Le cauchemar « woke » peut-être en phase terminale

par | 12 novembre 2023 | Aucun com­men­taire

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Ce dic­ton célèbre, aus­si vieux que la France – on en trouve des formes dans le haut moyen-âge – pour­rait bien illus­trer le début de la fin du mou­ve­ment « woke » qui ravage nos socié­tés post-modernes(notre illus­tra­tion ci-des­sus)(1). Car cette hys­té­rie socié­tale imbé­cile s’avère de plus en plus incom­pa­tible avec le busi­ness… Et ça, voyez-vous, c’est une consé­quence qui com­mence a en aga­cer plus d’un dans le milieu des affaires. Et pas des moindres. Des géants de l’investissement comme BlackRock – ges­tion directe de 6 000 mil­liards de dol­lars et indi­recte de 9 000 mil­liards (via son logi­ciel de ges­tion Aladdin) soit à peu de chose près l’équivalent du PIB des États-Unis ! – ont déjà enclen­ché la marche arrière.

BlackRock, c’est Laurence Douglas Fink, dit « Larry » Fink(2), le « King » à Wall Street. Car c’est le fai­seur de rois de presque toutes les plus grandes entre­prises du monde occi­den­tal. Ceux qui le connaissent de longue date le sur­nomment « le Magicien d’Oz » : celui qui tire les ficelles mais qu’on ne voit jamais. C’est un des plus gros action­naires des grands groupes occi­den­taux : Facebook, JP Morgan, Microsoft, Berkshire Hathaway (la socié­té de Warren Buffet), Amazon, Apple, Alphabet (la mai­son mère de Google), ExxonMobil, Procter & Gamble, Citigroup, etc. Et en France : Total, Unibail, Vinci, Schneider, Air Liquide, Valeo… Autrement dit, Larry Fink détient le pou­voir de nom­mer les PDG de la plu­part de ces entre­prises. En jan­vier 2018, le « Magicien » a écrit(3) à tous les PDG de ces firmes pour qu’elles s’engagent dans un grand élan de géné­ro­si­té vers « un monde meilleur ». Elles étaient priées de se confor­mer au fameux concept d’ESG (Critères envi­ron­ne­men­taux, sociaux et de gou­ver­nance), panel de mesures les encou­ra­geant à être plus trans­pa­rentes, plus res­pon­sables sur le plan envi­ron­ne­men­tal et social. Dans les faits, il s’agit d’un sys­tème d’évaluation et de nota­tion. Pour obte­nir une bonne note en matière de gou­ver­nance, les entre­prises doivent s’engager en faveur de la pro­mo­tion de la diver­si­té, de la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, de l’action sociale et d’autres marottes du « wokisme ». Elles doivent veiller à ce que leurs conseils d’administration soient dans le « bon » état d’esprit poli­tique. Ainsi, des stu­dios hol­ly­woo­diens aux fabri­cants de bière en pas­sant par les pro­duc­teurs d’hygiène cor­po­relle, les entre­prises amé­ri­caines ont mis en avant une doc­trine de plus en plus « pro­gres­siste ».

Mais trop, c’est trop. Ce mou­ve­ment idéo­lo­gique s’est sou­vent effec­tué au grand dam d’une impor­tante par­tie du public ciblé et, depuis quelque temps, au détri­ment même des ventes. Et donc des pro­fits. Pour Gillette, la dif­fu­sion de son infâme spot publi­ci­taire s’attaquant à la « mas­cu­li­ni­té toxique » s’est tra­duite par une perte de 8 mil­liards de dol­lars. Pour Budweiser, dont les bières sont les plus ven­dues aux États-Unis, la col­la­bo­ra­tion catas­tro­phique avec la mili­tante trans­genre Dylan Mulvaney s’est sol­dée par un boy­cott natio­nal et 4,6 mil­liards de dol­lars de pertes en capi­ta­li­sa­tion. Pour Disney et Netflix, le public refu­sant de regar­der leurs films et émis­sions de télé­vi­sion for­ma­tées sur l’agenda LGBTQ, on essaie vai­ne­ment de recon­qué­rir l’audience per­due en affir­mant chan­ger de logi­ciel. Au fil des ans, une petite for­mule a fait sa place dans le milieu des affaires : « Get woke, go broke » (« se réveiller, se rui­ner »). Et l’enfant ter­rible du busi­ness, Elon Musk, a qua­li­fié les normes ESG de « démon » et d’« escro­que­rie » per­pé­trés par de « faux guer­riers de la jus­tice sociale ». Bref, rien ne va plus au « Wokistan ».

C’est d’autant plus pal­pable que Larry Fink lui-même, celui qui a impo­sé ces normes au monde des affaires pour « for­cer les com­por­te­ments », a récem­ment opé­ré un virage pour le moins inat­ten­du. Il a indi­qué que sa socié­té avait per­du envi­ron 4 mil­liards de dol­lars d’actifs gérés et que « les entre­prises “woke” pour­raient avoir à se concen­trer sur autre chose que les guerres cultu­relles qui divisent »(4). Qui l’eût cru ? On observe d’ailleurs que l’abandon de l’ESG, dans ses aspects par­ti­cu­liè­re­ment contre-pro­duc­tifs, a déjà eu lieu. Par exemple, un grand nombre d’entreprises dont Amazon, X , Nike ou Disney ont com­men­cé à pur­ger leurs dépar­te­ments DEI (diver­si­té, équi­té et inclu­sion) en licen­ciant des dizaines de mil­liers de « per­sonnes char­gées de la diver­si­té ». Le PDG de Disney, Bob Iger, est allé jusqu’à décla­rer, lors d’une réunion d’investisseurs, qu’il vou­lait « faire taire le bruit » sur les ques­tions de guerre cultu­relle parce que ce n’était « pas sain » pour les acti­vi­tés de la firme, rap­pe­lant que le conte­nu devait être « diver­tis­sant et non axé sur les pro­blèmes ». D’aucuns doutent cepen­dant de sa sin­cé­ri­té soup­çon­nant un simple effet d’annonce pour col­ler à l’air du temps car rien de tan­gible ne se des­sine : pour l’instant, Disney conti­nue à rem­plir ses films d’idéologie « pro­gres­siste » et néga­tion­niste des valeurs tra­di­tion­nelles. Le pro­chain remake de Blanche-Neige en est le meilleur exemple. Netflix, quant à lui, se montre plus cré­dible. Après avoir per­du plus d’un mil­lion d’abonnés en 2022, le ser­vice de strea­ming a com­men­cé à s’éloigner du « wokisme ». Dans une note de ser­vice à des­ti­na­tion de ses employés indi­gnés par cette atti­tude, il leur a conseillé de cher­cher un autre emploi s’ils avaient des dif­fi­cul­tés à tra­vailler sur des conte­nus avec les­quels ils n’étaient pas d’accord.

À l’évidence, les choses sont en train de chan­ger. Certes, nous ne sommes pas en pré­sence d’un virage à 180 degrés mais le mou­ve­ment de recul est per­cep­tible. Les nota­tions ESG font len­te­ment leur che­min vers le « vin­tage » . Et c’est tant mieux. Cependant, l’argent ne se gagne pas seule­ment en ven­dant des pro­duits mais aus­si en atti­rant des inves­tis­se­ments. C’est la rai­son pour laquelle trop d’entreprises res­tent encore concen­trées sur leur nota­tion ESG au lieu d’écouter leurs clients. Le che­min semble donc encore long vers l’éradication de la peste « woke » même si le pro­ces­sus a été enclen­ché par le « Magicien d’Oz » lui-même. Le phé­no­mène pour­rait néan­moins, par effet boule de neige, s’amplifier et s’inscrire dans un cercle ver­tueux jusqu’à s’imposer à tout le milieu des affaires. Les États-Unis sor­ti­raient alors du cau­che­mar « woke ». L’Europe, par mimé­tisme, sui­vra inévitablement.

Charles ANDRÉ

« L’important n’est pas de convaincre mais de don­ner à réfléchir. »

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Sur cette enlu­mi­nure médié­vale du XVe siècle, on lit : « Tant va le pot alique quil brise ».
Cet adage appa­raît encore beau­coup plus tôt (XIIe siècle) dans le Roman de Renart [source]

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