Allemagne : plutôt mourir que…
On le sait désormais : le gazoduc Nord Stream 2 circulant en mer Baltique, constitué de deux pipelines, n’a pas été totalement détruit par le sabotage du 26 septembre 2021, imputable aux Américains selon toute vraisemblance (confirmé par l’enquête suédoise et démontré par Dirk Pohlmann, Jimmy Dore et Seymour Hersh). L’un des deux tuyaux est resté intact et parfaitement fonctionnel. Il suffit à la Russie d’ouvrir une vanne pour que son gaz s’écoule à nouveau vers l’Europe et l’Allemagne en particulier. D’ailleurs, Vladimir Poutine réitère régulièrement son offre à Olaf Scholz (notre illustration ci-dessus) de reprendre les livraisons de gaz russe bon marché.
Seulement, voilà ! Quand on a fait allégeance, il est difficile de se soustraire au bon vouloir de son seigneur et maître. Ainsi, le gouvernement allemand qui s’est inconsidérément placé dans le sillage des États-Unis, persiste-t-il à vouloir tourner le dos à la Russie et oppose systématiquement une fin de non recevoir aux démarches du Kremlin. Ce que l’ambassadeur russe en Allemagne, Sergueï Netchaïev, déplore dans une interview accordée à l’agence de presse Tass, rapportée par le magazine allemand Zuerst ! [source]
Le diplomate estime que la décision du gouvernement fédéral d’abandonner les projets Nord Stream en mer Baltique est une grave erreur que les consommateurs comme l’économie allemands « payeront amèrement ». Précautions diplomatiques obligent, Netchaïev n’est pas allé jusqu’à dire que c’est déjà le cas car l’effondrement de l’industrie allemande est factuellement en cours et cela va en s’aggravant. Dans ce qui ressemble à un réquisitoire, l’ambassadeur a précisé que la construction des gazoducs Nord Stream et la mise en service complète du n° 2 avait fourni à l’Allemagne une magnifique opportunité de devenir une plaque tournante européenne de premier plan dans le domaine de l’énergie en plus de satisfaire quasi entièrement ses besoins énergétiques. Or, ce beau projet s’est heurté à une farouche résistance venue d’outre Atlantique mais aussi d’Europe, hélas. Selon lui, pour les État-Unis – qu’il ne nomme pas préférant l’euphémisme d’« outre-mer » –, il s’agissait de priver la Russie d’une source de revenus stable et l’Allemagne de ses avantages concurrentiels. Et dans le même temps, il fallait forcer Berlin à chercher des alternatives « plus coûteuses » et empêcher un rapprochement politique avec Moscou. Berlin, en vassal docile, a donc décidé de mettre fin à la coopération énergétique bilatérale avec la Russie sans qu’il y ait la moindre logique économique derrière cette décision. « L’économie allemande en subit aujourd’hui pleinement les conséquences », critique l’ambassadeur, qui poursuit : « Il ne s’agit que de politique et d’une idéologie prétendument “basée sur des valeurs” ».
Par idéologie, l’Allemagne prospère s’est rendue énergiquement dépendante du gaz. Par lâcheté politique, elle s’est coupée de son principal approvisionnement, pourtant vital. Aujourd’hui, elle se trouve en récession économique. Ce qui réjouit Washington et ses partenaires anti-russes de l’Otan. Nord Stream représentait une menace pour la domination occidentale. Gazprom – société anonyme russe d’extraction, de traitement et de transport de gaz naturel – contrôlait 51 % du consortium d’exploitation. Ses bénéfices partagés avec l’État russe ont été estimés, pour certaines années, à 45 % du budget annuel du pays. Les craintes des États-Unis étaient donc grandes que la mise en service de Nord Stream 2 fournisse à Poutine une source de revenus supplémentaire considérable et que l’Europe occidentale, en situation de dépendance au gaz russe à faible coût, s’exonère de la dépendance à l’Amérique. La suite, on la connaît : guerre en Ukraine et sabotage des pipelines, sanctions contre la Russie et crise économique en Europe.
Si la politique de la posture permet de sauver la face parfois, elle peut s’avérer suicidaire dans certains cas. L’Allemagne est en train d’en faire l’amer constat. Un célèbre Premier ministre britannique a dit un jour « Vous aviez à choisir entre le déshonneur et la guerre ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez aussi la guerre ». Olaf Scholz aurait dû s’en souvenir : il a fait preuve de couardise, il a choisi ce qu’il croyait être l’honneur et il a récolté l’effondrement économique de son pays… Le déshonneur n’est plus très loin.
Charles ANDRÉ
« L’important n’est pas de convaincre mais de donner à réfléchir. »
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