La guerre en Ukraine empêtrée dans l’Île des serpents… à sornettes

par | 3 juillet 2022 | 1 com­men­taire

L’armée russe a annon­cé ce 30 juin son retrait de l’Île des ser­pents, située à 50 km des côtes ukrai­niennes et rou­maines de la Mer Noire. Officiellement, en guise de « signe de bonne volon­té », pour ne pas gêner l’exportation de céréales à par­tir de l’Ukraine. Cet îlot, d’une super­fi­cie équi­va­lant à 25 ter­rains de foot­ball – uni­té qua­si offi­cielle de mesure, sans rap­port avec sa valeur géos­tra­té­gique, acquiert ces jours-ci une noto­rié­té inter­na­tio­nale inédite, nou­vel épi­sode d’une des­ti­née mouvementée.

Cette île au nom aus­si roma­nesque que celle, haï­tienne, de la Tortue, autre­fois repaire de pirates, est depuis tou­jours l’objet de mythes et de convoi­tises. Les cou­leuvres inof­fen­sives dont elle regor­geait dans l’Antiquité grecque puis romaine, lui ont légué ce nom atta­ché à la légende d’Achille venu se repo­ser de ses guerres après sa mort à Troie. Possession otto­mane puis rou­maine au XIXe siècle, elle est deve­nue ukrai­nienne en 1948. Condamnée, semble-t-il, à une occu­pa­tion incom­pa­tible avec les cri­tères d’implantation d’un Club Med, ses occu­pants ram­pants, déci­més par les Ukrainiens pour y ins­tal­ler une base mili­taire, ont été rem­pla­cés par d’innombrables ron­geurs. Par effet de la malé­dic­tion légen­daire des res­sources natu­relles qui attire toutes sortes de pré­da­teurs, l’île a été, depuis, âpre­ment reven­di­quée par la Roumanie sous pré­texte que le sta­tut de « Zone éco­no­mique exclu­sive », invo­qué par l’Ukraine, était sans objet … jusqu’à ce que soient révé­lées d’impor­tantes réserves d’hydrocarbures off­shore à proxi­mi­té. Finalement, la Cour inter­na­tio­nale de jus­tice a attri­bué en 2009 à l’Ukraine la pos­ses­sion de l’îlot, rocher sté­rile mais balise utile, et a par­ta­gé les riches eaux ter­ri­to­riales entre les deux pays.

Derniers rebon­dis­se­ments, l’Île des ser­pents a été conquise par la Russie dès le début de son inter­ven­tion mili­taire en Ukraine, le 24 février der­nier. Si les dis­cours sont sui­vis des faits, elle lui sera donc rétro­cé­dée, sous peu, sans que l’on en connaisse encore la contre­par­tie ou réa­lise les consé­quences, car en ces cir­cons­tances for­cées sinon anti­ci­pées, rien n’est for­tuit, ni gra­tuit. Par un mau­vais tour du des­tin, l’Île des ser­pents fini­ra peut-être en vul­gaire sta­tion-ser­vice de la Mer Noire. Depuis, l’inoffensif rep­tile a été rem­pla­cé par une nou­velle espèce de ser­pent poli­ti­co-média­tique à sor­nettes, sym­bole de la com­mu­ni­ca­tion rhé­to­rique offi­cielle. En effet, les esti­ma­tions mili­taires, les sup­pu­ta­tions stra­té­giques, les éva­lua­tions éco­no­miques et les spé­cu­la­tions poli­tiques les plus contra­dic­toires cir­culent quant à la situa­tion réelle de la guerre en Ukraine, son évo­lu­tion pro­bable, ses issues envi­sa­geables. Il est dif­fi­cile de s’en faire une idée claire tant la dés­in­for­ma­tion est pra­ti­quée à outrance par tous les camps poli­tiques, mou­ve­ments idéo­lo­giques et canaux médiatiques.

Heureusement, des ana­lystes indé­pen­dants et ins­truits par­tagent en ligne des ana­lyses déca­lées et convain­cantes, cri­tiques sans être for­cé­ment com­plo­tistes. Comme pour le scan­dale poli­ti­co-sani­taire du Covid 19, qui est loin d’être ter­mi­né, le citoyen exi­geant, qui sait mul­ti­plier et diver­si­fier ses sources d’information après s’être dés­in­toxi­qué des relais d’information publique domi­nante, peut se faire une opi­nion éclai­rée et équi­li­brée sur ce dos­sier d’actualité. Et tenir compte de sub­ti­li­tés qui font toute la dif­fé­rence, comme cette ana­lyse déran­geante selon laquelle le pré­sident Poutine aura au moins réus­si le tour de force d’une triple mys­ti­fi­ca­tion, faire croire au double objec­tif ini­tial de :
• a. mener une opé­ra­tion rapide pour
• b. prendre la capi­tale Kiev, afin de
• c. fixer les forces ukrai­niennes près de la ville de Kharkiv. « Les Ukrainiens défendent la ville. Pendant ce temps les Russes ont les mains libres dans le Donbass », estime un obser­va­teur réa­liste(1).

Exerçons libre­ment notre esprit cri­tique pour ana­ly­ser de façon équi­li­brée les consé­quences pos­sibles de l’intégration pro­chaine de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN(2), autre­ment plus impor­tante que l’avenir de cet ilot sur­mé­dia­ti­sé, dont l’abandon par la Russie est pré­sen­té par des fan­fa­rons comme une défaite majeure. Résistons, enfin, à la ten­ta­tive déses­pé­rée des médias poli­ti­sés et des poli­tiques idéo­lo­gi­sés, de fixer notre atten­tion sur des fake news dont ils vou­draient s’arroger le mono­pole. Dont l’Île des ser­pents à sor­nettes est le symbole.

Jean-Michel Lavoizard

(1) https://www.rts.ch/info/monde/13135499-bernard-wicht-le-succes-de-loperation-russe-cest-davoir-reussi-a-mystifier-tout-le-monde.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l‑invite-e-des-matins/que-signifie-un-renforcement-de-l-otan-avec-olivier-kempf-et-jean-sylvestre-mongrenier-1958602


Aris - Jean-Michel LavoizardJean-Michel Lavoizard est le diri­geant-fon­da­teur de la socié­té ARIS – Advanced Research & Intelligence Services.

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Jean-Michel Lavoizard

1 commentaire

  1. Les Américains se croient dans un saloon et sus­citent des bagarres.
    Les Russes jouent aux échecs.
    Voilà pour­quoi Poutine a tou­jours trois coups d’avance.

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