C’est avec une mystification de facture professionnelle et une opération éclair que le gouvernement a pris de court les habitants de Pierrefeu-du-Var. À peine « informés » hier soir lors d’une réunion publique où l’on n’a pas appris grand-chose, ils ont vu débarquer à l’aube de ce matin 20 octobre 2016, quelques heures plus tard seulement, les premiers migrants. Décryptage chronologique d’un « coup d’Etat » édifiant.
Mercredi 19 octobre 2016, 18h30 à Pierrefeu : comme la veille à Tourves, même mise en scène municipale, sur ordre des services de l’État. Réunion, dite publique, et prétendument d’information, sur l’arrivée dans la commune de migrants, en provenance de la jungle de Calais. Mêmes précautions, à savoir une table d’intervenants à distance respectable de l’assistance, occupation des premiers rangs par des partisans acquis à la cause, relégation debout et derrière des opposants à l’immigration clandestine d’État. Ainsi que des citoyens tout simplement curieux de se faire une opinion. Assistance environ trois fois moins nombreuse qu’à Tourves le 18 octobre, mais tout de même deux centaines de personnes.
À la tribune le maire et une partie de son équipe. Dans la salle, aux endroits stratégiques pour faire la claque, ou pour conspuer toute voix dissidente, les partisans des lobbies pro-immigration et les militants de l’association forum réfugiés. Une organisation presque aussi bien pensée qu’une réunion soviétique du parti à l’époque du communisme flamboyant.
Information officielle pour le moins nébuleuse, propos embarrassés. Le maire, Patrick Martinelli, essaie de ménager la chèvre et le chou. Oui, la commune va bien accueillir des « migrants ».
Combien ? Là c’est moins précis, on ne comprend pas bien, une trentaine peut-être, ce qui serait moins que les soixante évoqués par ailleurs.
Qui ? On ne saisit pas trop.
Quand ? Le maire ne sait pas, dit-il.
Où ? Explication alambiquée à propos d’un problème de bâtiment.
Beaucoup dans la salle commencent à gronder : soit le maire sait, et alors il ment et roule dans la farine les habitants en tenant une réunion pour ne rien dire, soit il ne sait pas, et alors il est au mieux l’idiot utile d’une opération qui le dépasse. D’ailleurs il glisse qu’il n’y peut rien, ça vient de plus haut. Toutefois, remarquent certains, il n’a pris aucune initiative en son pouvoir pour marquer sa désapprobation. Il semble au contraire se plier aux ordres de bonne grâce.
L’ambiance, dans ces conditions, devient houleuse pour ne pas dire franchement tendue. Mis à part les organisateurs et leurs soutiens, les citoyens commencent à gronder. Surtout quand leurs questions ne trouvent pas réponse, ou à côté. Comme le jour précédent à Tourves. « Pourquoi le préfet n’est-il pas là ? Il a peur ? » entend-on à quelques reprises. « Lui au moins doit savoir ». Les arguments des habitants, réservés face à cette immigration forcée, sont balayés ou ignorés. Aucune réponse convaincante aux questions exprimant des craintes pour la sécurité à Pierrefeu, notamment pour les enfants et le personnel hospitalier.
L’opération de propagande avait pourtant été bien balisée, avec en première ligne de relais l’organe officiel Var-Matin qui avait utilisé les outils classiques de l’agit-prop les jours précédents : annoncer le pire en termes de nombre de migrants, manier les incertitudes sur l’identité des migrants concernés. Pour « rassurer » ensuite, à la fois sur le nombre (plutôt trente alors que l’on craignait soixante) et les caractéristiques de la population (des femmes et des enfants, pas seulement des hommes). Ainsi que sur la temporisation (ce n’est pas pour tout de suite, des décrets de réquisition doivent être pris auparavant, il faut d’abord organiser la coordination avec toutes les parties prenantes à l’accueil). Ou sur la durée (ils ne resteront que peu de temps). Le tout avec suffisamment de conditionnels pour ne pas être mis en défaut ensuite. Mais ça n’a pas suffi à rasséréner. Il faut croire que les intervenants étaient plutôt maladroits. Ou que la cause était difficile à soutenir.
Toujours est-il que mercredi soir, au crépuscule passé et à la nuit bien tombée, le maire et tous ses assistants pro-immigrés ne savaient rien, de toute façon ils n’y étaient pour rien. Ils ne savaient surtout pas quand ça pourrait arriver.
Jeudi matin à l’aube : sous protection des gendarmes, les migrants débarquent. Couples hommes-femmes, enfants. « Quatorze » dit avec précision Var-matin, apparemment informé de bonne source, « pour une durée de quelques mois ». On reste confondu devant tant de détails, alors que le coup a été mené en catimini à l’heure du laitier. Quand arriveront les autres ? Combien seront-ils ? Seront-ce des hommes, des femmes ou des enfants ? Des réfugiés politiques ? Des migrants économiques ? Des personnes fuyant la guerre ? Venant d’où ? De quoi vont-ils vivre ? À quoi vont-ils être occupés ? Comment seront-ils surveillés ? Habitants de Pierrefeu, ne dérangez pas votre maire, il ne sait toujours rien. La Pravda dit qu’il n’a été prévenu de l’arrivée du contingent de ce jeudi qu’au matin. La nuit aura été courte, alors… Et pas besoin qu’il se rende au cours municipal de gymnastique aujourd’hui : il a déjà fait le grand écart, il n’a plus rien à prouver dans ce registre.
François LEBOURG, Pierrefeu et Toulon, 20 octobre 2016