais­se­ra en panne…
    Enfin c’est un pays où on se sent libre, per­sonne ne vous deman­de­ra de pass nazi­taire pour aller au res­to, etc., si vous n’a­vez pas de casque moto par exemple, per­sonne ne vous met­tra d’a­mende et si vous tom­bez et bien c’est pour votre pomme et c’est tout.
    J’ajoute qu’en France les Maliens occupent des petits bou­lots et qu’ils sont encla­vés dans des foyers et cer­tains quar­tiers de ban­lieue… C’est beau l’in­té­gra­tion fran­çaise…
    J’aimerais tant y retour­ner mais je ne peux plus voya­ger. Avant il suf­fi­sait du vac­cin fièvre jaune, main­te­nant on parle de 6 doses mini d’une thé­ra­pie génique expé­ri­men­tale… sans moi !
    Les Maliens sont accueillants, ils ont encore cette bon­té, cette géné­ro­si­té de celui qui ne pos­sède rien ou si peu mais qui fait des efforts pour accueillir le tou­bab et lui offrir un thé ou peu maf­fé…
    Je me sou­viens d’une bande de gamins qui chan­taient tou­ba­bou à ma vue et la route Bamak/​Kati en GS XR à fond sans casque, épique, le Mali me manque…

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    • Si vous avez honte d’être Français, quit­tez le pays mais, sur­tout, arrê­tez de nous bas­si­ner sur ce site avec vos « trucs de nazi ». Créez votre blog, vous pour­rez y consi­gner vos états d’âme au kilomètre !

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