Retour programmé de Falco à Toulon

6 mai 2023 | 3 Commentaires 

Marc-François de Rancon, tou­lon­nais et fidèle lec­teur de Nice Provence Info, nous guide dans les méandres de la poli­tique poli­ti­cienne à Toulon. Nous en avons bien besoin.

Dès le 16 avril der­nier, nous avons décryp­té pour vous (lire La chute de la mai­son Falco du 17 avril 2023) la des­ti­tu­tion du maire et pré­sident de la métro­pole tou­lon­naise. Un lec­teur nous l’a écrit en com­men­taire, d’autres ont ren­ché­ri : dif­fi­cile de com­prendre ce qui se passe à Toulon si l’on est pas tou­lon­nais. Pire que de devi­ner le secret d’une véri­table salade niçoise si l’on n’est pas nis­sart de souche. Événement qui, au demeu­rant, fait plus de bruit dans la presse qu’à Toulon, où ce n’est pas l’objet conti­nu des conver­sa­tions de rues et de cafés.

La sidé­ra­tion cau­sée par la condam­na­tion d’Hubert Falco a fait long feu. Sa propre période d’hébétude consé­cu­tive a été vite sur­mon­tée. L’homme pos­sède la san­té et sur­tout du cran. De toutes façons, à 76 ans, sa vie per­son­nelle se confond depuis long­temps avec la vie poli­tique. Sa mort poli­tique pro­non­cée par la peine d’inéligibilité, aus­si­tôt appli­quée par arrê­té pré­fec­to­ral le des­ti­tuant de ses man­dats de maire de Toulon et de pré­sident de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, aurait pu l’abattre personnellement.

Ce serait mal connaître l’animal poli­tique ins­tinc­tif qu’est Hubert Falco. Et ce serait mal mesu­rer l’estime de lui-même qui porte ses ambi­tions, sans autre humi­li­té que de façade, sur­jouée à l’envi. Ce serait sur­tout oublier que son des­sein prin­ci­pal, au stade de car­rière auquel il se trouve, c’est l’image qu’il sou­haite lais­ser à la pos­té­ri­té. Sa condam­na­tion pénale lui inter­di­sant désor­mais de convoi­ter une répu­ta­tion post­hume idyl­lique et vir­gi­nale, il recherche désor­mais une sor­tie hono­rable. Plus dans le style du vieux lion Édouard Soldani, ancien par­rain socia­liste du dépar­te­ment ayant connu une fin de car­rière décli­nante et miti­gée. Plutôt que dans le style de Maurice Arreckx, ancien par­rain cen­triste du dépar­te­ment, pré­dé­ces­seur et men­tor de Falco, qui, lui, a fini car­ré­ment dans le mau­vais genre, com­pro­mis avec la pire mafia du coin. Lequel Arreckx d’ailleurs, d’une cer­taine manière et cer­tai­ne­ment sans le pré­voir et encore moins le vou­loir, a favo­ri­sé par ses mal­ver­sa­tions révé­lées et ses déboires judi­ciaires l’arrivée aux affaires du maire Front National Jean-Marie Le Chevallier en 1995.

Pour « laver son hon­neur » selon ses propres dires, il est évident pour tout obser­va­teur local quelque peu clair­voyant que, non seule­ment Hubert Falco pré­pare déjà son retour, mais encore qu’il va res­ter entre temps aux manettes en cou­lisses.

L’élection comme maire de Toulon de Josée Massi en est la plus fla­grante illus­tra­tion. À 72 ans, incon­nue du grand public, ses pre­mières décla­ra­tions ont été : « Ce n’était pas fran­che­ment mon sou­hait », « Je n’étais pas confi­gu­rée pour ce poste ». Transpirant ain­si l’intérim de façon trop voyante, elle a eu beau affir­mer : « Je ne serai pas une plante verte », elle n’a convain­cu per­sonne. D’autant moins que, paral­lè­le­ment, elle a ajou­té vou­loir s’appuyer sur « l’expérience de son pré­dé­ces­seur » et sur ses conseils « tou­jours bons »…

Conseil municipal Toulon - Josée Massi - Hubert Falco

Conseil muni­ci­pal de Toulon tel un bal masqué

Conseil municipal Toulon - Josée Massi - Hubert Falco

À droite du Parrain, Josée Massi, pre­mière adjointe, recon­nais­sable mal­gré son masque

La seule inflexion sera peut-être « une touche sociale », un coup de barre encore plus à gauche que le récent retour­ne­ment de veste de Falco quit­tant LR pour se ral­lier à Macron. Une sorte de retour vers les ori­gines poli­ti­ciennes de son patron Falco, lequel avait effec­ti­ve­ment enta­mé son par­cours élec­to­ral en figu­rant sur une liste muni­ci­pale à Pignans en com­pa­gnie de nom­breux socia­listes et communistes.

Yannick Chenevard, le seul du clan Falco appa­rais­sant depuis une dizaine d’années comme en capa­ci­té tech­nique de bri­guer un jour le poste, attend sage­ment la suite des évé­ne­ments comme simple conseiller muni­ci­pal. Il est vrai que son siège de dépu­té de Toulon lui donne le recul néces­saire. Il est pro­bable que s’il l’avait aban­don­né pour deve­nir maire de Toulon, la cir­cons­crip­tion ris­quait fort, lors d’élections par­tielles, de reve­nir au RN. C’est la seule qui lui a man­qué, de peu, pour faire le grand che­lem dans le Var lors des légis­la­tives 2022. Toutefois Chenevard perd l’occasion d’accoler « maire de Toulon » à son nom dans l’opinion publique. Oui, mais… un tel avan­tage lors des pro­chaines muni­ci­pales ne vau­drait que s’il avait été cer­tain de se pré­sen­ter en 2026 comme maire sor­tant. Et ça, pré­ci­sé­ment, ce n’est pas dans les plans de Falco, qui compte bien reve­nir avant cette échéance, mal­gré sa peine en pre­mière ins­tance de trois années d’inéligibilité.

À la métro­pole TPM (Toulon-Provence-Méditerranée), rebe­lote pour le coup de l’intérim du pré­sident sor­ti Hubert Falco. Certes Jean-Pierre Giran, maire d’Hyères, n’est pas un pou­let de l’année. Contrairement à Josée Massi, il a du poids poli­tique dans le dépar­te­ment et encore plus dans l’agglomération tou­lon­naise. Il a exer­cé de nom­breux man­dats élec­tifs, dépu­té et conseiller régio­nal par exemple. Il aligne expé­rience et soli­di­té, les vel­léi­tés de la maire de La-Seyne-sur-Mer Nathalie Bicais ont été faci­le­ment balayées. Mais à 76 ans, comme il l’a dit lui-même, il n’est « ni un dau­phin, ni un joker ».

Du côté des oppo­si­tions, on n’a pas été très effi­cace pour, sinon déjouer, du moins dénon­cer les mani­gances du clan Falco. Des appels peu enten­dus de retour aux urnes. Pourtant, dans le double contexte natio­nal et local, entre l’impopularité de la macro­nie et la des­ti­tu­tion de Falco, il y avait une fenêtre de tir élec­to­ral qui pou­vait se révé­ler favo­rable, pour la pre­mière fois depuis plus de deux décen­nies à Toulon. Mais les oppo­si­tions ne sont guère cré­dibles, aucun bord n’offre de per­son­na­li­té d’envergure, ne serait-ce que de noto­rié­té locale. À gauche à Toulon, émiet­te­ment des ten­dances et rétré­cis­se­ment de la base socio­lo­gique du fait de l’évolution de la struc­ture démo­gra­phique. Au RN à Toulon, achar­ne­ment des têtes de liste suc­ces­sives depuis 20 ans à faire des scores élec­to­raux net­te­ment infé­rieurs au poten­tiel du parti.

Dans ces condi­tions, Hubert Falco peut-il rêver ? En par­ti­cu­lier de reve­nir pour avoir la satis­fac­tion de par­tir de lui-même (il aura 79 ans en 2026) plu­tôt que d’avoir été viré ? Pour avoir le plai­sir d’avoir son mot à dire lors des élec­tions muni­ci­pales de 2026, lui qui en auto­crate aver­ti a bien fait atten­tion à ce que per­sonne ne puisse se pré­va­loir d’être son dau­phin tant qu’il était le chef ? Malgré les trois ans de pri­son avec sur­sis dont il a éco­pé, mal­gré la peine de trois ans d’inéligibilité qui vient de l’éjecter de ses deux sièges de maire et de pré­sident, ce n’est pas impos­sible. Avec le fidèle et effi­cace Robert Cavanna à la manœuvre poli­tique, avec le répu­té et pug­nace Thierry Fradet à la manœuvre judi­ciaire, avec leurs réseaux d’influence et de rela­tions remo­bi­li­sés, tout est pos­sible par ici. On a déjà enten­du des injonc­tions pres­santes pour que l’appel inter­je­té trouve audience le plus vite pos­sible à Aix.

Pendant ce temps, l’opinion publique est soi­gneu­se­ment ber­cée par une petite musique sur le thème « Mais qu’est-ce qu’il a fait de mal au fond ? » « Quel est celui qui n’a pas com­mis une erreur dans ce milieu de poli­ti­ciens ? », « Rendez-nous notre bon maire, il a com­mis des fautes beau­coup moins graves que les autres poli­ti­ciens ». François Bayrou y est allé de sa mini­mi­sa­tion, il faut dire que, ce fai­sant, il plaide aus­si pour lui-même car il est éga­le­ment englué dans les affaires judi­ciaires. Même l’humoriste Sandrine Sarroche, dans un sketch dédié n’a fait que l’égratigner.

Il fal­lait oser, mais c’est fait : un comi­té de sou­tien à Hubert Falco a été créé et a déjà recueilli des mil­liers de sou­tiens. Rien n’est impos­sible en Provence.

La presse locale est de nou­veau maî­tri­sée. Le ton de Var-matin, qui s’était un peu libé­ré de la tutelle Falco, est deve­nu plus atten­tiste, dans la série : on ne sait jamais, a prio­ri il faut être bien avec le futur vrai suc­ces­seur, donc pru­dence, sur­tout si, entre temps, Hubert reve­nait pour essayer de ter­mi­ner en beau­té, laver son hon­neur et par­tir défi­ni­ti­ve­ment, mais de son plein gré cette fois. En résu­mé, Var-Matin aurait plus à perdre qu’à gagner en son­nant l’hallali de la bête blessée.

C’est comme si nous nous trou­vions en pré­sence d’une par­faite orches­tra­tion pour un retour pro­gram­mé. La seule incon­nue étant la date… Mais à cet égard, rien n’interdit de pen­ser qu’en appel, même si le sur­sis et l’amende pécu­niaire ne devaient pas être pro­fon­dé­ment modi­fiés, l’inéligibilité pour­rait être rame­née à deux ans, voire dix-huit mois ou encore moins. Comme l’audience ne pour­ra vrai­sem­bla­ble­ment pas être fixée avant un an ou un an et demi, Hubert Falco serait de la sorte éli­gible dès le ren­du de la déci­sion. Scénario avec beau­coup de si, mais sans doute celui qu’espère Hubert.

Dès le 16 avril, alors que le maire de Toulon déchu se trou­vait en pleine tour­mente, nous avions pro­nos­ti­qué que la « chute de la Maison Falco » ne signi­fiait « pas la fin immé­diate et simul­ta­née du Système Falco, qui imprè­gne­ra un temps encore la vie poli­tique locale et dépar­te­men­tale ». Persiste et signe.

Marc-François de Rancon, 6 mai 2023

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Marc-François de Rancon

3 Commentaires 

  1. C’est si vrai !
    Les vieux fli­bus­tiers de la poli­tique n’ont que faire des usages et valeurs en cours chez la popu­la­tion locale, sauf pour le ser­vice élec­to­ral qu’elles pour­raient leur rendre…
    C’est tout le pro­blème de la cré­di­bi­li­té de la dési­gna­tion de nos élus par le pro­ces­sus de l’élection !
    Mais, après tout, on n’a jamais le style d’é­lus que ceux que l’on mérite…
    Et si Mr Falco, mal­gré quelques déman­geai­sons poli­tiques tran­si­toires, a su remettre si vite la tête hors de l’eau, c’est que les équi­libres poli­tiques locaux et natio­naux lui ont ser­vi de bouée de sau­ve­tage !
    Longue vie aux cigales…

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  2. « Prendre la popu­la­tion pour des cons »

    Il a rai­son le Falco ! Comme Georges Frêche le disait lui-même : « J’ai tou­jours été élu par une majo­ri­té de cons ». Et c’est bien pour ça que Macron a été élu et réélu. 

    Écoutez braves gens une leçon magistrale 😉 :
    https://www.dailymotion.com/video/x1bonux

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  3. Vous savez, ces gens là ne pensent pas comme nous. « La sor­tie hono­rable » et « laver son hon­neur », Falco s’en contre-fiche ! Le men­songe, la cor­rup­tion, le vice, ils ont ça dans la peau jus­qu’à la moelle ! Ils inversent les valeurs en per­ma­nence ! C’est plu­tôt l’or­gueil déme­su­ré, et le « prendre la popu­la­tion pour des cons » qui mène Falco.
    Ces gens là donnent leur âme au diable. Le diable a dû dire à Falco de conti­nuer ses ignominies !

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