L’Hebdo varois semaine 49–2015 :

C’est le maître-mot, au sens propre comme au sens figu­ré, pour qua­li­fier l’ambiance de la semaine dans le Var. Flammes réelles hélas, à Toulon et à Cavalaire, avec vic­times et inter­ro­ga­tions. Esprits enflam­més aus­si, par la panique élec­to­rale ou la colère ins­tinc­tive, dans les médias ou autour du bal­lon. Ovale, ça va de soi à Toulon, mais comme notre web-maga­zine s’appelle Nice-Provence.info, autant le pré­ci­ser tout de même…

Un incen­die dra­ma­tique qui laisse des ques­tions ouvertes

Jeudi soir 3 décembre vers 21 heures un incen­die s’est décla­ré rue Micholet à Toulon.
La rue Victor Micholet, c’est une artère emblé­ma­tique située au cœur de la capi­tale du Var. En face de l’entrée de l’arsenal, du musée de la Marine et de la Préfecture mari­time, c’était depuis tou­jours et jusque dans les années 7080 la porte d’entrée natu­relle dans le « Chicago » des marins. Toute une époque. Qui s’est pro­gres­si­ve­ment estom­pée au rythme du rem­pla­ce­ment des popu­la­tions, phé­no­mène ancien et déjà géné­ra­tion­nel ici. Dans ce qu’il a été conve­nu pen­dant un temps d’appeler pudi­que­ment la « basse-ville ». L’appellation poli­ti­que­ment cor­recte du moment a de nou­veau chan­gé. Vous êtes cen­sé main­te­nant évo­quer le « centre ancien ». La lexi­co­lo­gie en géné­ral, l’onomastique et la topo­ny­mie en par­ti­cu­lier, pro­curent des res­sources inépui­sables à ceux qui y ont inté­rêt, pour contour­ner le fac­tuel et mas­quer la réa­li­té. Disons, pour se faire com­prendre sans se faire condam­ner, que le quar­tier est deve­nu un haut lieu de cette diver­si­té avec laquelle on peut – et on doit – pra­ti­quer le « vivre ensemble ». Et tant pis pour la perte du pit­to­resque popu­laire, culture locale tou­lon­naise en sus, de l’ancien bas quar­tier du port de guerre, réson­nant du son des retours d’escadre et des escales de flottes étrangères.

Jeudi soir l’incendie a été mor­tel. L’engagement rapide et cou­ra­geux des sapeurs-pom­piers, sou­li­gné par le direc­teur de cabi­net du pré­fet du Var, n’a pas pu évi­ter le décès de quatre des vic­times. « Un piège pour les occu­pants qui n’a­vaient aucune issue », selon le colo­nel Jacques Baudot. Henri Lévy, le pro­prié­taire de l’immeuble arri­vé très vite sur les lieux, a pré­ci­sé que le bâti­ment était en « par­fait état », le gaz venant d’être sup­pri­mé et rem­pla­cé par du tout élec­trique. Une mise en exa­men a été pro­non­cée à l’issue de la garde à vue, concer­nant un tuni­sien, dont l’alcoolémie plu­sieurs heures après le sinistre se serait encore mon­tée à 1,44 grammes par litre de sang. Il était au moment des faits héber­gé chez son beau-frère, lui-même absent.

Dès le len­de­main ven­dre­di un autre incen­die spec­ta­cu­laire rava­geait, plus à l’est du dépar­te­ment, un res­tau­rant du port de Cavalaire. Débordant sur les com­merces adja­cents, le sinistre était lors des pre­mières consta­ta­tions consi­dé­ré comme d’origine accidentelle.

Au rug­by, les esprits s’échauffent aussi

« Le por­ce­let, il t’emmerde ». Twitter, comme on le sait, c’est le lieu du pro­pos syn­thé­tique. Difficile en effet de faire plus court et ima­gé à la fois. A prio­ri rien de plus qu’un écart de lan­gage banal dans la vie cou­rante, Twitter se vou­lant le reflet des for­mules brèves et spon­ta­nées. Donc pas de quoi s’affoler pour une expres­sion fleu­rie. Sauf que là, c’est le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, qui a lâché le tweet. Il faut dire qu’il avait été pro­vo­qué par un sup­por­ter du RCT (Rugby Club Toulonnais, et non Racing club de Toulon, comme on le lit ou l’entend trop sou­vent, venant de pari­siens ou de man­chots). Ce sup­por­ter un peu har­di avait posé une ques­tion –« jaloux le por­ce­let socia­lo ? » – et fait une recom­man­da­tion – « occupe-toi de ta ville et de ton par­ti de tocards » – à l’édile socia­liste auver­gnat. On doit ajou­ter aus­si que ce jour-là, un peu plus tard, Toulon a pas­sé 35 à 9 aux cler­mon­tois, chez eux à Michelin. L’ire du pre­mier des cler­mon­tois envers les « beaufs du RCT » aura vrai­sem­bla­ble­ment redoublé.

Bon, pour une fois que ce n’est pas une décla­ra­tion de Mourad Boudjellal qui enflamme la toile, on ne pour­ra pas accu­ser uni­que­ment Toulon… D’ailleurs son maire, Hubert Falco en per­sonne, a tenu à se don­ner le mot de la fin, avec humour : « Les « beaufs » de Toulon ont don­né à Clermont une leçon de volon­té et de col­lec­tif ! Finalement, plus que les « beaufs », c’est la baffe reçue que n’a pas sup­por­tée le maire de Clermont. Allez, dans le monde spor­tif et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans le rug­by, à la fin du match on se serre la main. Sans ran­cune Monsieur le maire ! ». Beau joueur, Hubert, mais tou­jours un peu cham­breur lui aussi…

Des odeurs de rous­si dans le petit monde politico-médiatique ?

Que ce soit Nice-Matin ou sa page locale Var-Matin, la semaine a reflé­té dans les colonnes de notre PQR (presse quo­ti­dienne régio­nale) la peur crois­sante du Front National. La ten­sion est mon­tée tout au long de la semaine. Soigneusement entre­te­nue car réelle, ou savam­ment cal­cu­lée par arrière-pen­sées élec­to­rales ? Certes nous n’avons pas eu tout-à-fait la panique de la Voix du Nord, qui a consa­cré deux unes et plu­sieurs pages inté­rieures pour faire cam­pagne ouverte et vio­lente contre Marine Le Pen. Le jour­nal a ain­si aban­don­né, au grand jour pour la pre­mière fois mais c’était déjà impli­cite, toute éthique pro­fes­sion­nelle pour se rava­ler au niveau du tract mili­tant de base. Sans aller en appa­rence jusqu’à pareille outrance, nous avons chez nous assis­té à tout ce qui peut se faire en matière coups tor­dus média­tiques contre Marion Maréchal Le Pen. Et pour Christian Estrosi, seul sau­veur uni­ver­sel pro­cla­mé contre le dan­ger fron­tiste. Avec, en rap­pel du natio­nal inau­gu­ré par Gattaz, la petite musique com­plai­sam­ment relayée du patro­nat régio­nal. Ou du moins des voix qui pré­tendent s’exprimer au nom des patrons locaux. Pour en arri­ver là, on se dit qu’ils sentent eux aus­si l’odeur du feu.

Comme à la bataille navale, on brûle aus­si dans les forces de l’ordre

On a brû­lé, mais on n’a pas tou­ché. Encore moins cou­lé. Dans le cadre du plan natio­nal d’urgence, une des­cente de gen­dar­me­rie a eu lieu le 2 décembre à Sainte-Maxime dans une ancienne auto-école. Pas moins d’une dizaine de gen­darmes sont allés visi­ter l’arrière-salle du local au nom de Jaafar Ben Ali, sup­po­sée consti­tuer une salle de prières. Le maire de la ville, Vincent Morisse, se disait heu­reux que les gen­darmes se rendent dans un endroit qu’il avait lui-même signa­lé. Pour véri­fier qu’il n’y avait pas d’activités radicales.

Parallèlement on a appris que la police natio­nale a lan­cé sa cam­pagne de recru­te­ment d’ad­joints de sécu­ri­té dans le Var. Coïncidence sans doute, car il s’agit d’une action natio­nale cou­vrant toute la France. Des postes sont à pour­voir dans le Var. Aucun diplôme n’est exi­gé pour se por­ter can­di­dat à ces postes. Les ins­crip­tions sont ouvertes jusqu’au 26 décembre.

Douanier assas­si­né à Toulon, suite

Actualité chaude éga­le­ment : nous n’aurons pas eu à attendre long­temps pour rou­vrir dans ces colonnes le dos­sier du doua­nier abat­tu à bout por­tant lors d’une « livrai­son sur­veillée » à Saint-Jean-du-Var (voir « l’hebdo varois » de la semaine der­nière : « Fait-divers san­glant et inquié­tant à Toulon »). C’est sa famille qui a tenu, par la voix du frère de la vic­time, à évo­quer son sou­ve­nir. Dans une lettre ouverte au pré­sident de la République, il demande que « tout soit mis en œuvre pour per­mettre aux doua­niers de mener leurs mis­sions ». En concluant : « Ainsi la mort de mon frère pour­ra prendre un sens. »

Finalement, le seul homme qui avait essayé de pré­ve­nir le feu a été mal récom­pen­sé. Appliquant à la lettre mais sans dis­cer­ne­ment le sacro-saint prin­cipe de pré­cau­tion, il avait déboi­sé quelques arpents de la forêt du Paradou. Saccageant au pas­sage une cin­quan­taine d’eucalyptus… au sein de d’une pro­prié­té du Conservatoire natio­nal du lit­to­ral. Il a mal appré­cié qui était son voi­sin, lequel l’a fait condam­ner par le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Grasse à deux ans de pri­son ferme et 45 000 € d’amende. Par contu­mace, car le contre­ve­nant, mar­chand de biens danois, ne s’est pas pré­sen­té à l’audience. Un man­dat d’arrêt été déli­vré. Le juge a pen­sé, comme le Conservatoire du lit­to­ral plai­gnant, que l’odieux per­son­nage ne pour­sui­vait pas un but de pré­ven­tion incen­die, mais plu­tôt qu’il vou­lait valo­ri­ser de quelques mil­liers d’euros de plus, grâce une trouée pour vue sur mer, une vil­la des hauts de Vallauris.

Marc FRANÇOIS, Toulon, 6 décembre 2015