Allemagne : plutôt mourir que…

par | 8 novembre 2023 | Aucun com­men­taire

On le sait désor­mais : le gazo­duc Nord Stream 2 cir­cu­lant en mer Baltique, consti­tué de deux pipe­lines, n’a pas été tota­le­ment détruit par le sabo­tage du 26 sep­tembre 2021, impu­table aux Américains selon toute vrai­sem­blance (confir­mé par l’enquête sué­doise et démon­tré par Dirk Pohlmann, Jimmy Dore et Seymour Hersh). L’un des deux tuyaux est res­té intact et par­fai­te­ment fonc­tion­nel. Il suf­fit à la Russie d’ouvrir une vanne pour que son gaz s’écoule à nou­veau vers l’Europe et l’Allemagne en par­ti­cu­lier. D’ailleurs, Vladimir Poutine réitère régu­liè­re­ment son offre à Olaf Scholz (notre illus­tra­tion ci-des­sus) de reprendre les livrai­sons de gaz russe bon marché.

Seulement, voi­là ! Quand on a fait allé­geance, il est dif­fi­cile de se sous­traire au bon vou­loir de son sei­gneur et maître. Ainsi, le gou­ver­ne­ment alle­mand qui s’est incon­si­dé­ré­ment pla­cé dans le sillage des États-Unis, per­siste-t-il à vou­loir tour­ner le dos à la Russie et oppose sys­té­ma­ti­que­ment une fin de non rece­voir aux démarches du Kremlin. Ce que l’ambassadeur russe en Allemagne, Sergueï Netchaïev, déplore dans une inter­view accor­dée à l’agence de presse Tass, rap­por­tée par le maga­zine alle­mand Zuerst ! [source]

Le diplo­mate estime que la déci­sion du gou­ver­ne­ment fédé­ral d’abandonner les pro­jets Nord Stream en mer Baltique est une grave erreur que les consom­ma­teurs comme l’économie alle­mands « paye­ront amè­re­ment ». Précautions diplo­ma­tiques obligent, Netchaïev n’est pas allé jusqu’à dire que c’est déjà le cas car l’effondrement de l’industrie alle­mande est fac­tuel­le­ment en cours et cela va en s’aggravant. Dans ce qui res­semble à un réqui­si­toire, l’ambassadeur a pré­ci­sé que la construc­tion des gazo­ducs Nord Stream et la mise en ser­vice com­plète du n° 2 avait four­ni à l’Allemagne une magni­fique oppor­tu­ni­té de deve­nir une plaque tour­nante euro­péenne de pre­mier plan dans le domaine de l’énergie en plus de satis­faire qua­si entiè­re­ment ses besoins éner­gé­tiques. Or, ce beau pro­jet s’est heur­té à une farouche résis­tance venue d’outre Atlantique mais aus­si d’Europe, hélas. Selon lui, pour les État-Unis – qu’il ne nomme pas pré­fé­rant l’euphémisme d’« outre-mer » –, il s’agissait de pri­ver la Russie d’une source de reve­nus stable et l’Allemagne de ses avan­tages concur­ren­tiels. Et dans le même temps, il fal­lait for­cer Berlin à cher­cher des alter­na­tives « plus coû­teuses » et empê­cher un rap­pro­che­ment poli­tique avec Moscou. Berlin, en vas­sal docile, a donc déci­dé de mettre fin à la coopé­ra­tion éner­gé­tique bila­té­rale avec la Russie sans qu’il y ait la moindre logique éco­no­mique der­rière cette déci­sion. « L’économie alle­mande en subit aujourd’hui plei­ne­ment les consé­quences », cri­tique l’ambassadeur, qui pour­suit : « Il ne s’agit que de poli­tique et d’une idéo­lo­gie pré­ten­du­ment “basée sur des valeurs” ».

Par idéo­lo­gie, l’Allemagne pros­père s’est ren­due éner­gi­que­ment dépen­dante du gaz. Par lâche­té poli­tique, elle s’est cou­pée de son prin­ci­pal appro­vi­sion­ne­ment, pour­tant vital. Aujourd’hui, elle se trouve en réces­sion éco­no­mique. Ce qui réjouit Washington et ses par­te­naires anti-russes de l’Otan. Nord Stream repré­sen­tait une menace pour la domi­na­tion occi­den­tale. Gazprom – socié­té ano­nyme russe d’extraction, de trai­te­ment et de trans­port de gaz natu­rel – contrô­lait 51 % du consor­tium d’exploitation. Ses béné­fices par­ta­gés avec l’État russe ont été esti­més, pour cer­taines années, à 45 % du bud­get annuel du pays. Les craintes des États-Unis étaient donc grandes que la mise en ser­vice de Nord Stream 2 four­nisse à Poutine une source de reve­nus sup­plé­men­taire consi­dé­rable et que l’Europe occi­den­tale, en situa­tion de dépen­dance au gaz russe à faible coût, s’exonère de la dépen­dance à l’Amérique. La suite, on la connaît : guerre en Ukraine et sabo­tage des pipe­lines, sanc­tions contre la Russie et crise éco­no­mique en Europe.

Si la poli­tique de la pos­ture per­met de sau­ver la face par­fois, elle peut s’avérer sui­ci­daire dans cer­tains cas. L’Allemagne est en train d’en faire l’amer constat. Un célèbre Premier ministre bri­tan­nique a dit un jour « Vous aviez à choi­sir entre le déshon­neur et la guerre ; vous avez choi­si le déshon­neur, vous aurez aus­si la guerre ». Olaf Scholz aurait dû s’en sou­ve­nir : il a fait preuve de couar­dise, il a choi­si ce qu’il croyait être l’honneur et il a récol­té l’effondrement éco­no­mique de son pays… Le déshon­neur n’est plus très loin.

Charles ANDRÉ

« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réflé­chir. »

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